Escales dans les Etoiles - Ports of Call
(1998) |
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Myron Tany, le héros, qui a rêvé dans sa jeunesse d'égaler les exploits des contrebandiers et négriers de l'espace et aussi ceux des agents de la CCIP,est emmené par sa tante, sur un yacht spatial, à la recherche de la fontaine de Jouvence. Malheureusement pour lui, se fâchant avec sa tante au sujet du capitaine du yatch, il est débarqué et abandonné sur la planéte Taubry . Le vaisseau cargo Glicca ayant besoin d'un quatriéme homme d'équipage, Myron embarque à son bord. Le quatuor va connaitre alors un série d'aventures picaresques avec pirates, fanatiques religieux et séductrices fatales sur de nombreuses planétes. L'histoire
commence lorsque Dame Hester Lajoie, riche
résidente de la planète Vermazen, apprend l'existence d'une clinique où l'on a
perfectionné un traitement anti-sénescence. Malheureusement, cette clinique se
trouve sur une autre planète de l'Aire Gaïane, mais la chance veut que Dame
Hester reçoive un astronef de l'un de ses débiteurs. Son petit-neveu Myron,
jeune homme effacé que dévore la bougeote, réussit à se faire engager comme
capitaine, et vogue l'astronef. Malheureusement, Dame Hester s'entiche d'un
aventurier des plus séduisants, et Myron se retrouve largué sur la sinistre
planète Taubry, où il embarque à bord du Glicca comme subrécargue. Ce
n'est que le début de ses mésaventures.
On appelle tramp (vagabond) un cargo qui va de port en port, choisissant ses escales en fonction de la destination de sa cargaison. Le Glicca est un tramp stellaire, et la croisière pour laquelle embarque le malheureux Myron est un véritable vagabondage. D'une planète à l'autre, d'une culture à l'autre, Vance distille savamment tous les ingrédients qui ont fait sa réussite : richesse des descriptions, ironie des dialogues, intelligence des situations. Les vanciens les plus burinés se réjouiront de retrouver leur capitaine en grande forme, et ils savoureront en connaisseurs les multiples notations dont il émaille sa prose, ainsi que les sous-entendus parfois subtils de son propos, qui l'apparentent à des maîtres de l'humour british tels que P. G. Wodehouse. Les profanes risquent quant à eux d'être déconcertés par l'intrigue décousue, voire parfois indolente. Mais précisons que ces Escales ne sont que le premier volet d'une nouvelle saga : nul doute qu'un prochain volume permettra à Vance d'approfondir les nombreux personnages pittoresques présentés ici et de développer leurs aventures pour l'instant embryonnaires. Reste le plaisir du texte, tout en finesse et en chatoiements, excellemment traduit par Arlette Rosenblum. BREQUE Jean-Daniel |
Critique: En effet, le Grand Maître californien a sans doute
produit avec ce roman le texte le plus « vancien » de sa très longue carrière.
Décors somptueux, bizarreries exotiques, aventures en tout genre sur des
planètes hébergeant des sociétés toutes plus étonnantes les unes que les
autres : tout ce qui fait le charme envoûtant de Vance semble s'être donné
rendez-vous ici. Est-ce à dire, comme le pense l'auteur lui-même, qu'il s'agit
de l'un de ses meilleurs romans ? Avec tout le respect que je porte à Vance,
j'oserai être ici, une fois de plus, en désaccord avec lui (je ne partage pas
non plus son enthousiasme pour le cycle de Cugel). Car il manque à
Escales... un ingrédient que Vance considère manifestement comme
tellement superflu qu'il a cette fois décidé purement et simplement de le
sacrifier : une intrigue. Escales... ne raconte rien d'autre qu'une
errance de planète en planète, sans même qu'un semblant d'objectif ne vienne
justifier le voyage. On a beau savoir que « le chemin, c'est le but », selon le
mot célèbre de Lao-Tseu, on a beau admirer toute la subtilité, toute la finesse
de Vance, son talent de conteur, ses couleurs, ses visions, on ne revient pas
forcément convaincu de ces escales-là... Le ressort qui poussait le lecteur à
dévorer les Chroniques de Durdane ou celles de Cadwal, et plus
encore le fabuleux cycle de Tschaï (récemment réédité en un seul volume
chez J'ai lu), fait ici défaut. Les inconditionnels se laisseront emporter, mais
pour probablement conclure que, si la lecture d'Escales... reste un
plaisir, La Mémoire des étoiles reste à ce jour le dernier grand roman du
grand Jack. En attendant Lurulu... DELLA CHIESA Bruno Critique : Edition RIVAGES Fantasy Avec 46 livres recensés, Jack Vance fait partie des romanciers étrangers systématiquement traduits en France, à l'instar des Dick, Zelazny, Moorcock ou Herbert. Être publié chez Pocket (33 bouquins sur les 46) est le signe d'un succès qui ne se dément pas auprès du public, et ce même si la critique reste fort discrète à rencontre de notre auteur. Naguère, Vance s'était prononcé en faveur de l'engagement des troupes US au Viêt-Nam, ce qui lui a naturellement valu l'étiquette de « réactionnaire ». En France, la critique s'est arrêtée à cette considération, un fait dont le lecteur qui trouve ses livres sur les rayonnages de son hypermarché n'a cure. Quant à moi, j'entretiens avec Jack Vance un rapport
tout particulier. Il est le premier auteur anglo-saxon qu'il m'ait été donné de
découvrir avec son célèbre cycle de Tschaï et je ne l'ai plus lu depuis...
