raisonnées (ou bien irraisonnées ) de romans de Jack Vance :

Mes conseils critiques de lecture

Tout d'abord, les critiques des deux derniers romans de Vance par Pascal Patoz, extrait du site sur Noosfére "Icarus:Encyclopédie de l'Imaginaire"  , site dédié à la SF , que je recommande vivement, avec tous mes remerciements pour son aimable autorisation ainsi que Fred Beurg puis la critique d'Antoine Bordier sur "La Mémoire des Etoiles".

Escales dans les Etoiles (Rivages Fantasy - 1998)

Vance:Escales dans les étoiles 

A 82 ans, Jack Vance nous offre avec Escales dans les étoiles une sorte de fantaisie sans prétention, qui s'apparente davantage à un auto-pastiche, dans lequel nous retrouvons la plupart de ses thèmes favoris, qu'à un roman à part entière.
     Il ne s'agit en effet que d'une succession de saynètes souvent cocasses, et il serait vain d'y chercher le moindre fil conducteur. Ainsi, la figure haute en couleur de la grand-tante disparaît rapidement (et avec elle la quête d'une cure de jouvence), et la place du personnage central (qu'on ne peut appeler un héros) aura elle-même tendance à diminuer au cours de l'histoire. La fin nous laisse certes supposer que l'on peut s'attendre à une suite, où nous retrouverions la grand-tante, mais globalement ce premier épisode nous laisse un peu sur notre faim.
     Malgré cela, il faut reconnaître à ce roman un charme un peu désuet : il aurait sans aucun doute pu être écrit il y a cinquante ans sans qu'on en change une virgule, tellement Vance garde son style sans rien devoir à la science-fiction la plus récente. Aucune morale n'est à tirer des pérégrinations de Myron, l'auteur n'ayant d'autre but que de distraire son lecteur, ce à quoi il parvient fort bien. Il est vrai que nous ne pouvons que jubiler à la description de la planète Dimmick, probablement la plus calamiteuse de l'aire Gaïane, ou lors de la scène de séduction d'une "écorcheuse" qui souhaite littéralement "faire la peau" à son amant, ou encore lors d'une partie de bonneteau où les cartes sont remplacées par de bien séduisantes jeunes filles... Toutes ces scènes sont de petits joyaux qui suffisent à pardonner les faiblesses de l'intrigue.
     Un livre aussi léger n'indique-t-il pas finalement que Vance a réussi, lui, à trouver sa propre fontaine de jouvence ?
Pascal Patoz
 

Mon complément de critique : C'est une pochade ,exactement de l'auto-parodie avec récupérations d'idées au fond du tiroir ,d'ailleurs l'idée générale de départ , Voyage avec ma tante, se trouve déjà être le sujet de "Space Opéra" ,bien meilleur roman. L'ensemble est sympathique à un fan comme moi et rattrape le bouquin précèdent,Vance étant en meilleure forme physique très certainement mais pour 120 Fr... "Qui bene amat,bene castigat"

 
Escales dans les Etoiles
N° 5729  
Ill. : W.Siudmak, Trad. : Arlette Rosenblum ("Ports of Call" - 1998)

Quatriéme de couverture :
Alors que ses parents le destinent à une paisible carrière dans la finance, Myron Tany ne rêve que de voyages interstellaires et d'aventures dans les secteurs les plus reculés de la galaxie. Confié aux bons soins de sa grand tante, dame Hester Lajoie, Myron a enfin l'occasion de prendre les commandes d'un superbe vaisseau spatial.
Le but de l'expédition : trouver la mystérieuse planète où dame Hester pourra profiter d'une cure de jouvence capable de lui rendre sa beauté. Mais les malfaisants guettent Myron et sa grand tante à chaque escale. Et bientôt notre héros devra déchanter : abandonné sur une planète peu avenante dans des conditions pitoyables le voici obligé de continuer seul son périple parmi les étoiles…
 

...On retrouve dans ce roman tout le talent de Jack Vance pour créer des mondes bizarres aux populations non moins étranges. Au gré des escales du vaisseau qui transporte Myron, Jack Vance s’attarde sur tel ou tel situation et nous offre une vision décalé souvent amusante et toujours intérressante.
Cela dit, ce roman n’est peut-être pas le livre idéal pour quelqu’un ne connaissant pas l’auteur. L’intrigue est ici tout à fait secondaire, voire inexistante et le roman ressemble plus à une suite de séquence, l’auteur s’intéressant tour à tour à diverses situations et personnages pour mieux les délaisser plus tard, mais le fan (dont je suis) trouvera malgré tout grand plaisir à ce livre.
 
