La Mémoire des Etoiles - Night Lamp
(1996) |
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Au cours d'une exploration ethnologique, le philosophe Hilyer Fath et sa femme Althéa sauvent de la mort un garçon de six ans, Jaro. Celui-ci est traumatisé par un drame dont il ne se souvient pas. Le couple adopte l'orphelin et le ramène. Jaro, troublé par des souvenirs fragmentaires et par de curieux messages télépathiques, décide de parcourir l'espace pour retrouver le secret de ses origines. Pour le garçon et pour Skirlet, sa petite camarade (qui rêve de devenir détective interstellaire), c'est le début d'une course folle à travers les étoiles où ils affronteront les plus extrêmes périls et déjoueront les pièges les plus perfides pour trouver la réponse à une question particulièrement obscure : qui est Jaro ? Au nom de quoi est-il en vie ? |
Critique : Edition Pocket SF (1998) ISBN : 2-266-08711-8 PEETERS Bruno Critique : Edition RIVAGES Fantasy Contrairement à ce que pourrait laisser supposer son
titre, et bien qu'il se déroule à l'intérieur de l'Aire Gaïane, cadre
interstellaire d'une bonne partie des romans de Vance, La mémoire des étoiles
n'est pas un space opera. De même, en dépit de l'intitulé de la
collection 1, qui pourrait
inciter les esprits naïfs ou simplement distraits à se tromper quant à la nature
de certains passages relevant de l'ethnologie-fiction chère à cet auteur — comme
par exemple le séjour de Maihac chez les Loklors — , il s'agit encore moins d'un
roman de Fantasy. J'insiste sur ce point, car il n'est pas question ici
de pinailler sur l'appartenance du livre à tel ou tel genre ou sous-genre, mais
bel et bien de souligner une différence de démarche. Enfin, puisque j'en suis à
faire un sort aux étiquettes, cet ouvrage ne peut pas non plus être qualifié de
« néo-classique » ; l'ajout du préfixe « néo » me paraît en effet impliquer une
notion de rupture suivie d'un retour aux sources. Or, La mémoire des étoiles
s'inscrit dans la parfaite continuité de l'œuvre de son auteur — et, donc,
d'une certaine tradition de la S-F américaine, héritière de l'esprit qui régnait
dans le Galaxy des années 50 sous l'égide de H. L. Gold. Au cas où vous n'auriez pas compris, je veux dire par là
que Jack Vance n'a , jamais oublié ce qu'était le sense of wonder, et
que, s'il paraissait avoir un tantinet perdu la main avec le laborieux Throy 2, il semble avoir surmonté son handicap 3 et nous revient plus en
forme que jamais. À quatre-vingts ans. Parfaitement. Au premier degré, La mémoire des étoiles suit à
la lettre le schéma d'intrigue intitulé par Norman Spinrad The Emperor of
Everything 4 : un
adolescent vivant au bord de la civilisation découvre qu'il a un rôle crucial à
jouer dans la bataille qui se prépare entre le Bien et le Mal, en général grâce
à sa naissance ou ses super-pouvoirs — voire les deux. Naturellement, une fois
qu'il est sorti vainqueur du combat, la princesse lui tombe dans les bras.
Quel(s) que soi(en)t le(s) ouvrage(s) que vous pensez avoir reconnu(s), vous
avez gagné. « Il est donc clair que nous nous penchons sur quelque chose de
bien plus profond qu'une simple formule de fiction commerciale, un récit
archétypal transculturel qui semble jaillir de l'inconscient collectif de
l'espèce, de la source de toutes les histoires — et qui, en effet, comme
l'ont affirmé certains, est même l'histoire archétypale, point 5. » Spinrad nuance un peu plus loin ce
dernier point : non seulement le schéma de l'Héritier de l'Univers n'est
que l'une des structures de base envisageables, mais il s'agit en outre d'une
version « dégénérée » de la quête mystique du Héros aux Mille Visages. Je
renvoie à son article ceux qui désirent en savoir plus à ce sujet. La manière dont Vance va progressivement détourner ce
schéma indique à l'évidence qu'il l'utilise en toute connaissance de cause, Jaro
n'est pas le fils de l'Empereur de l'Univers, mais celui d'un simple agent
secret, et le Grand Méchant de l'histoire — superposable à Darth Vador comme au
baron Harkonnen, entre autres — a agi mû par le seul intérêt. L'intrigue
archétypale de l'Héritier de l'Univers débouche ici sur la mesquinerie la
plus vile. Pour Vance, il y aura toujours des êtres humains qui chercheront à
voler, escroquer, spolier ou dépouiller leur prochain. L'ombre de Dickens pointe le bout de son nez,
mais le tout se déroule sur un ton de comédie légère, que servent avec bonheur
des dialogues percutants et pleins d'humour. Quant à la belle princesse, elle
est le produit d'une culture reposant... disons sur une forme bien particulière
de snobisme 6 : Marie-Chantal
dans le rôle de Leïa. L'Héritier de l'Univers fournit à Vance une
structure solide — qui lui autorise toutes les digressions — , mais aussi une
galerie de situations et de personnages fondamentaux qu'un auteur pour le moins
chevronné comme lui n'a aucun mal à transposer ; le sourire qui flotte sur les
lèvres du lecteur tout au long du livre est entretenu avec soin par une
accumulation de savants décalages. Ainsi, au cadre cosmique s'oppose la
petitesse morale de nombre de personnages secondaires. L'apparition et la disparition du frère de Jaro dans les
dernières pages du livre, loin d'être un ultime rebondissement gratuit,
constitue au contraire une concession directe au schéma de base ; il ne peut y
avoir qu'un seul « Héritier de l'Univers », peut-être parce qu'il n'y a qu'une
seule princesse à épouser. Tous ces détails — et bien d'autres que je n'ai pas
la place de développer dans ces deux pages — montrent la lucidité avec laquelle
le vieux maître manipule le récit à tous les niveaux, du plus profond au plus
superficiel. Nous sommes ici en présence d'un écrivain au sommet de son
art. Avec La Mémoire des Etoiles, Jack Vance prouve
avec maestria que c'est dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures
soupes.
Notes : 1. Ce qui était
également le cas des Pêcheurs du
Ciel, objet de cette rubrique dans le numéro précédent. WAGNER Roland C.
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