Univers 1984 (c) J'ai Lu    Les singulières Arcadies de John Holbrook Vance
par Jean-François JAMOUL (paru dans Univers 1984, Ed.J'ai Lu )

 


Jean-François Jamoul est peintre de S.F., un peintre qui montre peu ses oeuvres donnant rarement une couverture ou une illustration aux magazines spécialisés. Il rédige aussi des articles pour une encyclopédie. Peintre de S.F. (on les compte sur les doigts d'une main, contrairement aux peintres fantastiques), il a su voir à quel point les auteurs de S.F. contemporains utilisent la peinture classique et contemporaine dans leurs oeuvres littéraires. Il en donne ici quelques exemples, les plus évidents, tout en faisant un clin d'oeil complice à Baudelaire et aux surréalistes. Présentation de Jacques Sadoul dans Univers n°1- 1984. Tous droits réservés.


L'Heroïc-Fantasy, rêve délibéré, n'a avec notre réalité de tous les jours que des relations extrêmement lâches. Juste ce qu'il faut pour que le lecteur ne se dérobe pas à l'enchantement romanesque, pour qu'il s'émeuve et se passionne comme dans la vie, comme dans une vie rêvée. C'est que ce type de roman ne s'inscrit ni dans le temps tel qu'il passe pour nous, ni dans l'espace que nous habitons. C'est un regard jeté sur d'autres mondes possibles. Non pas n'importe quel monde, sinon la magie n'opérerait pas, mais l'un de ceux où notre sensibilité, notre connivence avec les êtres d'un de ces mondes gardent au moins une partie de leurs vertus. Cela fait des siècles que l'on trouve dans toutes les littératures des récits-mirages de cette sorte.
II est clair que les matériaux de ce genre de roman ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des romans de Stendhal ou de Zola. En élargissant un peu le sens du terme on peut aussi considérer ce type de roman comme un véritable magasin des accessoires : types humains, procédés d'évocation, décors... A savoir : châteaux abandonnés ou non, forteresses vétustes, palais mystérieux, villes oubliées, monstres divers, contrées inconnues ou interdites, souterrains, ruines, espions, traîtres, héros mélancoliques ou maudits, poursuivant une vengeance ou une imprécise quête, héroïne voluptueuse et intrigante... en somme, un répertoire fort ancien et, en quelque sorte, classique.
Dans le meilleur des cas, l'ambition du genre est de repousser le plus loin possible les limites du monde; en un sens ce sont des romans magiques, ou s'efforçant de l'être, des romans métamorphoses, laissant quand même subsister le caractère originel des objets transformés. Des romans solidement appuyés sur le monde des essences intemporelles, des archétypes platoniciens.
Les défauts les plus courants de l'Heroîc-Fantasy, comme ceux du Space-Opera, sont assez évidents une certaine monotonie, l'absence de renouvellement, la quasi-interchangeabilité des personnages et des intrigues, absence également, et c'est là le défaut le plus grave, d'un devenir qualitatif. Les héros affrontent mille périls, se déplacent d'un bout à l'autre de la galaxie : rien ne les transforme. Nous les retrouvons inchangés à la fin du récit. I1 est vrai que ces univers sont plus théâtraux finalement que romanesques. Ils ne vont vers rien. Ils se décomposent en des séries de tableaux statiques où le temps ne coule pas. Les personnages n'ont pas de durée vécue, et leur destin, parce qu'il n'est pas d'essence spirituelle, leur demeure extérieur.
II y a, Dieu merci! un certain nombre d'heureuses exceptions: le Seigneur des Anneaux de Tolkien, Terremer d'Ursula Le Guin, le cycle de Dune de Fr. Herbert, les Chroniques de Durdane, le cycle de Tschaï, celui des Princes-Démons et Emphyrio de Jack Vance, auteur qui nous fournira la matière de cet article; article très fragmentaire car il y a beaucoup à dire de cet auteur tout à la fois connu et méconnu et dont l'oeuvre ne contient pas la moindre trace d'académisme ni de conformisme intellectuel.

Jack Vance:Le Dernier Chateau © Gaughan

Les reproductions qui illustrent cette étude sontdes mises en paralléle des dessins de l'illustrateur américain Gaughan et des gravures du français Jacques Callot.