Frédéric Beurg : Fred SF Web  (allez voir son site sur la SF)
 

 Vance:La mémoire des étoilesLa Mémoire des Etoiles  (Presses Pocket n° 5696 - 1998)

Il y a déjà longtemps que l'appellation "Vance" est quasiment devenu un label de qualité garantissant des aventures interplanétaires, des personnages pittoresques, des cultures exotiques, des curiosités bio-ethnologiques, des considérations sociologiques ou culturelles, et toutes autres bonnes surprises.
Il y a donc tout cela dans ce livre d'assez bon niveau, même s'il ne s'agit pas du meilleur ouvrage de l'auteur... Il faudra en effet avoir lu la moitié du volume pour que l'histoire trouve réellement son rythme. En dehors de quelques intéressantes digressions, la première partie ne fait que nous présenter mollement le personnage principal, qui grandit dans une société où l'arrivisme est la seule motivation, décrite de façon trop superficielle pour être vraiment passionnante.
Il faudra donc attendre le récit de Tawn Maihac pour retrouver le ton alerte du Vance des bons jours. Cette seconde partie introduira en particulier le personnage le plus intéressant du livre, un homme dont la logique a été faussée par de nombreuses années de captivité. Ce personnage n'apparait malheureusement que vers la fin du roman, alors qu'on aurait pu souhaiter que le récit soit davantage centré sur lui.
L'intrigue, assez simple, laisse un peu le lecteur sur sa faim, mais cela reste néanmoins un space-opéra de bonne facture, que le style de l'auteur suffit à rendre agréable.
On notera enfin l'existence chez Pocket d'une postface de Paul Rhoads, qui nous explique que Vance est génial parce qu'il n'est pas un auteur de SF (qui est un genre au sens péjoratif du terme incapable de produire de vrais artistes), et que si le lecteur de SF apprécie Vance, c'est par confusion (ils confondent atmosphère exotique et atmosphère tout court).
Pour Rhoads, impossible d'être plus loin de la SF classique  que Vance, mais par "SF classique" il semble qu'il faille entendre Star Trek...
Etonnant (et irritant)!!
Pascal Patoz
 

Mon complément de critique :
Rivages Fantasy - 1997"La Mémoire des Etoiles" me donne l'impression d'avoir été écrite à 4 mains , c'est-à-dire par 2 personnes différentes à cause des ruptures de ton dans le récit, il faut attendre le chapitre 11 pour retrouver la verve humoristique de Vance qui disparaît aussitôt après la mort des parents adoptifs . En fait , cette première partie n'est intéressante que par ses digressions . A partir de la révélation de l'identité du véritable père, un nouveau roman au scénario plus space-opéra se déroule mais sans punch ni trouvaille mais plutôt une accumulation d'idées déjà exploitées dans des livres précédents, nous somme loin des Princes-Démons,(j'aurais aimé voir Kirth Gersen traiter à sa manière cette histoire de vengeance).
Il y a d'ailleurs une question que je me pose, Vance n'est-il pas meilleur dans la longue nouvelle (100-150 pages) que dans le roman de 450 pages ou les bonnes idées sont délayées mais il faut bien faire plaisir à l'éditeur ? Il m'a fallut m'y reprendre à trois fois pour terminer le roman ce qui est un comble pour un "vancemaniac", il faut dire que parallèlement je relisais les "Cantos d'Hypérion" de Dan Simmons .
La postface de Paul Rhoads est complètement à côté du sujet ou plutôt totalement délibérée , faire passer l'idée que Vance est au dessus de la SF (Startrek,Godzilla pouah !! Vance dixit) que son oeuvre fait partie de la "Littérature" avec un grand L, nostalgie Tolkien peut-être, mais surtout qui reléve du fantasme de nombreux écrivains SF américains des années 50 (je pense entre autres à P.K.Dick ) .

