P.G.Wodehouse est probablement l'humoriste anglais le plus populaire.
Auteur prolifique (il a écrit une petite centaine de romans et nouvelles), il
décrit avec verve (et un humour détonnant) un monde victorien idéal peuplé
d'aristocrates doux rêveurs ou excentriques, embringués dans des intrigues aussi
emberlificotées que loufoques. Ses personnages principaux, Bertram Wooster (« Bertie ») et de son valet
Jeeves, sont aussi célèbres dans le monde anglo-saxon que Sherlock Holmes et son
ami Watson. Mêlant l'argot victorien de l'upper class à une
grammaire impeccable, Wodehouse est aussi un magicien du langage, dont les
images sont aussi surprenantes que drôles.
Jack Vance parlant de son style personnel : " je pense que ça a simplement évolué comme ça, à
cause de l’appréciation que je porte vis-à-vis de maîtres tels que P.G.
Wodehouse, qui est un parfait génie pour le rythme et l’aspect pince-sans-rire
de ses dialogues. Il est sublime dans ce domaine, et il n’est pas suffisamment
apprécié comme faisant partie des grands écrivains. Je parle d’avant la guerre,
bien sûr… Après la guerre, il n’était plus dans le coup. Mais les dialogues de
Wodehouse, c’est vraiment quelque chose de merveilleux. C’est assez maniéré,
bien sûr. Jeeves a une certaine façon de s’exprimer, et il faut en être
conscient."
Bibliographie: Wodehouse écrit en tout dix livres pour les jeunes gens, un pour les enfants,
quarante-trois romans, trois cent quinze nouvelles, quatre cent onze articles.

Parmi les plus célébres romans ( édités en Omnibus) 1)
La série des Jeeves
Les aventures de Bertram Wooster, alias « Bertie », jeune aristocrate
désœuvré et doué d'une intelligence nettement inférieure à la moyenne. Poursuivi
par des hordes de tantes caractérielles et d'ex-fiancées, il a le don pour se
fourrer dans des situations aussi inextricables que loufoques, dont le sort
toujours son génial valet, Jeeves.
• L'Inimitable Jeeves (p.56-57) Bertie
a malencontreusement poussé le jeune Oswald, frére d'une future
fiancée, à l'eau. Tante Agathe, trés à cheval sur les principes,
le sermone.
"... Même toi, on a du mal à t'imaginer en train de faire
une chose pareille. - Eh bien, je me suis comme qui dirait appuyé
sur lui, tu vois, et il est tombé du pont. - Oswald t'accuserait
sans équivoque de l'avoir délibérément poussé dans l'eau. Cela a
troublé Sir Roderick, et l'a malheureusement incité à procéder à
une enquête, et c'est comme cela qu'il a entendu parler de ton pauvre
oncle Henry. Elle braqua sur moi un regard empreint de solennité,
et j'avalai gravement une gorgée de café. Allons, nous allions entrouvrir
l'armoire de famille et jeter un petit coup d'oeil à ce bon vieux
cadavre. Il faut que je vous explique que feu mon oncle Henry était
en quelque sorte la tache sur le blason des Wooster. Un garçon parfaitement
charmant, au demeurant, et qui s'était toujours rendu très cher
à mon coeur en me distribuant le numéraire avec la plus grande prodigalité
du temps que j'étais à l'école ; mais il faut bien reconnaître qu'il
faisait parfois de plutôt drôles de choses. C'est ainsi, notamment,
qu'il entretenait onze lapins apprivoisés dans sa chambre à coucher
; j'imagine que c'est le genre de choses qui fait immanquablement
penser à un puriste que vous avez déjanté. En fait, et pour être
parfaitement honnête, le couronnement de sa carrière fut qu'il finit
heureux comme un roi, exclusivement entouré de lapins en guise de
famille. - C'est complètement absurde, bien entendu, poursuivait
la tante Agathe. Si quelqu'un avait hérité de l'excentricité - car
ce n'était pas autre chose - de ce pauvre Henry, ce serait Claude
et Eustache, et on ne saurait imaginer deux sujets plus fulgurants. Claude
et Eustache, les jumeaux. Je les avais eus dans mon école pendant
mon dernière trimestre d'été, et un effort de mémoire me confirma
que « fulgurant » était le terme qui s'imposait. La totalité de
ce trimestre, pour autant qu'il m'en souvienne, avait été consacrée
à les tirer d'une série d'aventures effrayantes. - Regarde comme
ils réussissent bien à Oxford. Ta tante Emily a reçu l'autre jour
une lettre de Claude disant qu'ils avaient bon espoir d'être prochainement
élus à un cercle très important appelé « Les Chercheurs » .-
« Les Chercheurs » ? (J'avais beau me creuser la tête, il n'y avait
aucun club de ce nom à Oxford, de mon temps.) Et qu'est-ce qu'ils
peuvent bien chercher ? - Ça, il ne le dit pas. La vérité, ou
le savoir, j'imagine. C'est de toute évidence un cercle auquel il
est très souhaitable d'adhérer, car Claude ajoute que Lord Rainsby,
le fils du comte de Datchet, qui se trouve être l'un de ses camarades,
