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Les Faiseurs de miracles Miracle
workers - 1958 paru en France dans Fiction n° 200-201
(1970) traduction de Marcel Battin
© Jack Vance , tous droits réservés |

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1
Le détachement en provenance de Faide
Keep avançait vers l'Est à travers les dunes. En tête venait
Lord Faide, un grand homme dans la force de l'âge, maigre et félin,
à la face blafarde de dyspeptique. Il pilotait le char ancestral des
Faide, un véhicule profilé comme un bateau qui flottait à
soixante centimètres au-dessus de la mousse. Prés de lui étaient
posées son épée, sa dague et son arme ancestrale. Derrière
chevauchaient cent chevaliers en armure suivis d'une troupe de cinq cents hommes
d'armes à pied. Un long convoi de fourgons et chariots fermait la marche.
Une heure avant le coucher du soleil, deux éclaireurs firent leur apparition,
venant de l'Est, Ils montaient des chevaux à tête massive qui galopaient
à la manière des chiens. Lord Faide arrêta son véhicule.
Derrière lui les membres de son clan, les chevaliers d'un rang inférieur
et les hommes d'armes s'immobilisèrent. Un peu plus loin les fourgons
à bagages et les chariots à grandes roues des sorciers freinèrent
en grinçant et s'arrêtèrent à leur tour. Les éclaireurs
s'approchèrent à bride abattue et au dernier moment jetèrent
leurs bêtes sur le côté. Ils sautèrent sur le sol,
laissant leurs chevaux aux longues jambes velues griffer la mousse du sabot,
et se précipitèrent vers Lord Faide en criant : " Le chemin
de Ballant Keep est bloqué ! "
Lord Faide se dressa dans son véhicule et son regard se tourna vers l'Est,
où moutonnaient les dunes tachées de gris et de vert. -"
Combien de chevaliers ? Combien d'hommes ? " demanda-t-il. -"
Ni chevaliers ni hommes, Seigneur. Le Premier Peuple a fait pousser une nouvelle
forêt entre Wildwood Nord et Wildwood Sud. " Lord Faide demeura un
moment silencieux, réfléchissant, puis il reprit sa place sur
le siège et manoeuvra le levier de démarrage. Le char émit
un sifflement puis s'ébranla avec une secousse. Les chevaliers éperonnèrent
leurs chevaux et les hommes d'armes reprirent leur marche penchée. Le
convoi de fourgons se remit en branle à son tour, et les six chariots
des sorciers l'imitèrent. Le grand disque du soleil, légèrement
teinté de rose, plongea vers l'Ouest et commença à s'engloutir
derrière les dunes. Wildwood Nord apparut vaguement sur la gauche, séparée
de Wildwood Sud par une étendue de terre caillouteuse parsemée
de rares touffes de mousse. Au moment où le soleil disparaissait entièrement
derrière l'horizon, la nouvelle plantation devint visible, long alignement
de jeunes arbres unissant les deux étendues boisées comme un canal
relie deux mers.
Lord Faide immobilisa à nouveau son char et sauta sur la mousse. Il jaugea
l'emplacement d'un regard circulaire, puis donna l'ordre d'installer le camp.
Fourgons et chariots jurent disposés en un vaste demi-cercle et leur
contenu déchargé. Pendant un moment, Lord Faide observa l'activité
d'un oeil aigu et critique, puis il tourna le dos au camp et se mit à
marcher lentement dans le crépuscule naissant, foulant sous ses semelles
la mousse et la lavande des dunes. A quinze milles dans l'Est se tenait
son dernier ennemi, Lord Ballant de Ballant Keep. Considérant le combat
qui l'attendait le lendemain, Lord Faide se sentait raisonnablement confiant
et optimiste. Les membres de son clan étaient loyaux et francs, et ses
troupes aguerries par une douzaine de campagnes ; le chef Sorcier de Faide Keep
était Hein Huss, et il avait pour associé trois des plus puissants
sorciers de Pangborn : Isak Comandore, Adam McAdam et le remarquable Enterlin,
chacun assisté de ses propres sorciers en second, jeteurs de sorts et
apprentis. Ensemble, ils formaient un groupe impressionnant et redoutable.
Il y aurait certes des obstacles à surmonter : Ballant Keep était
une forteresse puissante ; Lord Ballant combattrait obstinément et avec
détermination ; Anderson Grimes, le sorcier de Ballant, était
redouté et respecté. Il y avait aussi cette gêne causée
par le Premier Peuple et ses plantations nouvelles qui obstruaient la trouée
existant entre Wildwood Nord et Wildwood Sud. Le Premier Peuple était
une race faible et anémique, incapable de résister aux hommes
en combat normal, mais il protégeait ses forêts au moyen de trappes
et de traquenards mortels.
Lord Faide jura doucement entre ses dents. Tourner l'une ou l'autre des deux
forêts présentait trois jours de marche supplémentaires,
ce qui était proprement intolérable.
