La premiére page
Comment est-on accroché par un roman ? Souvent par sa premiére page .
Je vous propose quelques premiéres pages pour l'instant .


TSCHAI

Le Chasch

D'un côté d'Explorator IV luisait une étoile sombre et vieillissante, 4269 de La Carène, de l'autre flottait une planète solitaire d'un gris brunâtre enveloppée dans un épais cocon d'atmosphère. La seule particularité de l'étoile était son curieux reflet ambré. Un peu plus grosse que la Terre, la planète était escortée ale deux petites lunes à la révolution rapide.
Une étoile de type K2 classique et une planète qui n'avait rien de remarquable. Mais pour les homme qui se trouvaient à bord d'Explorator IV, ce système était une source de stupéfaction et de fascination.
Ils étaient trois dans le poste de contrôle avant : le commandant Marin, le lieutenant Deale et le lieutenant en second Walgrave. Trois hommes pimpants, sémillants, au geste vif, vêtus du même irréprochable uniforme blanc et qui s'étaient tellement faits l'un à l'autre que leurs intonations dégagées et désinvoltes, la façon à demi facétieuse avec laquelle ils formulaient leurs pensées étaient presque identiques. Avec leurs sondoscopes - jumelles portatives à haute luminosité dotées d'un pouvoir magnificateur considérable - ils scrutaient la planète.
- A première vue, elle est habitable, commenta Walgrave. Ces nuages sont certainement composés de vapeur d'eau.
- Si des signaux émanent d'un monde, on peut presque automatiquement en conclure que ce monde est habité ...

Le Wankh

A deux mille miles à l'est de Pera, au-dessus de la Steppe Morte, l'aéroglisseur commença à avoir des ratés. Pendant un moment, il poursuivit sa route sans problèmes, puis se mit à tanguer et à tressauter d'inquiétante façon. Adam Reith se tourna vers l'arrière avec affolement et s'élança au pas de course en direction du belvédère de contrôle. Soulevant le couvercle du capot orné de volutes de bronze, il contempla les cartouches, les motifs floraux, les souriant, visages d'enfants qui dissimulaient presque malicieusement le moteur. Ankhe at afram Anacho, l'Homme-Dirdir le rejoignit.
- Sais-tu ce qui ne tourne pas rond? lui demanda Reith.
Anacho fronça ses narines pâles et bredouilla quelque chose où il était question d' " antiquaille chasch " et d' " expédition démentielle, pour commencer ". Reith, qui connaissait ses faiblesses, comprit que l'Homme-Dirdir était à la fois trop vaniteux pour reconnaitre son ignorance et trop poseur pour se targuer d'un savoir aussi grossier.
Le glisseur tangua de nouveau. En même temps, un léger crissement s'échappa du coffret de bois noir s'achevant par quatre dents, fixé sur le côté du compartiment moteur. Anacho le tapota d'un air majestueux. Le bruit et les cahots cessèrent.

Le Dirdir

Le soleil 4269 de La Carène était entré dans la constellation de Tartusz, marquant ainsi l'ouverture du Balul Zac Ag, le "temps du rêve factice " : c'était alors la trêve, la suspension des massacres, du rapt d'esclaves, du pillage et de l'incendie volontaire dans les plateaux du pays lokhara. A Balul Zac Ag se tenait la Grande Foire de Smargash - à moins, peut-être, que la Grande Foire eût précédé Balul Zac Ag et lui eût donné naissance au bout de quelques siècles. Venus des hauts plateaux et des régions voisines, Xars, Zhurvegs, Serafs, Niss et autres peuplades encore convergeaient sur Smargash pour s'y mêler et y faire commerce, régler de vieilles querelles, recueillir des renseignements. La haine imprégnait l'air comme un remugle nauséabond; les regards furtifs, les malédictions murmurées, les grondements de haine contenue accentuaient encore l'agitation colorée qui régnait dans le bazar. Seuls les Lokhars (hommes à la peau noire et aux cheveux blancs, femmes à la peau blanche et aux cheveux noirs) conservaient un air de détachement serein.
Le second jour de Balul Zac Ag, Adam Reith, qui flânait dans le bazar, s'aperçut qu'on l'observait...

Le Pnume

Aïla Woudiver était juché sur un tabouret dans le hangar qui se dressait à la limite des marais salants de Sivishe. Une chaîne fixée au collier de fer passé autour de son cou était accrochée à un haut câble; il pouvait aller de sa table au cagibi où il dormait, et, chaque fois qu'il se déplaçait, la chaîne cliquetait derrière lui.
Il était prisonnier chez lui, ce qui était une insulte s'ajoutant à l'outrage et aurait normalement dû le jeter dans des crises de rage et de grincements de dents. Mais non... Il était placidement assis sur son tabouret de part et d'autre duquel ses vastes fesses pendaient comme les trousses d'une selle, un absurde sourire de sainte patience plaqué sur les lèvres.
Adam Reith l'observait, debout devant l'astronef qui occupait presque toute la place. L'abnégation dont Woudiver faisait preuve était presque plus inquiétante que ses accès de fureur et le Terrien espérait que les machinations que tramait le poussah ne muriraient pas trop vite

Tous droits reservés © Jack Vance, Editions J'ai Lu

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