P(elham) G(renville)  Wodehouse (1881–1975)


 P.G.Wodehouse est probablement l'humoriste anglais le plus populaire. Auteur prolifique (il a écrit une petite centaine de romans et nouvelles), il décrit avec verve (et un humour détonnant) un monde victorien idéal peuplé d'aristocrates doux rêveurs ou excentriques, embringués dans des intrigues aussi emberlificotées que loufoques.

Ses personnages principaux, Bertram Wooster (« Bertie ») et de son valet Jeeves, sont aussi célèbres dans le monde anglo-saxon que Sherlock Holmes et son ami Watson. Mêlant l'argot victorien de l'upper class à une grammaire impeccable, Wodehouse est aussi un magicien du langage, dont les images sont aussi surprenantes que drôles.

Jack Vance parlant de son style personnel : " je pense que ça a simplement évolué comme ça, à cause de l’appréciation que je porte vis-à-vis de maîtres tels que P.G. Wodehouse, qui est un parfait génie pour le rythme et l’aspect pince-sans-rire de ses dialogues. Il est sublime dans ce domaine, et il n’est pas suffisamment apprécié comme faisant partie des grands écrivains. Je parle d’avant la guerre, bien sûr… Après la guerre, il n’était plus dans le coup. Mais les dialogues de Wodehouse, c’est vraiment quelque chose de merveilleux. C’est assez maniéré, bien sûr. Jeeves a une certaine façon de s’exprimer, et il faut en être conscient."

Bibliographie: Wodehouse écrit en tout dix livres pour les jeunes gens, un pour les enfants, quarante-trois romans, trois cent quinze nouvelles, quatre cent onze articles.

Parmi les plus célébres romans ( édités en Omnibus)
1) La série des Jeeves

Les aventures de Bertram Wooster, alias « Bertie », jeune aristocrate désœuvré et doué d'une intelligence nettement inférieure à la moyenne. Poursuivi par des hordes de tantes caractérielles et d'ex-fiancées, il a le don pour se fourrer dans des situations aussi inextricables que loufoques, dont le sort toujours son génial valet, Jeeves.

  • L'Inimitable Jeeves (p.56-57)
Bertie a malencontreusement poussé le jeune Oswald, frére d'une future fiancée, à l'eau. Tante Agathe, trés à cheval sur les principes, le sermone.

"... Même toi, on a du mal à t'imaginer en train de faire une chose pareille.
- Eh bien, je me suis comme qui dirait appuyé sur lui, tu vois, et il est tombé du pont.
- Oswald t'accuserait sans équivoque de l'avoir délibérément poussé dans l'eau. Cela a troublé Sir Roderick, et l'a malheureusement incité à procéder à une enquête, et c'est comme cela qu'il a entendu parler de ton pauvre oncle Henry.
Elle braqua sur moi un regard empreint de solennité, et j'avalai gravement une gorgée de café. Allons, nous allions entrouvrir l'armoire de famille et jeter un petit coup d'oeil à ce bon vieux cadavre. Il faut que je vous explique que feu mon oncle Henry était en quelque sorte la tache sur le blason des Wooster. Un garçon parfaitement charmant, au demeurant, et qui s'était toujours rendu très cher à mon coeur en me distribuant le numéraire avec la plus grande prodigalité du temps que j'étais à l'école ; mais il faut bien reconnaître qu'il faisait parfois de plutôt drôles de choses. C'est ainsi, notamment, qu'il entretenait onze lapins apprivoisés dans sa chambre à coucher ; j'imagine que c'est le genre de choses qui fait immanquablement penser à un puriste que vous avez déjanté. En fait, et pour être parfaitement honnête, le couronnement de sa carrière fut qu'il finit heureux comme un roi, exclusivement entouré de lapins en guise de famille.
- C'est complètement absurde, bien entendu, poursuivait la tante Agathe. Si quelqu'un avait hérité de l'excentricité - car ce n'était pas autre chose - de ce pauvre Henry, ce serait Claude et Eustache, et on ne saurait imaginer deux sujets plus fulgurants.
Claude et Eustache, les jumeaux. Je les avais eus dans mon école pendant mon dernière trimestre d'été, et un effort de mémoire me confirma que « fulgurant » était le terme qui s'imposait. La totalité de ce trimestre, pour autant qu'il m'en souvienne, avait été consacrée à les tirer d'une série d'aventures effrayantes.
- Regarde comme ils réussissent bien à Oxford. Ta tante Emily a reçu l'autre jour une lettre de Claude disant qu'ils avaient bon espoir d'être prochainement élus à un cercle très important appelé « Les Chercheurs »
.- « Les Chercheurs » ? (J'avais beau me creuser la tête, il n'y avait aucun club de ce nom à Oxford, de mon temps.) Et qu'est-ce qu'ils peuvent bien chercher ?
- Ça, il ne le dit pas. La vérité, ou le savoir, j'imagine. C'est de toute évidence un cercle auquel il est très souhaitable d'adhérer, car Claude ajoute que Lord Rainsby, le fils du comte de Datchet, qui se trouve être l'un de ses camarades, est également candidat. Mais nous nous égarons. Sir Roderick souhaite avoir une bonne conversation avec toi, seul à seul, et voilà tout. Maintenant, je compte sur toi, Bertie, pour faire preuve - je ne dirai pas d'intelligence, mais à tout le moins de bon sens. Ne ricane pas comme ça, et essaye de chasser cette horrible expression vitreuse detes yeux. Et ne bâille pas, et ne gigote pas sur ta chaise. Et puis, n'oublie pas que Sir Roderick est président de la ligue contre les jeux d'argent pour tout l'ouest de Londres, alors, s'il te plaît, évite de parler de courses de chevaux. Il sera chez toi demain, à une heure et demie, pour déjeuner. Et je te rappelle qu'il ne boit pas de vin, qu'il ne supporte pas les fumeurs et qu'il ne peut manger que des aliments naturels, parce qu'il a des problèmes de digestion. Ah, ne lui propose pas de café : il considère que c'est la cause de la moitié des troubles mentaux de l'humanité.
- Il me semble qu'un biscuit pour chien et un verre d'eau devraient faire l'affaire, qu'en penses-tu ?
- Bertie !
- Oh, très bien ! Simple persiflage.
- Eh bien, c'est exactement le genre de remarque idiote propre à éveiller les pires soupçons chez Sir Roderick. Je te prie de te dispenser de toute impertinence pendant que vous serez ensemble. Ce serait pour le moins mal venu ; c'est un homme très sérieux... Tu t'en vas ? Allez, tâche de ne pas oublier ce que je t'ai dit. Je compte sur toi, et si les choses devaient mal tourner, je ne te le pardonnerais jamais !