Lord Faide regagna le camp. Les feux étaient allumés, la soupe
cuisait dans de grandes marmites, et des rangées de trous individuels
avaient été creusés dans la mousse. Les chevaliers. étaient
occupés à panser leurs chevaux à l'intérieur de
l'enclos formé par les fourgons et les chariots. La tente de Lord Faide
avait été dressée sur une éminence, tout près
de son antique char. Lord Faide procéda à un rapide; tour d'inspection,
notant silencieusement chaque détail. Les sorciers campaient séparément,
un peu à l'écart des hommes d'armes.
Les apprentis et les jeteurs de sorts de rang inférieur préparaient
la nourriture, pendant que les sorciers et leurs assistants de haut rang étaient
occupés sous leur tente à installer leurs coffres à figurines
et leurs bagages, réparant le désordre causé par les cahots
et les secousses du chemin. Lord Faide pénétra sous la tente de
son chef Sorcier. Hein Huss était un homme énorme, avec des bras
et des jambes gros comme des troncs d'arbres et un corps de la dimension d'une
barrique.
Il avait un visage rond, rose et placide, et des yeux d'une limpidité
de cristal. Son crâne était recouvert de raides poils gris taillés
en brosse, qu'il ne prenait pas la peine de dissimuler sous la coiffe que les
sorciers portaient habituellement afin de se prémunir contre toute attaque
portée à leur chevelure.
Hein Huss dédaignait les précautions de ce genre. Il avait l'habitude
de dire, en montrant ses dents dans un rire qui lui partageait la figure en
deux : " Qui donc s'aviserait de jeter un sort au pauvre vieux Hein Huss
? Il est si inoffensif ! Celui à qui viendrait cette idée mourrait
certainement de honte et de remords. "
Lord Faide trouva Huss occupé à ranger son coffre à figurines
dont les portes ouvertes révélaient des centaines de petits personnages
alignés sur des étagères. Certains d'entre eux étaient
enchaînés au chef Sorcier au moyen d'une mèche de cheveux,
d'un fragment de vêtement ou de rognures d'ongles ; d'autres étaient
enduits de graisse, de salive, d'excréments, de sang. Lord Faide savait
parfaitement qu'une représentation de lui-même figurait dans la
collection de figurines, et il savait aussi que sur simple demande de sa part,
Hein Huss le délivrerait sans hésitation de toute entrave. Une
partie de la mana de Huss venait de son énorme confiance, et aussi de
l'aisance de son pouvoir dont l'exercice ne lui demandait qu'une infime dépense
d'énergie.
Le chef Sorcier regarda Lord Faide et lut une pensée dans son esprit.
" Lord Ballant ne connaissait pas l'existence de cette nouvelle plantation,
" dit-il.
-"Il en a été informé il y a peu de temps par Anderson
Grimes, et il espère que cela vous retardera. Glimes est entré
en communication avec Gisbome Keep et Castle Cloud, et trois cents hommes quittent
ces deux forteresses ce soir afin d'aller renforcer la garnison de Ballant Keep.
Ils arriveront dans deux jours. Lord Ballant exulte. "
Lord Faide se mit à marcher de long en large, les mains dans le dos.
" Pouvons-nous franchir cette plantation ? " demanda-t-il.
Hein Huss émit un grognement de désapprobation. " Il existe
de nombreux futurs. Dans certains, vous passez. Dans d'autres, vous ne passez
pas. Préciser quels sont les futurs propices dépasse mes possibilités.
"
Lord Faide avait appris depuis longtemps à maîtriser son impatience
en face de ce qui lui semblait parfois être pure pédanterie de
la part de son chef Sorcier. Il grommela : " Etablir des plantations dans
les dunes de cette façon est à la fois complètement stupide
et très hardi. Je n'arrive pas à imaginer ce que ces sauvages
ont l'intention de faire. " Hein Huss réfléchit puis, à
contrecœur, offrit une idée : " Supposons que maintenant, ils continuent
en plantant une nouvelle forêt entre Wildwood Nord et Sarrow Copse, et
une autre entre Wildwood Sud et Old Forest ?" - " Faide Keep se
trouverait alors presque cerné par la forêt."
- " Et si, pour conclure, ils établissaient une dernière
plantation entre Sarrow Copse et Old Forest ? " .
Lord Faide s'arrêta de marcher et demeura aussi immobile qu'une statue,
pensif et les yeux étrécis, " Alors, nous serions emprisonnés...
Ces nouvelles plantations, ils les ont déjà commencées
?"
- " On le prétend."
- " Qu'en attendent-ils ?
- " Je ne sais pas. Peut-être leur intention est-elle d'isoler les
forteresses et ensuite de débarrasser la planète des hommes qui
l'occupent. Peut-être veulent-ils plus simplement renforcer leur protection
en s'emparant des passages entre les forêts. " Lord Faide réfléchit.