Mirages désirés...
Jack Vance est considéré avec raison comme un écrivain baroque mais je doute que l'on sache exactement ce que recouvre ce vocable un peu trop commode. II est vrai que ce que l'on appelle art baroque n'est pas simple à définir car, par sa nature, il est protéiforme. Le Baroque est avant tout une synthèse et un désir conscient de briser l'espace euclidien, de sortir des systèmes de pensée logiques et raisonnables, un refus d'ordonner et de classer les sensations et les sentiments selon les systèmes existants. Le sens commun ne l'intéresse pas car il ne fait pas bon ménage avec le fantastique et avec la science, pas davantage. Ce que l'Homme baroque propose, c'est de transcrire le monde tel qu'il l'éprouve, tel que nous l'éprouvons : onirique, et imaginaire, et sensible; le transcrire, pour l'écrivain, dans le monde à plusieurs dimensions des mots. Le lecteur devra effectuer un décodage qui lui permettra de suivre dans son exploration des domaines mentaux le poète qui les éclaire directement ou allusivement.
L'artiste baroque, qu'il soit peintre, sculpteur, architecte ou écrivain, a la volonté d'embrasser les aspects les plus divers de la réalité, toutes les richesses des civilisations; d'où l'emploi de la mythologie, où les fables sont nombreuses. I1 est plein d'intentions contradictoires et nous offre un curieux mélange de gaieté et de mélancolie, d'exubérance et de tristesse. Ce mélange, c'est dans le sentiment aigu du Temps qu'il faut le chercher, également dans la nostalgie d'un Paradis perdu. D'où ce goût de la représentation, du théâtre perpétuel, qui veut se voir et être vu. Comment échapper à l'angoisse, à la tristesse, sinon par le divertissement, pour voiler ce qui est inconsciemment refusé, le temps destructeur. Ce sentiment de la brièveté et de la fragilité de l'existence revient souvent dans de courtes réflexions des personnages de Vance.
L'image du monde que nous donne Vance est bien celle de l'Homme baroque. Le monde est fragmenté en des millions de phénomènes séparés et apparemment sans liens. Les efforts pour les relier, pour les unir en quelque système scientifique ou philosophique ne mènent à rien parce que les hommes ne peuvent réédifier l'idée du Tout en partant de faits isolés; ils ne peuvent pas deviner les principes de la division du Tout sans connaître les lois sur lesquelles se base cette division. Aussi, l'être humain a essayé d'exprimer l'idée d'unité sous forme de mythes, de symboles et d'aphorismes.
La tendance picturale est prédominante chez Vance, qui est un merveilleux décorateur romantico-baroque. II appartient à la même famille que ces grands décorateurs du XVIIIe siècle qui, dés le XVIIe siècle, s'étaient décidés pour la forme picturale du trompe-l'oeil plutôt que pour celle, éphémère, du décor en trois dimensions. Ils ne reculaient devant aucune difficulté, devant aucun effet d'illusion spatiale, figurant avec un brio étourdissant incendies, naufrages, inondations, tremblements de terre, scènes fantastiques. Cet art de l'illusion était devenu si complexe que l'on se vit à plusieurs reprises obligé de le codifier.

Ciels nouveaux, vieilles lunes...
Tous les romans de Vance sont nourris de divers folklores. Une analyse méthodique y décèlerait de nombreux mythes dégradés, des rituels dont le sens s'est presque perdu. A travers des intermédiaires déformants qui les ont ramenés au niveau des traditions populaires, on trouve aussi des textes et des mythes de l'Orient ancien, ainsi que des thèmes classiques de la pensée philosophique et religieuse d'Asie. C'est un passé finalement très ancien qui se déverse dans l'imagination de Vance. Pas toujours possible à situer, à dater. On y reconnaît en gros des couches de civilisations successives. En recourant à des thèmes et à des images qui hantent depuis toujours la sensibilité humaine, à des archétypes qui commandent aux rêves et aux fabulations, Vance assure à ses romans une charge poétique et onirique particulièrement élevée, universelle.

