Premiére
Page Au
coeur de la galaxie Polymark, la planète Pao tourne
autour de l'étoile jaune Auriol. Ses caractéristiques
sont les suivantes Masse 1,73 Diamètre
1,39 Gravité à la surface 1,04 Le plan
de rotation diurne de Pao est le même que son plan
orbital : en conséquence, il n'y a pas de saisons
et le climat est uniformément doux. Huit continents
parallèles à l'équateur divisent la planète à intervalles
approximativement égaux : Aimand, Shraimand, Vidamand,
Minamand, Nonamand, Dronamand, Hivand et Impland,
ainsi nommés d'après les huit chiffres du système
numératif paonais. Aimand, le plus grand de ces
continents, présente une surface quatre fois supérieure
à celle de Nonamand, le plus petit. Seul Nonamand,
situé dans les hautes latitudes sud, est affligé
d'un climat déplaisant. On n'a jamais procédé
à un recensement exact de la population paonaise,
mais on l'estime environ à quinze milliards d'individus
qui habitent, pour la plupart, des villages. Les
Paonais forment un peuple homogène : de taille moyenne,
ils ont la peau claire, une nuance de cheveux qui
va du châtain au brun foncé, des traits qui varient
peu d'une personne à l'autre. Jusqu'au règne
du Panarque Aiello Panasper, l'histoire de Pao est
pauvre en événements marquants. Les premiers colons,
trouvant la planète hospitalière, s'y multiplièrent
à un point tel que la population atteignit une densité
sans précédent. Leur mode de vie minimisait les
risques de friction entre les différentes classes
de la société :il n'y eut, ni grandes guerres, ni
épidémies, ni désastres, à l'exception de disettes
périodiques, que le peuple supportait avec courage.
C'étaient des gens simples, sans complication que
ces Paonais. Ils n'avaient ni religion ni culte.
Ils ne demandaient à la vie que peu d'avantages
matériels, mais accordaient en revanche une importance
considérable aux changements de castes et de statut.
S'ils ne connaissaient pas les sports de compétition,
ils aimaient à se réunir en immenses assemblées
de dix ou même vingt millions d'individus pour psalmodier
leurs hymnes antiques. Le Paonais type cultivait
quelques arpents de terre et augmentait ses revenus
grâce à l'artisanat ou au commerce. Il manifestait
peu d'intérêt pour la politique; son souverain héréditaire,
le Panarque, exerçait un pouvoir personnel absolu
qui se faisait sentir, par l'entremise d'un vaste
système administratif, jusque dans le village le
plus éloigné. Le langage de Pao était un dérivé
du Waydalique fondu dans un moule particulier. La
phrase paonaise présentait un tableau d'une situation
plutôt qu'elle ne décrivait un acte. Il n'y avait
ni verbes ni adjectifs, ni formes comparatives définies,
telles que bon et meilleur, mauvais et pire. L'idée
que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à
supposer qu'il se considérât comme une personnalité
distincte - était celle d'un bouchon flottant sur
un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré,
bousculé par des forces incompréhensibles. I1 éprouvait
pour son souverain un respect mêlé de crainte, se
soumettait à lui avec une obéissance aveugle, ne
lui demandant en retour que la continuité dynastique
car, sur Pao, rien ne devait jamais varier, rien
ne devait jamais changer. Cependant, le Panarque,
tout tyran absolu qu'il fût, était obligé, lui aussi,
de se conformer aux usages. Là résidait le paradoxe
: dans son intimité, l'individu paonais pouvait
donner libre cours à des vices que l'homme normal
eût trouvés impensables et répugnants. Mais il lui
était interdit de paraitre gai ou frivole, de céder
aux joies de l'amitié, de se montrer trop souvent
dans des lieux publics. Par-dessus tout, il devait
éviter de donner à son peuple le spectacle d'une
indécision, d'une hésitation. Agir ainsi eût détruit
l'archétype.
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