La dernière suggestion de Huss lui semblait la plus raisonnable. Durant
les premiers siècles de l'établissement de l'homme, des jeunes
gens sportifs avaient organisé des parties de chasse à l'autochtone,
obligeant à coups de lances et de massues le Premier Peuple à
abandonner ses dunes natales et à se réfugier dans les forêts.
" Evidemment, ils sont plus intelligents que nous le supposons. Adam McAdam
assure qu'ils ne pensent pas, mais il semblerait qu'il commette une erreur.
" Hein Huss haussa les épaules, " Leur processus cérébral
est différent de celui des humains, voilà tout. Comme Adam McAdam
ne réussit pas à entrer en communication télépathique
avec eux, il en déduit tout naturellement qu'ils ne " pensent "
pas. C'est un raisonnement simpliste. Je les ai observés à Forest
Market. Je puis vous assurer qu'ils commercent intelligemment. " Il
leva la tête, parut écouter, puis se pencha et fouilla dans son
coffre. Il prit une des figurines et sema délicatement le fil qui était
noué autour de son cou. A l'extérieur de la tente quelqu'un toussa,
puis avala l'air avec un bruit déchirant. Huss fit une légère
grimace et desserra le nœud. " C'est l'apprenti d'Isak Comandore, "
dit-il. " Il espère parfaire le simulacre de Hein Huss sur lequel
il travaille. Je dois dire qu'il est plein de zèle et d'application ;
il s'efforce de mettre ses pieds dans les empreintes de mes pas chaque fois
que cela est possible. " Lord Faide se dirigea vers l'abattant de la
tente. " Nous lèverons le camp de bonne heure. Soyez sur le qui-vive,
il se peut que je requière votre aide. " Il laissa retomber le panneau
de toile et disparut dans l'obscurité, Hein Huss reprit son travail de
rangement interrompu. Presque aussitôt il sentit nettement l'approche
de son rival, le sorcier Isak Comandore, qui convoitait le poste de chef Sorcier
avec une envie dévorante. Huss referma le coffre et se redressa.
Comandore pénétra sous la tente. C'était un homme de haute
taille, squelettique et voûté, dont la tête de forme triangulaire
était à demi dissimulée sous un capuchon de bure grossière.
Il avait des yeux rouge-brun au regard brûlant sous des sourcils roux.
- " J'offre tous les droits que je détiens sur Keyril, et cette
proposition inclut les masques, la robe de cérémonie et les amulettes.
De tous les démons jamais imaginés, Keyril est certainement le
plus redoutable et le plus respecté. Le simple fait de prononcer son
nom équivaut à la moitié de l'effort qu'il est nécessaire
de fournir pour réaliser une possession. Keyril est un cadeau inappréciable.
Je ne puis offrir plus. "
Huss secoua la tête. Ce que Comandore désirait en échange,
c'était le simulacre de Tharon Faide, le fils aîné de Lord
Faide, complet avec vêtements, cheveux, peau, cils, larmes, déjections,
sueur et expectorations - la seule représentation existante car Lord
Faide gardait son fils plus jalousement que sa propre personne. " Je ne
mésestime pas votre offre, " dit-il, " mais mes propres démons
me suffisent. Après tout, le nom de Dant est chargé d'autant de
terreur que celui de Keyril. - " J'ajoute cinq cheveux de la tête
du sorcier Clarence Seam. Ce sont les derniers, car il est maintenant complètement
chauve."
- " N'insistez pas. Je garde le simulacre."
- " Comme vous voudrez, " dit Comandore avec âpreté.
Il tourna la tête et jeta un regard vers l'entrée de la tente.
" C'est encore mon idiot d'apprenti. Il marche à reculons en plaçant
les pieds de sa figurine dans vos empreintes. " Huss ouvrit le coffre et
donna une chiquenaude à l'une des figurines. Une exclamation étouffée
lui parvint de l'extérieur de la tente. Huss sourit. " Il est jeune
et ardent et, qui sait, peut-être intelligent. " Il marcha vers
l'entrée de la tente et appela : " Hé ! Sam Salazar ! Que
fais-tu ? Viens ici ! " L'apprenti Sam Salazar entra en clignant des yeux.
C'était un jeune homme trapu aux joues vermeilles, dont la tête
était surmontée d'une masse plutôt hirsute de cheveux couleur
de paille. Dans une main, il tenait une figurine ventrue à peine ébauchée,
qui était de toute évidence supposée représenter
Hein Huss.
" Tes agissements intriguent à la fois ton maître et moi-même,
" dit Huss.
" Il doit y avoir une certaine méthode à la base de tes bêtises,
mais nous n'arrivons pas à la percevoir. Un exemple : au moment où
tu places mon simulacre dans les empreintes de mes pas et le fais voyager à
reculons, je sens une traction sur mes chevilles. Automatiquement, tu es puni
pour ta maladresse, mais cela ne t'empêche pas de recommencer. "
Sam Salazar montra quelques signes de confusion. " Le Sorcier Comandore
nous a enseigné que la réalisation de nos ambitions n'irait pas
sans souffrances.
