Des bénévoles du Projet VIE bavardent avec Jack Au cours du week-end du 2 et 3 août 2003, plusieurs bénévoles du Projet VIE ont pu discuter avec Jack en téléconférence. Les participants du samedi étaient Joel Anderson, Jeremy Cavaterra, Brian Gharst, Chuck King, et Ed Winskill. Le dimanche, ce fut le tour de Chris Corley, Damien Jones, Dave Reitsema, et John Schwab. John Vance II était présent les deux journées. La transcription a été faite par Jeremy Cavaterra. Premier Jour : Samedi 2 août 2003 Jack : J’ai pensé profiter de l’occasion, maintenant — si cela vous intéresse, si vous avez des questions à propos de mes écrits — pour vous donner une chance de fouiller davantage dans mon subconscient. Si vos questions sont trop compliquées, ou si les réponses ne sont pas facilement formulables, je vous dirai peut-être « Pas de commentaire ». Ceci ne veut pas forcément dire que la question me déplaît, cela signifie simplement que pour répondre à la question, il me faudrait m’engager dans toutes sortes de remarques ambiguës, etc. En gardant ceci à l’esprit, vous pouvez commencer ! Joel : Je prends beaucoup de plaisir à lire vos descriptions d’architecture, l’ambiance et l’esprit qui s’en dégagent. Est-ce que vous concevez vos décors pour évoquer une atmosphère ? Jack : J’aimerais pouvoir vous donner une réponse catégorique. Je crois que ceci s’assemble de façon organique. Quand je commence une histoire, j’ai un certain état d’esprit, qui est difficile à expliquer — un certain sentiment, ou une idée. Ensuite, quand j’écris l’histoire, je m’attache à ce que chaque aspect corresponde de façon appropriée à cet état d’esprit — ce qui inclut le paysage, l’architecture… Joel : Ou le langage ? Jack : Le langage, les costumes, tout. C’est mon but, en tout cas, quelquefois je réussis, quelquefois non… Joel : Eh bien, de mon point de vue, vous y arrivez, en général. J’ai rarement lu quelque chose de vous qui n’évoque pas une atmosphère particulière. Jack : Apparemment, j’ai un tour de main ! C’est peut-être de naissance. Je n’en tire pas particulièrement vanité. C’est comme d’être né droitier ou gaucher. Joel : Bon, je suis content que vous ayez ce don ! A ce que je comprends, vous avez construit votre maison vous-même. Quand vous écrivez une histoire, est-ce que vous dessinez les plans de votre architecture, juste pour le plaisir ? Jack : Non, je ne procède pas comme ça. Quand nous sommes arrivés ici, cet endroit était comme une cabane à lapins, perchée tout en haut de la colline. Au fil des années, Johnny et moi avons construit la maison actuelle autour de l’ancienne maison, que nous avons pratiquement balancée par la fenêtre ! Sans exagérer, cette maison dans laquelle nous vivons maintenant entoure complètement la vieille baraque. Il n’en reste rien, si ce n’est le plancher de la salle à manger. Jeremy : Dans nombre de tes livres, il y a une insistance sur l’artisanat, sur l’habileté manuelle, particulièrement en ce qui concerne la céramique, la tapisserie, la peinture. Mais l’accent semble être toujours sur la dextérité plutôt que sur ce que j’appellerais le côté « artistique ». Ainsi, peux-tu nous parler de tes rapports avec la céramique, et peut-être comment tout ceci s’intègre à ton écriture ? Jack : Bon, d’accord. Je ne pense pas qu’il y ait vraiment de lien entre la céramique et l’écriture, mais la céramique a été pour moi, à une époque — et encore maintenant, d’une certaine façon — extrêmement importante. La céramique est un art qui comporte tant d’aspects, tant de domaines spécifiques, chacun d’eux est fascinant. Il y a d’abord le tour, pour façonner la pièce ; il y a la cuisson, à différentes températures allant de 1800º F jusqu’à — je n’ai jamais fait de la porcelaine, mais ça monte à 2800º F. Je cuisais généralement à « Cone 5 », c’est-à-dire 2300º F à peu près : c’est de la poterie en grès. Le plus fascinant, c’est de fabriquer les glaçures. Vous prenez un morceau d’argile tendre, vous la soumettez à une chaleur terrible, elle en ressort imperméable et permanente. Vous fabriquez une glaçure — on peut en acheter, bien sûr, mais le vrai challenge est de la fabriquer soi-même, en utilisant différents composants chimiques et en les mélangeant selon des formules précises. Ensuite, on applique cette pâte blanche sur l’objet, et on le met à cuire. Et puis on attend l’ouverture du four, dans la même expectative qu’un gamin descendant l’escalier le matin de Noël pour voir ce qu’il y a devant le sapin. « Bon sang, qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dans le four ?! » Le résultat peut apporter une grande joie, ou une profonde détresse ! Mais si ça marche, votre œuvre ressort de là avec de riches couleurs brillantes : des verts, des bleus — la perfection ! La texture du vernis est parfois de toute beauté à elle seule, le genre huilé, comme du