" Ulysse, que de jours pour rentrer dans Ithaque... "
(Roman initiatique et roman de formation)

On peut diviser les romans de Vance en deux catégories : le voyage initiatique (Le cycle de Tschaï) et le roman de formation et d'expérience (Emphyrio, les Chroniques de Durdane, le Cycle des Princes-Démons, Un tour en Thaery).
C'est le roman d'aventures qui se prête le mieux à la démarche spirituelle du voyage initiatique. Ce qui explique que de nombreuses oeuvres de Jules Verne aient été commentées en ce sens, en particulier par Michel Butor dans un article remarquable: Le point suprême et l'âge d'or à travers quelques oeuvres de Jules Verne. Un auteur est-il conscient de cette démarche spirituelle ? Probablement beaucoup plus qu'on ne le croit.
Le voyage est aussi la recherche de l'identité, de l'apprentissage dans tous les sens du terme; on peut également en revenir les mains vides. Dans ce genre d'ouvrage, seul le voyage de l'aller est décrit, rarement celui du retour. II est vrai que le but une fois atteint, et satisfaite la nécessité matérielle ou spirituelle qui a mis en marche l'élément moteur, le mouvement s'arrête. A l'opposé des voyages initiatiques qui nous conduisent là où notre juste destin a voulu que nous allions, le roman d'expérience ou de formation peut être un constat d'échec. A la f-in du cinquième volume du Cycle des Princes-Démons, le héros Keith Gersen a accompli sa vengeance, les cinq Princes-Démons sont exterminés. Que déclare-t-il ?
- J'ai été abandonné, Treesong (le dernier des Princes-Démons) est mort, l'affaire est terminée. Tout est fini pour moi.
Regagnera-t-il le domaine de Mount-Pleasant où il n'est jamais retourné depuis l'âge de neuf ans ? Rien n'est moins sûr, et autant vivre sur l'impression d'enfant d'un endroit paradisiaque plutôt que de le confronter à la réalité.
Le cas d'Adam Reith dans les quatre volumes du Cycle de Tschaï est différent. Echoué sur la planète Tschaï, il ne désire qu'une chose, regagner la Terre. Son long voyage et ses nombreuses tribulations sont véritablement un cycle initiatique et son cheminement dans les entrailles de la planète au cours du dernier volume est l'équivalent d'une descente aux Enfers. Les silencieuses ténèbres du monde souterrain de Tschaï sont un monde où il n'y a plus de temps, où le temps est clos aussi bien que l'espace. Voyage total, donc initiation plénière. Présence également du mythe orphique : dans ce monde obscur, Adam Reith rencontrera l'amour et ramènera vers la lumière la jeune fille Zap 210. Pour lui, ce voyage aura été utile et bienfaisant, si simple soit-il dans son achèvement.
Choisir la voie moyenne au terme de ses épreuves et de ses diverses expériences est un acte de sagesse finalement difficile et dont tous les héros ne sont pas capables.
Gastel Etzwane (Cycle de Durdane), après avoir connu le pouvoir absolu et affronté divers périls, prendra probablement cette voie non sans mélancolie. Ghyl Tarvoke, le héros d'Emphyrio, fera de même.
Remarquons que Keith Gersen triomphe sans grandes difficultés des cinq Princes-Démons. I1 est vrai qu'il possède sur eux un grand avantage, ils ignorent son existence, n'ont aucune raison de se méfier de lui et ne peuvent pas soupçonner un instant ses " noirs projets ". En plus, ils ne semblent pratiquement pas avoir de contact entre eux; leur union lors du raid de Mount-Pleasant est accidentelle. La seule difficulté pour Gersen sera de découvrir sous quelles apparences physiques ils se dissimulent.

Jack Vance: combat © Gaughan

Enfers sur mesure
Les cinq Princes-Démons sont des personnages assez fascinants mais pas particulièrement sympathiques, hautement baroques et romantiques. Ce sont des sortes de Caïn chez qui le désir de puissance, de vengeance, provient (au moins chez trois d'entre eux) d'un narcissisme incroyable et blessé. Eux aussi furent blessés dans leur jeunesse. Deux ne sont pas d'origine humaine. En réalité, il est difficile de caractériser leur état mental.