- " Si ton ambition est de devenir Sorcier, " dit sèchement
Comandore, " tu ferais bien d'améliorer tes méthodes".
- " Ce garçon est plus habile que vous ne le supposez, " dit
Hein Huss. Il prit la figurine de Sam Salazar, cracha dans sa bouche, puis arracha
un de ses cheveux et l'introduisit dans l'orifice approprié. " Il
possède maintenant un simulacre efficace, réalisé à
peu de frais. Maintenant, apprenti Salazar, comment as-tu l'intention de t'y
prendre pour m'envoûter ?" - " Oh ! je n'oserais jamais,
" bredouilla Sam Salazar en reprenant la statuette que Hein Huss lui tendait.
" Je désire simplement combler les espaces vides dans mon coffre
à figurines. " Hein Huss hocha la tète d'un air approbateur.
" C'est une raison qui en vaut une autre. Evidemment, tu possèdes
une représentation d'lsak Comandore ? " Mal à l'aise, Sam
Salazar jeta un regard de côté à mn maître. "
Il ne laisse ni traces ni empreintes. S'il y a une bouteille vide et débouchée
dans la pièce où il se trouve, il respire à l'abri de sa
main." - " Mais c'est ridicule ! " s'exclama Hein Huss. "
De quoi avez-vous peur, Comandore ? "
- " J'assure ma protection éventuelle, " dit sèchement
Comandore. " Vous venez d'avoir un geste amical vis-à-vis de cet
apprenti, mais il se peut qu'un jour un ennemi mette la main sur votre simulacre.
Alors, vous regretterez cette bravade. " - " Bah ! Mes ennemis
sont tous morts, à l'exception de deux ou trois qui n'osent pal se démasquer.
" Huss assena une grande' claque dans le dos de Sam Salazar. " Demain,
apprenti Salazar, de grandes choses t'attendent. "
- " 0uelle sorte de grandes choses ? - " L'honneur et le noble sacrifice
de soi-même. Bien que cela l'humilie profondément, Lord Faide est
contraint de solliciter du Premier Peuple, l'autorisation de franchir la nouvelle
plantation. Demain, Sam Salazar, tu prendras la tète de ceux qui
seront chargés de tracer un chemin aux parlementaires au milieu des pièges
et des traquenards de tous ordres qui sont dissimulés sous la mousse.
" Sam Salazar secoua la tète et recula. " D'autres sont plus
dignes que moi d'accomplir cette mission. Je préfère voyager à
l'arrière avec les chariots. " Comandore fit un geste menaçant
dans la direction du jeune homme. " Tu feras ce qu'on t'ordonnera de faire.
Maintenant, laisse-nous. Ton bavardage nous fatigue."
Lorsque Sam Salazar eut disparu, Comandore se touma vers Hein Huss. " Pour
en venir au combat de demain, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'Anderson
Grimes est un spécialiste chevronné des démons. Si j'ai
bonne mémoire, il a créé Pont, qui plonge dans l'inconscience,
Everîd, dont la colère est redoutable, et Deigne, un monstre qui
répand la terreur. Il faudra que nous prenions garde, en leur ripostant,
de ne pas nous neutraliser mutuellement. Ce serait catastrophique."
- " C'est vrai, " gronda Huss. " Je soutiens depuis une éternité
qu'un sorcier unique - en fait, le Sorcier en chef - est plus efficace qu'un
groupe composé d'éléments dont les desseins sont parfois
opposés, mais Lord Faide est dévoré d'ambition et il ne
m'écoute pas." - " Son chef Sorcier avance en âge.
Peut-être veut-il parer à toute éventualité en s'assurant
qu'il a à la portée de la main d'autres sorciers tout aussi efficaces."
- " Plusieurs chemins conduisent au futur, " accorda Hein Huss.
-" Lord Faide est parfaitement avisé en s'intéressant de
bonne heure à ma succession. Plusieurs années d'entraînement
sont nécessaires à celui qui un jour prendra ma place. J'envisage
de jauger les aptitudes de tous les sorciers de second rang et de sélectionner
le plus prometteur. Demain, c'est vous seul qui serez chargé de combattre
les démons d'Anderson Grimes. " Isak Comandore hocha poliment la
tête. " Vous faites preuve de sagesse en renonçant aux responsabilités.
Lorsque je sentirai venir le poids des ans, j'espère que j'agirai avec
la même clairvoyance. Bonne nuit, Hein Huss. Je dois préparer mes
masques de démons. Demain, il faut que Keyril combatte comme un géant."