beurre. Il y a des émotions esthétiques, lorsqu’on ouvre le four et qu’on en sort ces pièces cuites. Le secret est de trouver la glaçure adaptée à l’argile. Autrefois, c’était un problème très difficile : il fallait se livrer à toutes sortes de calculs mathématiques, puis procéder à des essais, encore des essais, et encore. Mais à l’époque où j’ai construit mon dernier atelier, un type au Canada a sorti un logiciel qui s’appelait « Insight », et qui simplifiait la formulation des glaçures à un tel point que ça devenait un pur plaisir. Les noms de ces glaçures sont déjà tout un poème, comme des noms de morceaux de musique… J’en ai assez dit sur la poterie, mais j’adore ça. Quand ma vue m’a lâché, j’ai dû arrêter la poterie. Nous avons vendu le four, et nous avons démonté l’atelier. Nous avons encore plein de produits chimiques en bas, avec le tour de potier… et voilà toute l’histoire. Revenons-en à l’idée plus générale de l’artisanat. Oui, j’apprécie énormément l’habileté manuelle, faire les choses avec précision, les faire correctement. Pouvoir commencer un travail avec la vision du résultat, et le faire avec une telle expertise que le résultat est celui escompté. On y arrive en ébénisterie, en poterie, dans l’écriture de poèmes aussi, j’imagine. John V. : Dans l’écriture de romans ! Jack : Hum, je ne sais pas si écrire des livres est un art ou non. John V. : Mais il y a de l’artisanat dans ton travail d’écriture. Jack : Ca mérite discussion — peut-être, je ne le contesterai pas. Il y a toutes sortes d’artisanats. Jeremy, qu’est-ce que tu penses du fait de frapper des touches sur un piano, tu penses que c’est de l’artisanat ? Jeremy : Eh bien, si on considère qu’écrire des livres est un art, ou que « l’artisanat », c’est d’être capable de créer quelque chose en fonction de ses idées, oui, bien sûr, pourquoi pas ? Jack : Mais je pense que ce n’est pas tant la musique elle-même, cet « artisanat » est de savoir frapper les bonnes touches, apprendre à avoir à l’esprit un certain effet que l’on désire, et alors les doigts vont vers les bonnes touches… Jeremy : Dans ta façon d’écrire, il y a ce sens de la précision quand il s’agit de traduire une impression, ou une idée, en mots, de la façon la plus efficace possible. C’est le genre de « métier » dont je parle. Je trouve ça très analogue aux différents types d’artisanat que tu évoquais. Jack : Ca me va, je suis d’accord. Ed : Quand je pense au travail d’artisan, je pense à Emphyrio, qui parle tellement d’artisanat, le livre tout entier. Jack : Oui, il y a bien de l’artisanat dans cette histoire. J’admire les artisans. Des artistes ? Le mot a pris tant de connotations déplaisantes, vous savez, « artistes » — ces gens aux cheveux longs et au comportement bizarre. Je fais allusion au vieux stéréotype de l’artiste, le genre d’artiste au XIXème siècle. Si ça peut intéresser quelqu’un, je vais vous donner ma définition de l’art. Je n’en fais pas une loi universelle, bien sûr, mais dans mon esprit, lorsque quelqu’un a une réaction émotionnelle à une chose ou une autre, il tente de faire passer cette émotion à quelqu’un d’autre par des moyens symboliques. C’est important : l’artiste doit utiliser des symboles qui ne soient pas seulement intelligibles pour lui, mais aussi pour la personne avec qui il essaie de communiquer. Il faut une compréhension partagée des symboles utilisés, parce que si l’artiste utilise des symboles que le spectateur ou l’auditeur ne peut interpréter, l’artiste a échoué : il ne communique pas. C’est mon objection en ce qui concerne « l’art » abstrait, en quelque sorte — je mets des guillemets au mot « art » — et aussi le prétendu « jazz moderne ». Les gens qui y sont impliqués utilisent des symboles qui sont connus d’eux seuls. C’est une sorte d’approche narcissique qui est vide de sens pour tout le monde sauf eux. Les gens qui écoutent — bon, vous verrez des tas de gens qui ne connaissent rien à la musique, ou à l’art, et qui s’exclament de plaisir à propos des choses — ils n’ont aucune idée de ce que tout ça veut dire, sauf qu’ils diront des trucs comme « Ceci est plutôt ‘éclatant’, et cela est plutôt ‘chaleureux’… », mais ils ne comprennent pas le symbolisme que l’artiste avait en tête. Mais assez parlé de « l’art ». OK ! Question suivante ! Brian : Quand j’ai lu pour la première fois un de vos livres, à l’époque où j’étais au lycée, ce qui m’a vraiment pris aux tripes, et qui m’a fait dire « Wow ! C’est vraiment super, ce truc !», c’est la manière dont les personnages se parlaient les uns aux autres. Même les méchants et les gredins étaient des gens très intelligents, et ils maniaient l’ironie et la litote. Il me semble que ceci apparaît dès le début, même dans vos premiers livres. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez eu à cultiver par vous-même, avant de commencer à publier ? Ou bien est-ce que ça vous est venu naturellement ? Et quelle était la réaction, dans les premiers temps ? Jack : Dans les premiers temps, après que j’aie publié deux nouvelles, un des éditeurs a parlé de « Vancianisme » à propos des histoires que j’avais écrites. Donc, manifestement, j’avais déjà à l’époque une approche distincte. Mais pour répondre à votre question, je pense que ça a simplement évolué comme ça, à cause de l’appréciation que je porte vis-à-vis de maîtres tels que P.G. Wodehouse, qui est un parfait génie pour le rythme et l’aspect pince-sans-rire de ses dialogues. Il est sublime dans ce domaine, et il n’est pas suffisamment apprécié comme faisant partie des grands écrivains. Je parle d’avant la guerre, bien sûr… Après la guerre, il n’était plus dans le coup. Mais les dialogues de Wodehouse, c’est vraiment quelque chose de merveilleux. C’est assez maniéré, bien sûr. Jeeves a une certaine façon de s’exprimer, et il faut en être conscient. Il y a aussi ce type des années 20, qui s’appelait Jeffrey Farnol. Il écrivait des romans d’aventure, en traitant les dialogues avec beaucoup de soin, et il y était excellent. Ces deux-là, particulièrement, m’ont donné un but vers lequel je pouvais tendre : si j’arrivais à écrire des dialogues aussi bons que ceux de Wodehouse ou de Farnol, alors j’avais l’impression de faire quelque chose de bien. A part ça, je n’y pensais pas vraiment, je ne le faisais pas consciemment, le style s’est développé tout seul. Brian : Vous ne vous êtes jamais préoccupé de savoir si les lecteurs accepteraient ça ? Jack : Non, je n’y ai jamais vraiment réfléchi, pas plus que pour n’importe quelle autre partie de l’histoire. En d’autres termes, tout l’ensemble était organique, le dialogue et la narration, etc., étaient des parties d’un même ensemble, et je voulais que ce soit cohérent. Pour revenir à cette histoire d’état d’esprit dont je parlais — tous les éléments de l’histoire doivent être cohérents et en ligne avec l’état d’esprit, générant l’état d’esprit, renforçant l’état d’esprit. Ainsi la narration et le dialogue concourent tous les deux, à mon avis, à cet objectif. John V. : Je peux dire quelque chose à ce sujet, Brian. D’une façon générale, Papa se fiche complètement de ce que les autres peuvent penser, de toute façon. C’est peut-être un peu brutal, mais il ne s’est probablement jamais posé la question de savoir si les gens aimeraient son style, parce que ça n’avait pas vraiment d’importance pour lui. Il a simplement fait comme il voulait. Brian : Il m’arrive souvent de lire un de vos livres, dans mon salon, avec ma femme assise à côté de moi, et tout à coup, comme ça, je pousse un petit soupir de satisfaction — et ma femme devine que je suis en train de lire un roman de Vance — parce que je suis tombé sur un de ces magnifiques dialogues, tellement intelligents, et qui me donnent tant de plaisir. Jack : A ce propos… Je ne sais pas comment l’exprimer, mais je ne trouve pas les mots qui conviennent pour vous dire ce que je ressens pour vous tous. Ce n’est pas vraiment de la gratitude, je crois que c’est juste un grand plaisir, d’avoir pu toucher un groupe de gens comme vous. J’étais à cette Convention à Columbus [1], et il m’est simplement venu à l’esprit — et je l’ai dit aux gens avec qui j’étais — que je n’ai pas de fans stupides ! Tous ceux qui aiment mes bricoles sont des gens très intelligents, ce qui fait que... eh bien, ça me donne un motif de fierté ou quelque chose comme ça. Mais bon, j'apprécie l’intérêt que vous me portez. Je ne peux pas parler de gratitude car ce n’est pas le mot juste. Merci à tous ! Chuck : J’ai une question qui se rattache à certaines choses que vous avez évoquées, quand vous parliez de vos premiers écrits. Je me demande si vous pourriez nous parler des relations entre écrivains et éditeurs. Jack : En général, les éditeurs sont des écrivains frustrés. Non, en réfléchissant mieux, c’est faux : ce sont des hommes d’affaires. Il y en a certains avec qui je m’entendais bien, et d’autres, comme John [W] Campbell, qui ne pouvaient pas me sentir… Même si ce n’est pas tout à fait vrai : dès que j’écrivais une histoire comportant de la télépathie ou quelque chose du même genre, il l’achetait. Campbell était tellement passionné par des choses comme la télépathie, la télékinésie, les perceptions extrasensorielles de toutes sortes. Il s’y intéressait, et moi aussi, en fait… mais je savais que j’arriverais toujours à lui vendre quelque chose, du moment que j’y mettais un truc de ce genre. Quelques-unes de mes plus mauvaises histoires—du travail d’écrivaillon, le pire que j’ai écrit—je les lui ai vendues : il adorait ça. Mais en général, la relation entre écrivain et éditeur dépend des individus. C’est personnel. Je n’ai pas de théorie générale. John V. : Pour en revenir à la télékinésie et