Les Languages de Pao - 1957 - The Language of Pao



in "Les Maitres des Dragons & Autres Aventures"
Denoël
coll.Lunes d'Encre (2004)
Trad.Brigitte Mariot
Ill. Sparth 


Denoêl
Présence du Futur n°83 (1981)
Ill. Dumont Stéphane

De l'utilisation du language et des mots pour diriger les hommes. Mais tout n'est pas si simple.
(the Sapir-Whorf Hypothesis ["Language, Thought, and Reality, Selected Writings of Benjamin Lee Whorf", ed. John B. Carroll, New York: John Wiley & Sons, 1956])
Roman austére mais c'est le sujet qui le veut.
A lire.

Quatriéme de couverture
Sur Pao, planète sans saisons où le temps s'écoule sans heurt, le peuple s'est fondu dans une homogénéité exceptionnelle que révèle son langage. Ainsi les mots "meilleur" ou "pire" n'existent pas. Mais si cet état de chose assure une paix durable, il a aussi émoussé au fil des générations le goût de l'innovation autant que la combativité. Aussi, lorsqu'une planète guerrière s'en prendra à Pao, les envahisseurs ne se heurteront qu'à l'indifférence générale. C'est un sorcier qui trouvera le remède : modifier le langage pour modifier le comportement. Oeuvre d'un précurseur puisque abordant dès 1958 une discipline que les sciences humaines ne devaient développer que plus tard, la socio-linguistique, Les Langages de Pao est un classique de la science-fiction.

© Éditions Denoël

1ére parution: Denoêl  Présence du Futur n°83 (1965)

Critique
1965/10 - OPTA, Fiction n°143 par IOAKIMIDIS Demètre


Présence du Futur n°83 (1993)

Isbn : 2-207-30083-8
illustration : Jean-Yves   Kervevan

Premiére Page (Présence du Futur n°83)
Au coeur de la galaxie Polymark, la planète Pao tourne autour de l'étoile jaune Auriol. Ses caractéristiques sont les suivantes
Masse  1,73
Diamètre  1,39
Gravité à la surface 1,04
Le plan de rotation diurne de Pao est le même que son plan orbital : en conséquence, il n'y a pas de saisons et le climat est uniformément doux. Huit continents parallèles à l'équateur divisent la planète à intervalles approximativement égaux : Aimand, Shraimand, Vidamand, Minamand, Nonamand, Dronamand, Hivand et Impland, ainsi nommés d'après les huit chiffres du système numératif paonais. Aimand, le plus grand de ces continents, présente une surface quatre fois supérieure à celle de Nonamand, le plus petit. Seul Nonamand, situé dans les hautes latitudes sud, est affligé d'un climat déplaisant.
On n'a jamais procédé à un recensement exact de la population paonaise, mais on l'estime environ à quinze milliards d'individus qui habitent, pour la plupart, des villages.
Les Paonais forment un peuple homogène : de taille moyenne, ils ont la peau claire, une nuance de cheveux qui va du châtain au brun foncé, des traits qui varient peu d'une personne à l'autre.
Jusqu'au règne du Panarque Aiello Panasper, l'histoire de Pao est pauvre en événements marquants. Les premiers colons, trouvant la planète hospitalière, s'y multiplièrent à un point tel que la population atteignit une densité sans précédent. Leur mode de vie minimisait les risques de friction entre les différentes classes de la société :il n'y eut, ni grandes guerres, ni épidémies, ni désastres, à l'exception de disettes périodiques, que le peuple supportait avec courage. C'étaient des gens simples, sans complication que ces Paonais. Ils n'avaient ni religion ni culte. Ils ne demandaient à la vie que peu d'avantages matériels, mais accordaient en revanche une importance considérable aux changements de castes et de statut. S'ils ne connaissaient pas les sports de compétition, ils aimaient à se réunir en immenses assemblées de dix ou même vingt millions d'individus pour psalmodier leurs hymnes antiques. Le Paonais type cultivait quelques arpents de terre et augmentait ses revenus grâce à l'artisanat ou au commerce. Il manifestait peu d'intérêt pour la politique; son souverain héréditaire, le Panarque, exerçait un pouvoir personnel absolu qui se faisait sentir, par l'entremise d'un vaste système administratif, jusque dans le village le plus éloigné.
Le langage de Pao était un dérivé du Waydalique fondu dans un moule particulier. La phrase paonaise présentait un tableau d'une situation plutôt qu'elle ne décrivait un acte. Il n'y avait ni verbes ni adjectifs, ni formes comparatives définies, telles que bon et meilleur, mauvais et pire.
L'idée que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à supposer qu'il se considérât comme une personnalité distincte - était celle d'un bouchon flottant sur un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré, bousculé par des forces incompréhensibles. I1 éprouvait pour son souverain un respect mêlé de crainte, se soumettait à lui avec une obéissance aveugle, ne lui demandant en retour que la continuité dynastique car, sur Pao, rien ne devait jamais varier, rien ne devait jamais changer.
Cependant, le Panarque, tout tyran absolu qu'il fût, était obligé, lui aussi, de se conformer aux usages. Là résidait le paradoxe : dans son intimité, l'individu paonais pouvait donner libre cours à des vices que l'homme normal eût trouvés impensables et répugnants. Mais il lui était interdit de paraitre gai ou frivole, de céder aux joies de l'amitié, de se montrer trop souvent dans des lieux publics. Par-dessus tout, il devait éviter de donner à son peuple le spectacle d'une indécision, d'une hésitation. Agir ainsi eût détruit l'archétype.

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