- " Bonne nuit, Isak Comandore. Hein Huss venait à peine de s'asseoir
sur son escabeau lorsqu'on gratta doucement au panneau de toile qui masquait
l'entrée de la tente. Il tourna la tête et vit Sam Salazar qui
le regardait par l'entrebâillement.
- " Qu'est-ce qu'il y a, mon garçon ? " grogna Hein Huss.
" Qu'est-ce que tu as encore à rôder par ici ? " Sam
Salazar pénétra sous la tente et posa sur la table la figurine
représentant Hein Huss. " Je ne désire pas garder ce simulacre,
" dit-il. - " Alors, jette-le dans un fossé, " dit
Huss d'un ton bourru, " Et cesse de m'ennuyer avec tes tours stupides.
Tu as réussi à t'imposer efficacement bien que d'une manière
importune à mon attention, mais tu sais parfaitement que tu ne peux pas
quitter l'équipe de Comandore sans son consentement formel."
- " Et si j'obtiens ce consentement ? - " Tu t'attireras son inimitié,
et il se servira de ton simulacre contre toi. Contrairement à moi, tu
es très vulnérable et tu ne résisterais pas à un
envoûtement. Au fait, pourquoi veux-tu quitter Comandore ? C'est un homme
d'une grande compétence et d'une grande habileté, et tu ne peux
trouver meilleur professeur. " Sam Salazar hésita, puis dit : "
Le Sorcier Comandore, bien qu'expérimenté, est hostile aux idées
nouvelles. " Hein Huss bougea lourdement sur son siège et examina
Sam Salazar avec ses yeux limpides. " Quelles idées nouvelles ?
Les tiennes ?" - " Des idées qui sont nouvelles pour moi
et, pour autant que je le sache, qui le sont également pour Isak Comandore,
Mais il ne dit ni oui ni non. Hein Huss soupira et installa sa masse monumentale
plus confortablement. -" Vas-y, expose-moi ces idées. Je jugerai
de leur nouveauté." - " Tout d'abord, je me suis posé
des questions au sujet des arbres. Ils sont sensibles à la lumière,
à l'humidité, au vent, à la pression. La sensitivité
implique la sensation. Pourquoi un homme ne serait-il pas capable de pénétrer
dans l'âme d'un arbre afin de juger de la qualité de ses sensations.
Si un arbre était capable de conscience, cette faculté pourrait
s'avérer utile. On choisirait des arbres situés à des emplacements
stratégiques et un pénétrerait en eux quand on le désirerait.
Ce seraient en somme des sentinelles végétales. " Hein
Huss eut une moue sceptique. " C'est une idée amusante, mais en
pratique irréalisable. La lecture de pensée, la possession, la
télévoyance et autres phénoménes similaires nécessitent
un accord psychique comme condition de base. Il est indispensable qu'à
un niveau ou à un autre, les esprits puissent s'identifier. S'il n'y
a pas identité, il ne peut y avoir communication. L'arbre et l'homme
sont situés à des pôles opposés, Il n'existe entre
eux aucun point de comparaison. Il s'ensuit que la plus infime lueur de compréhension
mutuelle devrait être considérée comme un vrai miracle de
la sorcellerie. "
Sam Salazar hocha tristement la tète. " A un certain moment, j'ai
espéré pouvoir réussir à m'identifier à un
arbre. " - " Pour cela, il faudrait que tu puisses devenir un
végétal, Quant à l'arbre, il est exclu qu'il puisse jamais
devenir un homme... !" - " C'est ainsi que j'ai raisonné,
" dit Sam Salazar. " Je suis allé seul au milieu d'un bosquet
d'arbres, et j'ai choisi un haut conifère. J'ai enfoncé mes pieds
dans la terre et je suis resté là... nu et silencieux, sous le
soleil et sous la pluie, du matin au soir et du crépuscule à l'aube,
J'ai fermé mon esprit à toute pensée humaine, mes oreilles
aux sons, mes yeux à toute vision. Je n'ai pris d'autre nourriture que
le soleil et la pluie, et j'ai projeté mentalement des racines à
partir de mes pieds et des branches à partir de mon torse. Je suis demeuré
ainsi trois fois trente heures, en ménageant entre chaque période
un intervalle de deux jours. Je me suis approché _de l'état d'arbre
aussi prés que cela est possible à un être fait de chair
et de sang. "
Hein Huss manifesta son amusement par un long gloussement intérieur.
-" Et tu as réussi à t'identifier à l'arbre ? "
- " Non, " admit Sam Salazar. " Il m'est simplement arrivé
d'éprouver des sensations d'arbre - sous l'activité du soleil,
à la fraîcheur de la pluie et dans l'incomparable paix de la nuit,
mais mon expérience a été négative du point de vue
visuel et auditif. Cependant, je ne regrette pas de m'être livré
à cette tentative. Ç'a été une discipline utile.