Après quatre ans d'attente, voici enfin un nouveau Jack Vance, Eurêka ! Et comme en plus c'est un excellent opus, peut être pas du tout meilleurs mais bon, Vance est toujours un maître pour décrire des sociétés exotiques, et ce livre nous offre encore une fois une belle ballade.
Frédéric Beurg
 

Une critique d'Antoine Bordier, Vance-maniaque lui aussi, qui me semble trés intéressante.
A vous de juger (05/09/99) .

LA MEMOIRE DES ETOILES :

Ce récent roman a reçu un accueil un peu tiède. Il est vrai qu'il peut sembler fade par rapport aux enchantements de Tshaï ou de Lyonesse.Oeuvre de vieillesse, histoire molle, triste et peu inventive ? Ce n'est peut-être pas le meilleur Vance. Il est vrai qu'on y trouvera peu de réelles nouveautés mais l'auteur y reprend avec bonheur et maturité nombre de thèmes et de motifs qui lui sont chers. Jack Vance, ses personnages et ses décors vieillissent et s'assagissent. Ils y gagnent aussi un solide supplément d'âme et de consistance. Le résultat est un roman peu habituel par rapport au reste de la production de cet auteur...

Les personnages et l'intrigue :
Parmi les reproches souvent fait à Jack Vance, le côté superficiel et terne de ses héros revient souvent.Kirth Gersen est mue par le devoir de vengeance qu'il a reçu en héritage, Cugel est un viveur et une fripouille qui paie lourdement ses inconséquences et ses ruses et tribulations lui tiennent lieu de caractère. Quant à Adam Reith, ses talents et son instinct de survie chevillé au corps servent surtout de faire valoir au véritable héros :le monde de Tschaï...
Qu'en est-il de Jaro Fath et est-il vraiment un héros Vancien ? 
Comme les autres héros Vancien, il est avant tout victime d'une situation. Cet état est particulièrement bien illustré par la scène pathétique et mystérieuse qui marque les premières pages du roman; aussi par les circonstances dramatiques de sa rencontre avec les époux Fath. Dés lors, le ton est donné : son histoire sera une quête de mémoire. Accessoirement le grand mystère du début implique aussi une intriguecomplexe (ce qui dépayse par rapport à d'autres romans Vanciens).Le rythme du roman sera lent : rien de commun entre Jaro et d'autres personnages Vanciens parachutés (parfois au sens propre : Cf. Tschaï) dans l'action : on ne cherche pas sa mémoire et son passé comme Adam Reith cherche un astronef ou Cugel des terces et un bon souper à l'auberge ! La quête sera d'autant retardée par l'étouffant amour des Fath. Le lecteur en vient à se demander comment Vance va-t-il débarrasser son héros de ces parents adoptifs dégoulinants de bonnes intentions et de soucis de bien faire. Il y parvient, par un coup de théâtre magistral qui a lui seul justifie quelques onze chapitres d'attente ! Une attente que l'auteur met à profit pour camper une de ces mordantes satires sociales dont il a le secret...

Satire, décors et accessoires :
Jack Vance s'est défendu de vouloir donner dans l'idéologie et la politique à travers ses romans. Rares sont pourtant ses livres qui ne contiennent pas une bonne dose de sociologie satirique. Il met à profit la première partie de la Mémoire des Etoiles pour s'en prendre à l'arrivisme érigé en principe social. Les habitants de Galingale usent leur énergie à s'élever dans la société, montant de club en club avec l'espoir (rarement satisfait) d'accéder un jour aux "Sempiternels" (l'aristocratie locale). Le héros et ses parents adoptifs ne jouant pas le jeu sont qualifiés de "nimps" avec toutes les connotations de mollesse et d'associabilité que recouvre ce terme expressif... Les clubs au goût très british se voient affubler de noms plus ou moins cocasses ("Poulets Malades", "Mauvais garçons", "Quadraturés") dont leur membres tirent une grande fierté (et Vance de prendre un malin plaisir à ridiculiser le mythe du statut social et l'archètype du parvenu...)Pour le reste, la société de Galingale est relativement paisible voir fade : vie culturelle, université, vie urbaine et retraite champêtre,promoteurs aux dents longues et petites affaires. On sera gré à l'auteur de ménager un havre de jeunesse à son héros, après le traumatisme du début et la suite... Il serait pourtant difficile de se souvenir qu'il s'agit d'un décor de science-fiction, s'il n'y avait la présence en ville d'un port spatial (et Jack Vance de se livrer ici à l'un de ses exercices favoris : convertir l'un des clichés phares de la science-fiction, le vaisseau spatial, en bien de consommation !)