ces choses-là, tu as dit que tu t’y intéressais : est-ce que ça veut dire que tu y crois ? Jack : En général, je suis sceptique sur ces sujets. Et puis, bien sûr, je tombe sur quelque chose, je lis quelque chose quelque part…comme ce livre que j’ai lu récemment, par John Edward— c’est un médium ou quelque chose comme ça—il est tellement terre-à-terre sur le fait qu’il parle aux morts, il en parle d’une façon si détachée, comme un mécanicien qui répare une voiture, qu’on est obligé de se gratter la tête en se disant « bon sang ! qu’est-ce qui se passe, là ? » Généralement, je suis sceptique. Je n’ai vécu aucune expérience personnelle, et je ne connais personne qui en ait eu, et qui n’ait pas menti en me la racontant. Je suis sceptique dans ces domaines—j’y croirai quand je le verrai. John V. : J’ai l’impression que tu es « sceptique, mais fasciné par les possibilités ». Jack : Tout à fait ça. Je suis fasciné par ces choses ! Il y a un livre qui s’appelle « Fantômes dans des Demeures Irlandaises », par un certain James Reynolds. C’est un livre merveilleux. Quand nous étions en Irlande, je me suis mis à la recherche de ces maisons, et je n’en ai trouvé aucune. Nous sommes allés dans une université là-bas, j’y ai rencontré un professeur d’anthropologie, et j’ai discuté avec lui. Je pensais qu’il était au courant de ces affaires. Ca montre bien quel imbécile je suis ! Je me suis approché de lui, et j’ai demandé : « Monsieur, quelle est votre expérience des fantômes dans les demeures irlandaises, telles que James Reynolds les décrit dans son livre ? » Il m’a lancé un regard de profond mépris, et m’a dit : «Il n’existe rien de tel en Irlande ! » Il était tellement méprisant sur cette idée que les Irlandais voient des fantômes partout, que je suis ressorti piteusement, avec la queue entre les jambes… Je n’ai vu aucun fantôme en Irlande. Comme John l’a dit, je suis sceptique, mais fasciné par toutes ces choses. C’est l’aspect romanesque de ces idées—le romanesque des maisons hantées, et les châteaux, et les spectres—voilà des choses qui enflamment l’imagination ! Ed : Vous avez parlé d’atmosphère, et je voulais poser une question spécifique à ce sujet, en termes aquatiques… J’ai l’impression que vous avez passé pas mal de temps près d’estuaires : vous avez des marais, des étendues de boue [2], des auberges sur les quais. J’aimerais connaître les sources de tout ceci dans vos écrits. Jack : Je suis né à San Francisco. Quand j’ai eu six ans, ma famille a déménagé pour s’installer dans la propriété de mon grand-père, dans le Delta, là où la rivière Sacramento et la rivière San Joaquin se divisent en de multiples canaux, connus localement sous le nom de « sloughs ». Quelques-uns de ces « sloughs » sont absolument magnifiques, bordés d’arbres à coton et de saules pleureurs. Notre maison était située juste à côté d’un de ces cours d’eau. J’ai grandi au milieu des « sloughs », en nageant, en faisant du bateau et en m’y baladant. Plus tard, Poul Anderson et Frank Herbert (bien qu’il ait abandonné en cours de route) et moi-même, nous avons construit un houseboat, 14 pieds de large et 32 pieds de long, nous l’avons mis à l’eau dans ces canaux, et nous avons fait des croisières dans la région. C’est une des grandes périodes de ma vie, quand j’y pense, on s’est tellement amusés à bord de ce sacré bateau. On le sortait le week-end. J’avais installé un moteur de hors-bord de 25 chevaux, et on mouillait l’ancre quelque part, on riait et on blaguait, on buvait de la bière et on jouait de la musique, pendant que les dames préparaient le dîner à l’intérieur. Mais bon. J’ai grandi au milieu de ces canaux, et j’ai pour eux un amour profond. Joel : J’ai une question plutôt idiote, mais je vais la poser quand même. Jack : Je ferai une réponse idiote. Joel : D’accord ! Si les magnats du cinéma vous contactaient, par exemple les frères Cohen, Scorsese, Peter Jackson — lequel de vos livres leur proposeriez-vous comme meilleur choix pour faire un film de 2 heures ? Jack : Hum… Je ne sais pas… Je dirais — ce n’est pas que je connaisse grand chose au cinéma — il me semble que la série Lyonesse serait idéale pour des gens comme Disney, mais personne ne s’y est encore vraiment intéressé. Peut-être que Trullion serait bien ? Ed : J’aimerais voir ça en film ! Jack : Il y en a peut-être d’autres. Emphyrio ? Je n’y ai jamais vraiment réfléchi. J’ai écrit une histoire à suspense, Méchant Garçon, qui a été achetée pour en faire un téléfilm. Des gens ont voulu le refaire et le refaire. Ca a donné un bon film. Il y a une autre histoire, que j’avais baptisée Chateau d’If [3], mais que l’éditeur a appelée « New Bodies For Old ». Celle-là aussi a été vendue, et on en a fait un film pour la télé. John V. : Papa, tu es sûr qu’on en a vraiment fait quelque chose, ou c’était simplement une prise