" -" Et un effort intéressant, même s'il est demeuré
stérile. Ton idée n'est pas d'une originalité extrême,
loin de là, mais l'empirisme de la méthode - pour employer un
terme archaïque - est indiscutablement courageux. Il a sans doute contrarié
Isak Comandore, qui professe le plus profond mépris à l'égard
des superstitions de nos ancêtres. Je suppose qu'il t'a sermonné
en te mettant en garde contre la futilité, la métaphysique et
l'inspirationnisme. "
- " Oui, " dit Sam Salazar. " Il a exprimé son opinion
en détail. " - " Tu devrais apprendre la leçon par
cœur. Isak Comandore est parfois incapable de rendre crédible la vérité
la plus évidente. Néanmoins, je te citerai le cas de Lord Faide
qui, bien que se considérant comme un homme éclairé et
libre de toute superstition, voyage toujours dans son char antédiluvien,
porte sur lui une arme vieille de sept cents ans et fait confiance à
son vieux canon Iiellmouth pour protéger Faide Keep."
- " Peut-être qu'inconsciemment il a la nostalgie des anciens temps
magiques, " suggéra pensivement Sam Salazar. - " Peut-être,
" accorda Hein Huss. " Et tu éprouves la même nostalgie
? " Sam Salazar hésita. " Il flotte autour du passé
une aura de merveilleux, et il s'en dégage une sorte de grandeur sauvage.
Mais .naturellement, " ajouta-t-il vivement, " le mysticisme ne doit
être en aucun cas le substitut de la logique orthodoxe. " - "
Naturellement, " dit Hein Huss.
-" Maintenant, laisse-moi. . Il faut que je me penche sur les événements
de demain. " Une fois seul, Hein Huss se remit sur ses pieds en soufflant
et en grognant. Il marcha jusqu'à l'entrée de la tente, souleva
un pan de l'abattant de toile et embrassa le camp du regard. Tout paraissait
tranquille. Les feux mourants rougeoyaient et les soldats dormaient, allongés
dans leurs trous individuels. Au loin, du nord jusqu'au sud, les forêts
formaient une masse imprécise. De légères lueurs vacillaient
sous les arbres et au-delà sur les dunes, là où les autochtones
ramassaient dans la mousse les gousses contenant les spores qui constituaient
la base de leur alimentation. . Hein Huss eut soudain conscience d'une présence
à proximité. Il tourna la tête et vit s'approcher une forme
emmitouflée et encapuchonnée. C'était le sorcier Enterlin
qui, afin de réduire au maximum sa vulnérabilité à
toute sorcellerie hostile, dissimulait son visage, ne parlait qu'en murmurant
et déguisait sa démarche naturelle en marchant à raides
pas d'échassier. Lors de l'admission, l'on négligeait de tenir
compte des déficiences physiques éventuelles des candidats sorciers,
qui pouvaient sans inconvénient être affligés d'une vue
faiblissante, d'articulations raides, de défaillance de m& moire,
d'hypocondrie et autres infirmités. Or, le fait de détenir des
informations de cet ordre pouvant être d'une signification critique à
l'occasion d'un différend entre collègues, les sorciers s'efforçaient
de donner l'impression d'une santé et d'une virilité sans défaillances
même si en réalité ils devaient tâtonner en aveugles
et se plier en deux sous l'effet des crampes. Hein Huss souleva l'abattant
de la tente et invita Enterlin à entrer. Puis il se dirigea vers l'endroit
où étaient rangés ses bagages, produisit un flacon et remplit
deux coupes. " C'est un simple cordial, exempt de toute signification déguisée,
" précisa-t-il. - " Bon, " dit Enterlin en prenant
la coupe la plus éloignée de lui. " Après tout, il
nous est permis de nous relaxer en redevenant de temps en temps des hommes comme
les autres. " Tournant le dos à Huss, il souleva légèrement
le bord de son capuchon et avala le breuvage. " C'est rafraîchissant,
" dit-il. " Nous avons besoin de nous rafraîchir, avec la tâche
qui nous attend demain. " Huss émit son gloussement intérieur.
" Demain, le combat principal aura lieu entre les démons d'lsak
Comandore et ceux d'Andersen Grimes. En ce qui nous concerne, nous n'aurons
à accomplir que des besognes secondaires. " Enterlin parut se livrer
à une inspection railleuse de Hein Huss à travers le voile de
soie noire qui dissimulait son visage. " Comandore se réjouira de
l'occasion qui lui est offerte. Son pouvoir a besoin de se nourrir de succès.
C'est un homme de feu, vous êtes un homme de glace." - "
La glace éteint le feu. "
- " Le feu fait parfois fondre la glace. " Hein Huss haussa les épaules.