- A bon entendeur, salut !
Et je rentrai chez moi avec la perspective d'une journée qui s'annonçait pas mal du tout, moi je vous le dis.

J'ai surilluminé la partie du texte qui ressemble le plus à un dialogue entre Dame Isabel Grayce et son neveu Roger dans Space Opera. L'influence de Wodehouse y est trés nette.

2) La série de Blandings Castle
Lord Emsworth, aristocrate campagnard, n'aimerait rien tant qu'on le laisse s'adonner en paix à sa grande passion, l'élevage des cochons — c'est sans compter sa famille : des sœurs tyranniques, Galahad, son excentrique de frère, des beaux frères qui le prennent pour un idiot et Freddy, son fils cadet irresponsable.

 • Bravo Oncle Fred (Uncle Fred in the Springtime), 1939
Les pages correspondent à l'édition Omnibus, 1997. Traduction par Charles Thiollier.
p. 606 "- Mr Claure Pott annonça Webster à la porte.
Pour Pongo Twistleton, qui imaginait un détective privé avec un visage de faucon, un regard aigu et perçant et l'allure générale d'un léopart, Claude Pott fut un objet de complète surprise. Les faucons n'ont pas de menton, Claude Pott en avait deux. "
p. 761 « L'Impératrice de Blandings était un cochon qui prenait les choses comme elles venaient. Sa devise, comme celle du grand Horace, était "nihil admirari". Mais aussi froide et même réservée qu'elle fût en règle générale, elle avait été un peu émue par les événements de la journée. En particulier, elle avait trouvé étrange la salle de bains. C'était le seul endroit où elle s'était jamais trouvée où semblait régner la famine. Ce qu'il avait de mieux à lui offrir était un tube de savon à barbe qu'elle était en train de goûter avec un froncement de sourcils quant elle fut rejointe par Mr Pott. Quand elle sortit, elle avait encore un peu de mousse sur les joues et ce fut peut-être ce dernier trait qui mit le comble à la stupéfaction de Lord Bosham et qui le détermina non seulement à reculer d'un mètre ou deux, les yeux exorbités, mais aussi à presser la détente de son fusil.
Le coup résonna comme l'explosion d'un arsenal, et il eût convaincu l'Impératrice, si elle avait besoin d'être convaincue, que ce n'était pas la place d'un cochon bien élevé. Jamais, depuis qu'elle était un tout petit goret, elle ne s'était déplacée plus rapidement qu'à un pas de sénateur. Mais cette fois Jesse Owens aurait eu de la peine à chronométrer sa performance. Après avoir heurté le lit, la table et le fauteuil, dans l'ordre chronologique, elle réussit à atteindre la porte-fenêtre et était sur le point de disparaître quand Lord Emsworth se précipita dans la pièce, suivi de Lady Constance. »

   •  Le plus beau cochon du monde
Où l'on retrouve Lord Ermsworth (voir "Bravo, Oncle Fred !") toujours plongé dans sa lecture favorite et unique : les Variations de l'élevage du porc. Sa célèbre truie "L'impératrice de Blanding" réussira-t-elle à déjouer les complots des méchants pour conserver le titre envié. "Comedia" agricole, Wodehouse se joue des difficultés et des invraisemblances pour le plus grand plaisir du lecteur.  


Site en français : PG Wodehouse : Hello, Plum !



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