d’option? Jack : Je ne suis pas sûr… John V. : On s’est fait avoir sur ce genre de truc il y a deux ans, parce que c’était seulement une option qui avait été vendue. Quelqu’un nous a contactés, nous proposant une somme d’argent qui aurait été vraiment formidable, mais il s’est trouvé que l’option avait déjà été vendue pour 500 $, quelque chose comme ça, il y a plusieurs années… Jack : Je ne sais pas, tu as sans doute raison. Jeremy : En parlant de Lyonesse, si on compare avec les autres histoires dans le genre « fantasy », on y décèle une érudition à propos du folklore, le folklore Irlandais et Britannique, et celui de l’Europe du Nord. Est-ce que tu as un commentaire à faire là-dessus ? Jack : Quelle est la question ? Jeremy : Eh bien, je me demandais si tu pouvais nous parler plus spécialement de folklore. Jack : Oui, bien sûr, j’ai assimilé les contes de fées toute ma vie—Lord Dunsany et d’autres du même genre. Ils font partie de mon arrière-plan mental. C’est une question d’esprit romanesque : les fées sont des petites créatures romanesques. Je ne crois pas aux fées, mais elles constituent de délicieux petits éléments décoratifs. Ce serait bien si elles existaient vraiment, mais je ne m’attends pas vraiment à en trouver assises dehors sous l’eucalyptus. Je ne sais pas si ça répond à la question ou non. Je dirai ceci : j’aimais beaucoup plus Lord Dunsany quand j’étais jeune, que maintenant. Aujourd’hui, je trouve son écriture trop chargée, trop riche, trop émotive, trop sentimentale. Mais la première fois que je l’ai lu, il a eu un grand impact sur moi. Dunsany, en passant, qui écrivait tous ces trucs délicats et magnifiques, était un chasseur de gros gibier! Dans son château en Irlande, vous verrez un peu partout des têtes de bisons, de lions et de tigres. C’est difficile de concilier l’image de Dunsany tuant tous ces animaux, et écrivant ces histoires si délicates. Sic transit gloria mundi… Chuck : Un des aspects qui m’ont frappé dans vos romans est votre sens aigu de l’observation de la société et de la culture. Je me demande si vous seriez d’accord pour dire que la Californie a toujours été perçue comme étant fondamentalement différente du reste du pays ? Jack : C’est une question compliquée. La Californie est une région tellement variée : là-haut dans le Nord, il n’y a que de la forêt, et un ou deux volcans, tandis que dans le Sud nous avons le désert du Mojave, et la Vallée de la Mort, et puis Los Angeles, San Diego tout en bas — un lieu de retraite ravissant pour les personnes âgées. Et il y a San Francisco, un lieu de perdition… Ed : Et aussi le Comté de San Rodrigo [4], quelque part… Jack : Le Comté de San Rodrigo est un amalgame d’endroits où j’ai grandi : le Comté de San Joaquin, et d’autres comtés plus petits, plus bas au sud. C’est un comté composite, mais généralement fidèle pour ce qui concerne l’atmosphère de ces comtés, comme ça pouvait être il y a 30 ou 40 ans—pas comme maintenant, bien sûr. Mais la Californie, comme je le disais, est une région tellement variée. Quand Raymond Chandler écrit sur Los Angeles, on dirait que c’est une île au milieu de l’univers. Je ne vois pas qui d’autre peut écrire comme ça sur Los Angeles. C’est maintenant une ville complètement différente de ce qu’elle a été. Aujourd’hui, c’est une chose en soi, un « sui generis » idiosyncratique, pour utiliser une expression à dix balles. Il y a beaucoup de bons groupes de jazz à San Francisco : le Lu Watters Jazz Band… et puis il y a un groupe qui vient de Los Angeles, ils s’appelle le South Frisco Jazz Band— Mais pour répondre à votre question, je dirais que la Californie est bien trop bigrement complexe pour qu’on puisse généraliser. Naturellement, maintenant, nous essayons de nous débarrasser de Gray Davis— nous sommes envahis par les Démocrates, ici !… Question suivante ? Ed : Je suis content qu’on ait évoqué Méchant Garçon, parce que le film qui en a été tiré était vraiment pas mal, je l’ai vu deux fois. Mais ils ont dû édulcorer un peu l’histoire : dans le film, Ronald est arrêté à temps, mais pas dans votre livre. On y trouve une sorte de qualité «Contes de Grimm », un certain ton—une « distanciation » ou un « détachement » quand quelque chose de mal se produit, et que ça reste impuni. Une de vos scènes les plus frappantes est celle où Cugel tue cette innocente petite créature aquatique, pour le seul crime de l’avoir éclaboussé. Ou quand la fée Twisk est enchaînée au poteau au bord de la route, etc. Jack : Oui, ces choses-là doivent être traitées avec objectivité. J’essaie de décrire les événements sans avoir recours à des adjectifs ou des adverbes émotionnels, seulement des noms et des verbes. Si vous essayez d’ajouter trop d’impact, vous n’obtenez pas l’effet recherché. On obtient cet effet en détaillant uniquement les circonstances, sans y ajouter de commentaires. C’est un truc qui marche, c’est assez simple. Un des secrets pour écrire, à mon avis, c’est qu’à chaque fois que vous voyez un adjectif ou un adverbe, débarrassez-vous de ce satané lascar. Evitez-les autant que possible. Ca rend le texte bien plus mordant. Ed : Vous ne portez aucun jugement, vous exposez simplement les faits. Jack : C’est ça—il suffit de dire les choses comme elles sont. Joel : L’absence d’éléments sentimentaux dans l’histoire la rend plus efficace. Les films des frères Cohen partagent un peu cette approche. Ils comportent des choses assez vilaines, mais elles ne sont pas idéalisées, on ne vous les flanque pas à la figure… Ed : Elles ne sont pas assaisonnées de sentiments…