" Peu importe. Je suis de plus en plus las. Le temps nous a tous durement
marqués. Il y a un instant, un jeune apprenti m'a révélé
à moi-même. "
- " En tant que puissant sorcier - le chef Sorcier des Faide vous avez
le droit d'être fier. " Hein Huss vida sa coupe d'un trait et la
reposa. " Non. Je trône au sommet de ma profession, sans un endroit
où aller. Seul l'apprenti Sam Salazar pense à faire des recherches
en vue d'augmenter la somme des connaissances universelles. Il est venu me demander
conseil, et je n'ai su que lui répondre." - " Vos paroles
sont étranges, " murmura Enterlin en se dirigeant vers l'entrée
de la tente. " Je m'en vais, maintenant. " Il ajouta dans un chuchotement
: " Je vais jusqu'aux dunes. Peut-être réussirai-je à
entrevoir le futur. "
- " Il y a plusieurs futurs possibles. " Enterlin laissa retomber
l'abattant de la tente et s'enfonça dans la nuit. En grognant et en soufflant,
Hein Huss s'allongea sur sa couche et s'endormit instantanément.
2
La nuit s'écoula. Le ciel blanchit et le soleil, voilé de rose
et de vert, apparut lentement derrière l'horizon. La nouvelle plantation
du Premier Peuple, une vaste étendue de jeunes arbres plantés
en rangs serrés, se silhouetta contre le ciel vert et lavande. Le détachement
leva le camp avec l'efficacité que confère une longue pratique.
Lord Faide se dirigea vers son char et prit place aux commandes. Il manoeuvra
un levier et le char dériva lentement vers la nouvelle plantation. A
un mille de la lisière, Lord Faide arrêta l'engin et dépêcha
un messager vers les chariots des sorciers. Hein Huss sauta lourdement sur la
mousse et remonta la colonne, suivi d'lsak Comandore, d'Adam McAdam et d'Enterlin.
- " Envoyez quelqu'un prendre contact avec le Premier Peuple, " demanda
Lord Faide. " Dites à ces sauvages que nous désirons passer.
Dites-leur que nous ne leur voulons aucun mal, mais prévenez les que
tout acte d'hostilité de leur part entraînerait une réaction
brutale. "
- " Je vais y aller moi-même, " dit Hein Huss. Il se tourna
vers Comandore. " Voulez-vous m'envoyer votre
jeune insolent d'apprenti ? Il pourra m'être utile. "
- " S'il démasque une trappe à amies en dégringolant
dedans, ce sera le premier travail utile qu'il aura jamais accompli, "
grommela Comandore. Il adressa un signe impératif à Sam Salazar
qui s'approcha des sorciers avec répugnance. - " Tu vas marcher
devant le Chef Sorcier Hein Huss, " ordonna Isak Comandore. " Prends
une lance afin de sonder la mousse devant toi. " Sans enthousiasme, Sam
Salazar emprunta une lance à l'un des hommes d'armes- Précédant
Huss, il se dirigea vers ce qui naguère avait constitué un passage
entre les deux forêts, Wildwood Nord et Wildwood Sud.
De ci, de là, des affleurements de roc crevaient la mousse. Des lauriers
nains, des arbres-à-goudron, des touffes de gingembre et des rosiers
sauvages émergeaient au hasard sur les dunes. A un demi-mille de la nouvelle
plantation, Huss s'arrêta. " A partir de maintenant, prends garde,
car c'est ici que les pièges commencent. Evite les tertres, ils recèlent
souvent des pièges à faux tournoyantes ; évite également
de marcher là où la mousse a une colomtion bleu pâle : elle
végète et dissimule généralement un piège
à épines ou à orties. " .
- " Pourquoi n'essayez-vous pas de localiser les traquenards en vous servant
de votre don de clairvoyance ? " demanda Sam Salazar d'une voix plutôt
lugubre. " Il me semble que c'est une excellente occasion d'utiliser cette
faculté. " - " La question est naturelle, " dit Hein
Huss d'une voix tranquille, " cependant tu devrais savoir que, lorsque
c'est la sécurité ou le profit personnels du Sorcier qui sont
en jeu, ses émotions peuvent lui jouer de mauvais tours. Si je me servais
de ma double vue, je verrais des pièges partout et je ne saurais jamais
si c'est la clairvoyance ou la peur qui m'ont inspiré. Dans le cas qui
nous occupe présentement, ta lance est un instrument plus digne de confiance
que mon esprit. " Sam Salazar enregistra l'explication avec un petit salut.
Il se remit en marche, Hein Huss clopinant lourdement sur ses talons. Tout d'abord,
le jeune homme sonda la mousse avec soin, découvrant successivement deux
trappes, puis à mesure qu'il marchait son pas s'accéléra.
En définitive il avança si rapidement que Huss cria avec exaspération
: " Fais attention, imbécile ! On dirait que tu recherches la mort
! " Obligeamment, Sam Salazar ralentit le pas. " Il y a des pièges
partout, mais j'ai découvert un moyen presque infaillible de les détecter.