est également candidat. Mais
nous nous égarons. Sir Roderick souhaite avoir une bonne conversation
avec toi, seul à seul, et voilà tout. Maintenant, je compte sur
toi, Bertie, pour faire preuve - je ne dirai pas d'intelligence,
mais à tout le moins de bon sens. Ne ricane pas comme ça, et essaye
de chasser cette horrible expression vitreuse detes yeux. Et ne
bâille pas, et ne gigote pas sur ta chaise. Et puis, n'oublie pas
que Sir Roderick est président de la ligue contre les jeux d'argent
pour tout l'ouest de Londres, alors, s'il te plaît, évite de parler
de courses de chevaux. Il sera chez toi demain, à une heure et demie,
pour déjeuner. Et je te rappelle qu'il ne boit pas de vin, qu'il
ne supporte pas les fumeurs et qu'il ne peut manger que des aliments
naturels, parce qu'il a des problèmes de digestion. Ah, ne lui propose
pas de café : il considère que c'est la cause de la moitié des troubles
mentaux de l'humanité. - Il me semble qu'un biscuit pour chien
et un verre d'eau devraient faire l'affaire, qu'en penses-tu ? -
Bertie ! - Oh, très bien ! Simple persiflage. - Eh bien, c'est
exactement le genre de remarque idiote propre à éveiller les pires
soupçons chez Sir Roderick. Je te prie de te dispenser de toute
impertinence pendant que vous serez ensemble. Ce serait pour le
moins mal venu ; c'est un homme très sérieux... Tu t'en vas ? Allez,
tâche de ne pas oublier ce que je t'ai dit. Je compte sur toi, et
si les choses devaient mal tourner, je ne te le pardonnerais jamais
! - A bon entendeur, salut ! Et je rentrai chez moi
avec la perspective d'une journée qui s'annonçait pas mal du tout,
moi je vous le dis.
J'ai surilluminé la partie du texte qui
ressemble le plus à un dialogue entre Dame Isabel Grayce et son neveu Roger dans Space Opera.
L'influence de Wodehouse y est trés nette.

2) La série de Blandings Castle
Lord Emsworth, aristocrate campagnard, n'aimerait rien tant qu'on le laisse
s'adonner en paix à sa grande passion, l'élevage des cochons — c'est sans
compter sa famille : des sœurs tyranniques, Galahad, son excentrique de frère,
des beaux frères qui le prennent pour un idiot et Freddy, son fils cadet
irresponsable.
• Bravo Oncle Fred (Uncle Fred in the Springtime), 1939 Les pages correspondent à l'édition Omnibus, 1997. Traduction
par Charles Thiollier. p. 606 "- Mr Claure Pott annonça Webster à la porte. Pour Pongo Twistleton, qui
imaginait un détective privé avec un visage de faucon, un regard aigu et perçant
et l'allure générale d'un léopart, Claude Pott fut un objet de complète
surprise. Les faucons n'ont pas de menton, Claude Pott en avait deux. " p. 761
« L'Impératrice de Blandings était un cochon qui prenait les choses comme
elles venaient. Sa devise, comme celle du grand Horace, était "nihil admirari".
Mais aussi froide et même réservée qu'elle fût en règle générale, elle avait été
un peu émue par les événements de la journée. En particulier, elle avait trouvé
étrange la salle de bains. C'était le seul endroit où elle s'était jamais
trouvée où semblait régner la famine. Ce qu'il avait de mieux à lui offrir était
un tube de savon à barbe qu'elle était en train de goûter avec un froncement de
sourcils quant elle fut rejointe par Mr Pott. Quand elle sortit, elle avait
encore un peu de mousse sur les joues et ce fut peut-être ce dernier trait qui
mit le comble à la stupéfaction de Lord Bosham et qui le détermina non seulement
à reculer d'un mètre ou deux, les yeux exorbités, mais aussi à presser la
détente de son fusil. Le coup résonna comme l'explosion d'un arsenal, et il
eût convaincu l'Impératrice, si elle avait besoin d'être convaincue, que ce
n'était pas la place d'un cochon bien élevé. Jamais, depuis qu'elle était un
tout petit goret, elle ne s'était déplacée plus rapidement qu'à un pas de
sénateur. Mais cette fois Jesse Owens aurait eu de la peine à chronométrer sa
performance. Après avoir heurté le lit, la table et le fauteuil, dans l'ordre
chronologique, elle réussit à atteindre la porte-fenêtre et était sur le point
de disparaître quand Lord Emsworth se précipita dans la pièce, suivi de Lady
Constance. »
• Le plus beau cochon du monde
Où l'on retrouve Lord Ermsworth (voir "Bravo, Oncle Fred !")
toujours plongé dans sa lecture favorite et unique : les Variations de l'élevage
du porc. Sa célèbre truie "L'impératrice de Blanding" réussira-t-elle à déjouer
les complots des méchants pour conserver le titre envié. "Comedia" agricole,
Wodehouse se joue des difficultés et des invraisemblances pour le plus grand
plaisir du lecteur.
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