Joel :
Exact, elles sont juste décrites. Jack : Je démarre avec une idée générale, mais à mesure que j’avance je dois revenir en arrière, et donner une sorte de cohérence à l’ensemble. N’importe lequel d’entre vous ferait la même chose—vous commencez avec une idée, et vous essayez de terminer ça de la meilleure façon possible. John V. : Quelle est, en gros, la longueur d’un de tes synopsis ? Jack : Oh, je ne sais pas, ça dépend beaucoup…certaines parties peuvent être détaillées, si j’ai envie de cristalliser une idée, et alors je mets un paragraphe ou quelque chose. Mais en général, pas de synopsis détaillé, en fait. Joel : Vous travaillez sur quelque chose en ce moment ? Jack : Oui, je travaille sur quelque chose en ce moment, mais ce n’est pas une suite de Lurulu ou Escales dans les Etoiles. C’est une nouvelle histoire, une nouvelle idée. Joel : J’imagine qu’on ne peut pas vous demander de quoi il s’agit, mais qu’il faut se contenter d’attendre ? Jack : Exact, vous allez devoir attendre et vous verrez ! Brian : Il y a un personnage dans vos livres que j’ai toujours trouvé très intéressant : Kirdy Wook, dans Araminta Station. Je pense que c’est un de vos personnages les plus tragiques. J’ai beaucoup de mal à lire le livre à cause de ce qui lui arrive, et la façon dont il réagit. Je me demande si vous avez des commentaires sur la façon dont il vous est venu ? Jack : Non, je n’ai pas de commentaires à faire, si ce n’est qu’il est tout simplement apparu, et que je l’ai vu dans son intégralité, et qu’il s’est comporté comme ça dans l’histoire. Je ne suis pas intervenu dans son comportement, il s’est conduit tout seul. Ca peut paraître une façon un peu « littéraire » de dire les choses, je ne le dis pas comme ces auteurs imbus d’eux-mêmes, comme « mes personnages vivent leur propre vie » et tout ce bazar. Mais je n’ai pas du tout recouru à des moyens artificiels pour le guider. John V. : Papa, est-ce qu’il se pourrait qu’un de tes frères ait eu une influence sur ce personnage ? Il y a quelque chose en lui qui me rappelle un petit peu un de tes frères. Jack : Non—il ne ressemble à aucun des deux. Brian : Juste du point de vue de mes expériences personnelles, il m’évoque quelque chose : j’ai connu des gens à qui il est arrivé la même chose, et il m’a toujours fasciné. Jack : Bon, à part ce que j’ai déjà dit, je n’ai rien à ajouter sur Kirdy Wook. Il était là. Chuck : Un des thèmes que je trouve intéressants dans vos livres concerne le type de méchant mégalomane, qui se considère comme au-dessus de la mêlée de l’humanité, des gens comme Howard Alan Treesong, ou Faurence Dacre, ou Paul Gunther. Jack : Si vous regardez bien, en général, ces gens sont concentrés dans la série des Princes Démons. Chacune de ces histoires nécessite d’avoir un méchant (au fait, « Princes Démons » n’est pas le titre de mon choix, c’est quelqu’un d’autre qui l’a appelée comme ça). Mais ils sont tous différents, et je pense qu’ils s’améliorent au fil de la série. Je n’aime pas trop les deux premiers, je pense qu’ils ne sont pas trop mal, mais Le Palais de l’Amour et les deux suivants, Le Visage et Le Livre des Rêves—j’aime ces trois derniers livres. Chuck : Ma foi, je n’avais pas pensé aux autres Princes Démons, à part Treesong, mais à « Le Tour de Freitzke », le Docteur Faurence Dacre. Jack : C’est juste un méchant, mais pas un effroyable criminel dément. A dire vrai, j’ai oublié l’histoire… Chuck : Un autre cas où le personnage décide qu’il est un individu à part dans l’univers, et que l’univers doit se modeler à ses propres besoins, c’est celui de Paul Gunther, dans Lily Street. Jack : Ah oui. C’était à l’époque où le monde était encore jeune, quand j’ai écrit ça. Du temps où les beatniks étaient des beatniks ! C’était avant les hippies—les beatniks étaient au pouvoir. Vous vous souvenez ? Jeremy : Je remarque qu’il y a un lien commun entre un grand nombre de vos méchants : ce sont des gens incompris qui ont tendance à être très imaginatifs, et qui ont un monde intérieur fantastique très élaboré, qu’ils extériorisent dans certains cas—comme Viole Falushe. Jack : Oui, c’est exact.