L'élucidation :
Le ton change radicalement avec le retour de l'ailleurs : le voyage dans l'espace vers les autres mondes. Les amateurs d'exotisme ne seront sans doute pas fachés de quitter l'ennuyeuse planète Galingale...
Skirlet, qui va devenir l'amie du héros (après s'être comportée en héroïne typiquement Vancienne faisant tout pour se rendre insupportable) nous livre un petit intermède policier doux-amer que n'aurait pas renié Magnus Ridolph ou Miro Hetzel. On retiendra encore la piquante évocation du monde natal de sa mère : la planète Marmone ne manquera pas d'éveiller des souvenirs chez les lecteurs de "La Planète Géante" (plus particulièrement, l'évocation de Kirstendale). En ce qui me concerne, j'ai noté une évolution du style vancien. Les "lointains" jadis suggérés par un simple nom bien sonnant où une brève anecdote, sont désormais prétextes à de véritables petits récits dans le récit, ce qui enchantera le lecteur décidé à meubler sa carte de l'aire Gaïane...Le véritable tournant du roman est bien entendu le dernier voyage des époux Fath. J'éviterai de trop déflorer le sujet mais on lira dans ce chapitre l'évocation d'une culture vouant un culte au suicide spectaculaire (Cf. Les Yao dans le cycle de Tshaï), le tableau d'un colloque scientifique (Cf. l'assemblée des magiciens dans Rhialto le Merveilleux) des plus cocasses (inoubliable rhétorique vancienne ou l'art de s'insulter et de se ridiculiser entre gens de bonne compagnie !) pour finir dans l'apothéose d'un coup de théâtre que je considère comme un modèle du genre (que celui qui l'avait "vu venir" me jette la première pierre !).
Le héros a désormais les mains libres pour mener à bien sa quête (pas trop tôt diront les impatients !). La réapparition du père de Jaro est l'occasion pour fournir une quasi-élucidation du mystère. Le récit de Tawn Maihac, bien que picaresque à souhait, est un tantinet frustrant. Le sinistre et obsédant souvenir de Jaro quant à la mort de sa mère laisse place à une tristement banale affaire de concurrence commerciale. On se rattrapera sur l'évocation flamboyante de la société du monde de Fader. Après la très arriviste Gallingale, voici l'aristocratique et décadente Romarth.
Le "vieux Romarth", un nom qui évoquera quelque souvenir auprès des voyageurs expérimentés de la Terre Mourante... Ce n'est d'ailleurs pas le seul point commun entre ces deux univers Vanciens . Fader, ses habitants désabusés et ses créatures semi-humaines déchues qui hantent les landes et les ruines ressemblent étrangement au pays de Cugel et Rhialto.Jack Vance en profite pour effleurer le vaste sujet des manipulations génétiques mal maîtrisées et après quelques péripéties introduit un double du héros : son frère jumeau au jugement faussé et perverti par les circonstances pathétiques de son enfermement. Il expédie hélas la fin du roman à l'instant même où l'on eut aimé bien des développements.Il se débarrasse rapidement d'un frère jumeau visiblement trop encombrant (la psychologie n'est pas son fort, encore moins la psychiatrie). Une fin en forme de pied de nez qui est hélas une des plus sinistre qui soit : l'exacte anti-thèse du "Tour en Thaery". Si dans ce dernier roman l'on voyait Jubal Droad lutter (et triompher) contre la transformation de son pays en usine à touristes, n'en attendez pas tant de la Mémoire des Etoiles.
Je verse une larme sur le lamentable destin de la Noble Romarth...
 
Antoine Bordier
 

Si vous désirez critiquer un ouvrage , n'hésitez pas , écrivez-moi .

Accueil   /   Menu

© Jacques Garin 1998-2005