Ils sont fort intelligents et leur pensée semble d'une logique aiguë, même si elle est négative. Tout leur est dû, et ils ne doivent rien à personne. Susceptibles, maladivement vaniteux, pleins d'orgueil, violents et cruels, enveloppés de mystère, ils sont comme les grands héros romantiques le jouet d'une fatalité irrésistible, qui les a marqués pour des passions aveugles, pour des destinées aventureuses, pour des crimes inévitables. Un besoin maladif d'élargissement du Moi, Jack Vance:défense © Gaughan une sensibilité d'écorché les poussent à affirmer leur existence. Malaise que nous connaissons tous, mais qui est, chez eux, porté au paroxysme. II est vrai que rien n'est plus variable que la conscience d'exister et comme notre " bonheur " est lié au sentiment de l'existence, rien n'est plus nécessaire que de chercher à varier nos sensations. Pour fuir l'angoisse, le vide intérieur, il existe d'innombrables formes de divertissement et d'artifices. Pour la plupart des êtres le problème est résolu en apparence par l'établissement de barrières sécurisantes : travail régulier, refus de s'appesantir trop sur soi, sur ce qui ne va pas, spectacles, alcool, drogue, relations diverses. Le divertissement s'insère naturellement dans un contexte collectif et grégaire...

L'essentiel est de ne pas laisser de temps mort s'installer.

 

Nous avons ici un thème cher à Vance et au baroque, comme à des Esseintes, le héros du roman A rebours de Huysmans : l'artificiel est bien préférable au naturel, la nature a fait son temps. La vérité du divertissement et de l'artifice poussés à l'excès réside dans ses lendemains : leurs prestiges dissipés, ils ne laissent qu'un goût amer, un sentiment de tristesse et de désolation, l'évidence symbolique de la mort. C'est que la loi fondamentale du divertissement et de l'artifice demeure l'instabilité, qui peut se convertir à chaque instant en son contraire, la morosité, l'ennui, le vide. II peut aussi se décomposer de manière inverse, s'accélérer jusqu'au vertige, cette accélération allant de pair avec le renouvellement à l'infini des objets du divertissement, qui glisse irrésistiblement vers les expériences insolites ou perverses : peu à peu la réalié s'efface, réduisant le monde à un pur spectacle.
II y a chez les cinq Princes-Démons une impuissance fondamentale. Ils sont de grands organisateurs de spectacles, des metteurs en scène, ils ne sont pas réellement des créateurs. Ils ont l'imagination courte et monotone. Les tortures qu'ils font subir à leurs victimes s'inspirent probablement d'un profond désespoir. Ils ne sont certes pas brûlés par les feux du plaisir; ils cherchent à cerner le mystère du réel mais tout leur échappe et les fuit. Le plaisir noir des Princes-Démons est traversé par les fantasmes de l'angoisse et de toutes les fascinations morbides, culpabilité, impuissance, violence, mort,