Jeremy : Et j’observe que même dans Méchant Garçon, il y a ce monde intérieur très créatif, très détaillé. Ils ont tous tendance à avoir ça. Jack : Je pense que ça les rend plus intéressants, plutôt que d’être simplement des types du genre de Joseph Staline. Naturellement, je ne sais pas comment était Joseph Staline, il avait peut-être beaucoup d’imagination, pour autant que je sache… Chuck : Ceci nous amène à ma question suivante, qui est : est-ce que ce genre de personnage s’appuie sur une personne réelle ? Jack : Non, c’est juste un moyen d’imaginer des choses vraiment déplaisantes. Nous sommes tous capables de faire la même chose—chacun d’entre vous, là, si vous vous asseyiez pour écrire un livre sur quelque chose de déplaisant, vous trouveriez une variété différente de méchant, ou de méchante, mais ce serait toujours plus ou moins la même méthode que la mienne : vous imaginez simplement comment la personne fonctionne, et pourquoi elle se considère comme différente des autres, et qu’est-ce qui est à l’origine de cette attitude. Je cherche seulement à rendre le méchant plus intéressant. Chuck : A votre avis, pourquoi avez-vous apparemment si peu de lectrices, et parallèlement, si peu de femmes bénévoles dans le Projet VIE ? Jack : Je n’en ai pas la moindre idée ! Je me considère comme un grand homme à femmes, bien sûr, mais ça n’a pas l’air de mener à grand chose : je n’arrive pas à les attirer ! J’aimerais connaître le secret… Je lis beaucoup de romans policiers, et c’est bizarre, quand j’en trouve un écrit par une femme, avec une femme détective, traitant de problèmes féminins, je le repose immédiatement, parce que je sais que ces livres sont faits pour des femmes d’âge mûr, vieillissantes, assises chez elles en train de lire des livres de dames. Il y a bien sûr quelques excellents femmes écrivains. En fait, un de mes auteurs favoris, sinon le préféré d’entre tous, est M.C. Beaton, que je tiens à vous recommander, les gars. C’est un merveilleux écrivain. Pour ceux qui ne la connaissent pas, elle écrit à propos d’une petite ville, Lochdubh, sur la côte d’Ecosse. Son détective, Hamish Macbeth, est un personnage épatant. Et Priscilla, la femme qu’il aime, forme un magnifique contrepoint avec lui. En fait, toutes ses histoires, toute son œuvre, tout est bien. Elle a une autre série qui s’intitule Agatha Raisin, que je n’aime pas autant : je ne trouve pas qu’Agatha Raisin soit un personnage attirant. Il y a bien sûr Ruth Rendell—Barbara Vine est son pseudonyme—qui est un merveilleux écrivain, mais c’est une telle pessimiste : tous ses trucs sont déprimants ! Et pourtant, d’un autre côté, quand elle a affaire à son détective l’Inspecteur Wexford, elle ne fait pas ça. Deborah Crombie écrit bien, aussi. Mais bon, en voilà assez de mes critiques de femmes écrivains. Chuck : Vous avez évoqué la côte Ecossaise, ce qui amène à un autre point que je voulais évoquer : je crois comprendre que vous êtes aussi un fan de bon whisky. Jack : Parfaitement exact. Même de mauvais whisky. Chuck : On peut connaître quelques-unes de vos marques favorites ? Jack : Eh bien, pour parler franchement, j’aimerais être ce que les Français appellent « un fin bec », mais je n’ai pas un bon palais pour les vins. Je me contente parfaitement de piquette. C’est du gâchis de me servir des vins de grand prix. Je les bois tous, et j’arrive à repérer quand c’est du vin particulièrement bon, mais je n’en fais pas toute une histoire. Parlons maintenant des purs malt. J’ai cinq ou six marques différentes à la maison, mais je suis pratiquement incapable de faire la différence entre elles. J’ai hâte de lire cet article dans Cosmopolis [5]. Il y a eu une vente aux enchères, il y a quelques mois, et certains se sont vendus à 4 ou 500 $ la bouteille ! Les Macallans de 50 ans d’âge ont une grande valeur, et d’autres également. Mais je m’en tiens généralement à des bouteilles à 20 $ ou quelque chose comme ça : Glenlivet, etc. Bon ! Y a-t-il encore quelque chose que vous voulez savoir sur mon goût pour le mauvais alcool ? Jeremy : J’avais une question sur les romans policiers. Est-ce que vous avez une opinion sur John Dickson Carr ? Jack : Je trouve que c’est une sorte de frimeur. Il aime se considérer comme un maître de spectacle, et au milieu de ses histoires, je le vois qui s’arrête pour s’adresser au lecteur : « Maintenant, cher lecteur, si vous arrivez à résoudre cette énigme, je vous félicite » ou quelque chose de ce genre. Et je n’aime pas son détective, Dr Fell : il a l’air bidon. Ses idées sont parfois ingénieuses, mais semblent toujours artificielles, et peu convaincantes. En bref, je ne l’aime pas vraiment beaucoup. Ed : Je voulais vous demander, à propos de vos propres romans policiers, une direction que vous avez prise, mais pas autant que d’autres de vos orientations…en particulier les romans de Joe Bain, qui sont formidables. Ils évoquent magnifiquement la Californie. J’ai toujours été curieux de savoir pourquoi vous n’avez pas continué les policiers.