1984 ! Devenu critique entre temps, il était fatal qu'un jour ou l'autre je
fourre mon grand nez entre ses pages à la recherche d'anciennes
sensations...
En vain. La verve picaresque, véritable marque de la « fabrique » Vance, est toujours bien là, la magie du verbe étincelle comme aux plus beaux jours. Mais ce n'est plus qu'une mue chatoyante. La vigueur de l'intrigue n'est plus ; enfuie au loin. Ne reste plus qu'une peau de mots sans corps à envelopper, un spectre de roman. La linéarité, si typique de l'écriture du maître, avait alors un but — quitter Tschaï, se venger des Princes-Démons, etc. — et franchissait l'infranchissable pour l'atteindre. C'en est ici bien fini de l'héroïque volontarisme d'un Adam Reith. Myron Tany lui, vagabonde de monde en monde poussé par une légère brise de vie. Ses aventures relèvent tout au plus de l'anecdote charmante ; sa vie s'écoule paisiblement à travers la morne plaine que semble devenue l'Aire Gaïane. Après s'être embarqué à bord du somptueux yacht spatial de sa vieille garce de tante, Dame Hester Lajoie, qui s'est lancée dans la quête d'une cure de jouvence comme toute vieille peau qui imagine se respecter, ce fils à papa est bientôt débarqué au profit de plus malin que lui. Qu'à cela ne tienne, le voilà engagé sur le Glicca, un caboteur peuplé d'intellos aventuriers. Il vient compléter un équipage formé de Wingo, cuisinier-photographe animé d'un brin de mysticisme à la petite semaine, de Schwartzendale, ingénieur machiniste au talent de joueur professionnel plus qu'affirmé, et du commandant Maloof qui n'a rien à leur envier. Un groupe de « pigeons » pèlerins destinés a se faire plumer par Schwartzendale servira de passagers, tandis que sur Frametta un dénommé Moncrief, qui doit une revanche au même Schwartzendale, les rejoindra avec sa troupe de femmes de cirque. Le fin mot de l'histoire étant de se faire régler leurs dettes de jeu. La belle affaire ! Ils font des rencontres plus ou moins sympathiques ou charmantes et, parfois, leurs vies sont en danger. D'une ambiance générale drôle et chaleureuse, on passe alors soudain à de cyniques séquences où peu de cas est fait de la vie humaine, à tel point qu'on a le sentiment que ces passages n'appartiennent pas au même livre ! Au fil des pages, on ne peut que constater combien la prose, au demeurant savoureuse de Jack Vance, est impuissante à empêcher de sourdre l'ennui tant l'intrigue resplendit d'absence. Il faudrait bien autre chose que ces rencontres dont la fortuite n'égale que le banal, que ces anecdotes enfilées comme des perles fades sur un crin, mieux qu'une tante aussi sotte que pimbêche, des pèlerins aussi irascibles que mauvais joueurs assortis de la troupe d'un arnaqueur sur le retour. Récit de voyage sans réel intérêt, ce n'est même pas un roman. Et surtout pas un roman d'apprentissage.
Même les pires inconditionnels du vieux maître
reconnaîtront qu'il est bien loin du mieux de sa forme ; qu'il n'a jamais été
aussi mauvais. Quant aux jeunes lecteurs qui ne connaissent pas encore Jack
Vance, on ne saura trop les inciter à le découvrir à travers Tschaï, Un Monde d'azur ou Emphyrio, plutôt que par cet
opus à l'intérêt plus qu'incertain. Bien que cela reste malgré tout bien
meilleur qu'une part non négligeable de la production, la déception est franche.
Une histoire n'aurait pas été superflue.
LION Jean-Pierre |
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