Du moins je le pense. "
- " Ah oui ? Eclaire-moi, s'il te plaît. Je ne suis que le Chef Sorcier
de Faide Keep, un ignorant. " - " Regardez. Si nous marchons là
où les indigènes ont récemment cueilli des cosses à
spores, nous ne risquons rien. " Hein Huss grommela entre ses dents puis
dit : " Avance, alors. Pourquoi flânes-tu ? Nous devons attaquer
Ballant Keep aujourd'hui même. " Deux cents mètres plus loin,
Sam Salazar s'arrêta court. " Avance, avance ! " gronda Hein
Huss.
- " Les sauvages nous menacent. Regardez-les, à l'orée de
la plantation. Ils pointent des tubes sur nous. " Hein Huss regarda, puis
il mit ses mains en porte-voix et cria quelque chose dans le langage sifflant
du Premier Peuple. Une minute s'écoula, puis l'un des indigènes
avança vers eux. C'était un humanoïde à la peau livide,
entièrement nu, aussi laid qu'un démon. Chacun de ses flancs comportait
un sac à écume, dont les évents aux lèvres orange
étaient pointés sur les deux hommes. La peau de son dos était
ridée sur toute sa longueur ; c'était en réalité
un soufflet servant à propulser l'air à l'intérieur des
sacs à écume. Sa tête ronde gainée de chitine comportait
de chaque côté un gros oeil protubérant à un million
de facettes, luisant comme une opale noire, qui se fondait dans la chitine sans
limites définies. Il avait d'énormes mains dont chaque doigt se
terminait en lame de ciseaux, C'était un représentant des habitants
originels de la planète qui, jusqu'à l'arrivée de l'homme,
avaient vécu dans la mousse des dunes, se protégeant eux-mêmes
derrière des masses d'écume jaillissant de leurs poches. La créature
s'immobilisa tout près d'eux.
" Je parle au nom de Lord Faide de Faide Keep, " dit Hein Huss. "
Votre nouvelle plantation lui barre le chemin. Il désire que vous les
guidiez de l'autre côté, lui et ses troupes, afin qu'ils ne soient
pas victimes des pièges que vous avez placés contre vos ennemis.
"
- " Les hommes sont nos ennemis, " répondit l'autochtone. "
C'est à leur intention que les trappes ont été placées.
" Il recula.
- " Un moment, " dit sèchement Hein Huss. " Lord Faide
doit passer. Il va combattre Lord Ballant. Il n'a aucune hostilité envers
le Premier Peuple, mais il est prudent que vous consentiez à le guider.
Vous avez la promesse que vos arbres ne seront pas endommagés. "
L'indigène réfléchit durant quelques secondes, puis il
dit : " Je le guiderai. " Il se dirigea vers le détachement,
suivi de Hein Huss et de Sam Salazar. Se déplaçant sur ses jambes
articulées plus flexibles Que celles d'un homme, il avança en
changeant plusieurs fois de direction, s'arrêtant occasionnellement pour
examiner la mousse devant lui. - "
Je suis intrigué, " dit Sam Salazar à Hein Huss. " Je
n'arrive pas à comprendre les agissements de la créature. "
- " C'est normal, " grommela Hein Huss. " Tu es un humain, et
il appartient au Premier Peuple. Il n'existe aucune base de compréhension
entre vous. "
- " Je ne suis pas d'accord, " dit Sam Salazar d'une voix grave.
- " Pardon ? " Hein Huss regarda attentivement l'apprenti qui osait
le contredire. " Tu contestes ce que j'affirme, moi, Hein Huss, Chef Sorcier
de Faide Keep ? "
- " Dans un sens limité, je vois une base de compréhension
entre le Premier Peuple et nous, " dit Sam Salazar. " C'est notre
commun désir de survivre. "
- " Truisme ! " grommela Hein Huss en haussant les épaules.
" Cette communauté d'intérêt avec le Premier Peuple
admise, qu'est-ce qui te rend perplexe ? "
- " Le fait qu'il ait tout d'abord refusé de nous guider, et ensuite
qu'il ait accepté. "
Hein Huss hocha la tête. " Evidemment, le changement est intervenu
lorsque je l'ai informé que nous avions l'intention d'attaquer Ballant
Keep. " - " Oui, c'est clair, " dit Sam Salamr. " Mais
pensez... "
- " Tu m'exhortes à penser ? " rugit Hein Huss.
- "... que nous avons là un représentant du Premier Peuple,
apparemment sans distinction, qui a pris une importante décision instantanément,
sans en référer à quiconque. Est-ce un de leurs chefs ?
Vivent-ils dans l'anarchie ? " - " Il est aisé de poser
des questions, " dit Hein Huss d'un ton bourru. " Il n'est pas aussi
facile d'y
répondre. " - " En résumé... "
- " En résumé, je ne sais pas. Mais une chose est certaine
: en toutes circonstances, ils sont heureux de nous voir nous entretuer. "
La suite...
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