Jack : Parce que, je vais
vous dire— après avoir publié Charmants
Voisins, j’ai fait un synopsis pour un roman intitulé The Genesee Slough Murders[6]
Ed : Moi aussi, j’aime Joe Bain ! J’aime sa boîte de nuit dans la montagne. Jack : Oui, c’était amusant. Ed : Je me demande à ce sujet si les décors du monde réel ne réduisent pas un peu votre palette, particulièrement dans les dialogues. Cette façon ironique de parler, qui établit tellement le ton que nous aimons, y est plus difficile à introduire. Jack : Ma foi, je crois que ça a bien marché. Je n’étais pas mécontent du dialogue. Je trouvais que Joe Bain était un bon personnage, j’aurais aimé pouvoir continuer ces histoires. Il était—je ne vais pas dire « inspiré »—mais il y avait un type qui s’appelait A.B. Cunningham, qui a écrit il y a longtemps à propos d’un certain Shérif Jess Roden, dans le Tennessee. Si vous les trouvez dans une bibliothèque, vous verrez qu’il ne ressemble pas du tout à Joe Bain… Le Shérif Jess Roden a un acolyte, un grand type noir qui se bat à coups de poing avec un méchant dans chaque histoire, il le répand en purée sur le sol à chaque fois—ce sont des livres divertissants. A.B. Cunningham—si je ne me trompe pas, je crois qu’il était Texan. Chuck : Encore une, en vitesse. Quels sont les aspects de votre œuvre qui vous ont donné le plus de satisfaction ? Jack : Recevoir le chèque. Je ne plaisante pas ! Mais pour être un peu moins sardonique, je pourrais dire : écrire le mot « FIN ». John V. : Pendant ma jeunesse, quand je courais un peu partout dans la maison pendant que Papa écrivait, je l’entendais parfois glousser tout haut. Il était très clair qu’il prenait du plaisir à ce qu’il faisait—que l’écrivain passait un bon moment. Ed : En vous cherchant dans vos livres, Jack, j’ai toujours pensé vous trouver dans Navarth. Il y a quelque chose de vrai là-dedans ? Jack : C’est un de mes personnages préférés. Je m’identifie à lui d’une certaine façon, mais je ne me considère pas comme lui, même si j’ai de la sympathie pour lui et pour ses idées. Mais c’est très perspicace de votre part : de tous les personnages que j’ai pu créer, Navarth est le plus proche de moi, même si sa personnalité est complètement différente de la mienne. Mais pourtant, il y a des composants. J’aime aussi la poésie de Navarth. Ed : Je l’adore. Jack : Personne ne parle jamais de ma poésie ! Ed : « Tim R . Mortiss »—un de mes poèmes favoris. Celui-là, et être gavé de vin de grenade au bord de la rivière. Jack : Oui, « Eridu ». C’est un bon poème. Et puis il y a « Song of the Darsh », et un autre dont je me souviens vaguement, même si je ne sais plus où c’est. C’était à propos de poison. Ed : « Underneath My Upas Tree ». Jack : Ca vient d’où, je ne me souviens plus ? Ed : Je crois que c’est dans Le Palais de l’Amour. Jack : Je crois que vous avez raison. Jeremy : Est-ce que vous avez quelque chose à dire sur la poésie en général ?
Jack : Pas en général. Je
ne suis pas un grand passionné de poésie. J’aime bien : Ed : Celui-là, c’est de A.E. Housman. Jack : A.E. Housman ! A Shropshire Lad. Le seul problème, c’est que c’est tellement morbide, tellement déprimant, avec son obsession de la mort, les jeunes gens qui meurent. Pourquoi est-il nécessaire d’être aussi déprimé ? Mais je pense que ce sont les plus beaux vers en langue anglaise. Je ne pense pas que quelqu’un puisse écrire mieux que ça. Quelques-uns de ces vers et limericks [8]sont une véritable forme d’art. Un limerick que j’aime particulièrement :
A curious family is Stein:
Une
drôle de famille, la famille Stein : Un autre limerick qui est bien :
Hurrah
for Madam Lupescu,
Hourrah pour Madame
Lupescu, Les Anglais sont experts dans l’écriture de ces limericks, ils sont vraiment sacrément forts ! la suite Dimanche 3 août 2003 .... [1] Voir la traduction du reportage écrit par David B. Williams pour Cosmopolis #39, ‘Ca m’est vraiment arrivé’, sur cette Convention et ses échanges avec Jack. (NDT) [2] "mudflats", en anglais. Le terme technique français précis est ‘laisse’, mais c’est du vocabulaire tellement spécialisé que j’ai préféré une expression plus approximative, certes, mais plus compréhensible aussi ! (NDT)
[3] En français dans le texte. C’est ce titre original qui
est repris dans la collection VIE, comme pour tous les autres cas où Jack n’avait pu obtenir des éditeurs qu’ils
respectent son choix de titre ! Dans le cas présent, le titre choisi
par l’éditeur, que Jack évoque,
signifie : ‘Nouveaux corps en remplacement
des anciens’. Un titre idiot, parce qu’il dévoile d’emblée le ressort du
mystère…(NDT) [4] San Rodrigo County : c’est là que se déroulent les deux romans dont le personnage principal est le shérif Joe Baine. (NDT) [5] Chuck (Charles) King, un grand amateur de whisky et de whiskey, a écrit une série d’articles sur ce sujet inépuisable, parsemés de citations Vanciennes, comme il se doit…Cf. les numéros 33, 34 et 35. (NDT) [6]Ce synopsis a été retrouvé par l'équipe VIE, et sera publié dans le Volume 44, qui regroupe entre autres des inachevés et autres documents de grand intérêt pour les fans… (NDT)
[7] La poésie est ce qu’il y a de plus intraduisible… Voici
simplement la signification du texte, qui ne saurait en rendre tout le parfum
:
[8] Limerick : une forme littéraire très anglo-saxonne, avec une construction très formalisée, se prêtant à d’infinies variations. Généralement un peu scabreux, quand ce n’est pas franchement obscène… Mais il y en a de plus innocents, ou au moins en apparence (comme le deuxième que cite Jack…). Je m’arrête là, je pourrais écrire tout un article si je ne me retenais pas ! (NDT) |