Mane, thécel, pharès des illusions mortes...
Les sociétés des mondes de Vance sont le plus souvent rituelles, donc immobilisées, car aucun rite ne peut entrainer un changement d'être, ces systèmes relevant d'une voie d'imitation. Pour Vance, chacun doit s'initier soi-même; aucun système, aucune école ne peut faire pour l'être lé travail qu'il doit faire lui-même.
Les quatre héros des livres cités sont finalement fort différents de ceux de l'Heroic-Fantasy et du Space-Opera classique. Il est vrai que le mot héros est assez trompeur, car il recouvre des réalités bien différentes. Dans l'interprétation commune, un héros recherche plus ou moins honneur et gloire. Tout tourne le plus souvent autour d'un unique élément d'honneur et de vertu : la force, la bravoure, le courage physique, la vaillance. Réciproquement, pas de faiblesse, et surtout pas la lâcheté, qui signifierait l'incapacité de poursuivre des buts héroîques.
Keith Gersen, le héros du Cycle des Princes-Démons, est riche; il n'a aucune ambition. II ne s'est fixé qu'un but dans sa vie : détruire les cinq Princes-Démons qui ont massacré sa famille lorsqu'il n'était qu'un enfant de neuf ans, avant d'emmener les gens du domaine familial en esclavage.
Gastel Etzwane et Ghyl Tarvoke (Cycle de Durdane et Emphyrio) ont un grand désir de justice et de liberté. Ces trois héros ont quelque chose en commun : tous les trois ont été traumatisés dans leur jeunesse par la mort de leurs parents. Gersen par le massacre de sa famille, Gastel Etzwane par la mort de sa mère et Ghyl Tarvoke par celle de son père. Gersen ne s'est jamais remis de la perte de ses parents, ni de celle du domaine de Mount-Pleasant, qui représente pour lui une sorte de Paradis perdu. Et l'on peut se demander si finalement, le temps passant, cette impression de Paradis perdu n'est pas le moteur, la motivation la plus forte de sa quête vengeresse.
D'autre part, Gersen n'est pas un révolutionnaire. II ne désire finalement rien changer à l'ordre des choses; le monde tel qu'il est, il l'admet sans révolte malgré ses imperfections; c'est une morale essentiellement statique. II faut dire que Gersen n'a pas les mêmes origines sociales que nos deux autres héros. Il est issu d'une vieille famille possédant un grand domaine. II est en quelque sorte l'équivalent d'un riche planteur du Sud dans le meilleur sens du terme : bien élevé, cultivé, maître de lui-même, il a l'habitude d'un monde où ne sont tolérés ni personnalité trop encombrante, ni gestes trop expressifs, ni langage trop cru ou trop hardi; où l'on ne déclame pas, où l'on ne se confesse pas à haute voix, où l'on ne crie pas ses passions.
Gastel Etzwane et Ghyl Tarvoke sont issus d'un milieu infiniment plus modeste, où bien évidemment ils n'ont pas reçu cette bonne éducation. En un sens, tous trois sont des hommes assez ordinaires et, physiquement, on ne les remarque pas particulièrement
pas de gros muscles, d'impressionnantes carrures. Si Gersen est un homme super-entraîné aux arts martiaux, c'est que très jeune son grand-père l'a destiné à accomplir une tâche très particulière.
D'Adam Reith, le héros de Tschai, on ne sait pas grand-chose, sinon que ses activités et son comportement laissent penser qu'il vient d'un milieu aisé. C'est un héros accidentel, comme Claude Glystra, celui de la Planète géante. I1 rentrera dans la vie ordinaire sans trop de problèmes. II est vrai qu'il a rencontré l'amour, sentiment rare chez Vance. Ce qui ne l'empêchera pas de devenir un homme nostalgique. La nostalgie le saisit au moment du départ : - Reith contempla une dernière fois le ciel, caressa le sol de Tschaï, effrita une motte de terre entre ses doigts, puis à son tour, il s'introduisit dans le vaisseau... -.

Jack Vance:Phane © Gaughan

Les circonstances nous ont fait vivre une certaine période au-dessus de notre condition, puis vient le temps où, bon gré mal gré, il nous faut rentrer dans la voie moyenne.
La solitude semble être une condition nécessaire du voyage initiatique ou de formation. Les héros de Vance sont particulièrement solitaires. Peu d'amis, peu de liaisons féminines, ils sont assez vertueux, vertueux dans le sens du XVIIIe siècle, tout le contraire de libertins, sans pour cela être des puritains. Ils ont une sorte de morale rigoureuse qui contribue probablement à freiner les élans des sens. Aussi les chatoiements de l'érotisme sont-ils rares chez Vance. Quelques exceptions pourtant, comme la fête organisée par le poète Navarth où les invités sont déguisés et masqués. Cette fête est payée par Gerson qui espère ainsi piéger un des Princes-Démons : -... dix jeunes filles nues chaussées de sandales d'or avec des roses thé piquées dans les cheveux sortirent du pavillon. Elles portaient des plateaux de laque noire sur lesquels étincelait du vin doux dans de lourdes coupes de cristal vert... Les jeunes filles au corps miroitant de soleil et d'ombre versaient le vin; leurs mouvements étaient lents comme si elles étaient sous l'eau (le Palais de l'Amour).

La suite....


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