|
Questions
pour Jack Vance par Patrick Dusoulier Patrick
est "Principal Editor" dans le projet VIE, et
un admirable DFV (Dévoué Fan Vancien) de longue date...Avec tous mes remerciements.
3e
partie
14) MECHANT
GARCON: POURQUOI?
Question posée par Matt Hughes: Le
livre est bien fait, mais le personnage et les circonstances sont
repoussants. Ce qui m’intéresse, c’est que Méchant Garçon est tellement
différent des autres romans de Vance. Quelle est son origine ? Pourquoi
a-t-il été écrit ? Ce que je voudrais surtout savoir, c’est ce que
Jack pense de son livre et du personnage.
Réponse de Jack : Méchant Garçon a été créé par un
processus indirect. J’avais lu dans un journal, ou quelque part,
l’histoire d’une mère qui avait séquestré son enfant dans une maison,
pour une raison ou pour une autre, pendant très longtemps. Et d’y
penser, c’était horriblement fascinant, une idée fascinante… Et
je me suis simplement dit que ce serait un bon thème pour une histoire
d’horreur… J’ai juste pensé que je pourrais essayer, voir comment
ça prendrait forme… Alors je m’y suis mis, j’ai simplement essayé
de l’écrire sans trop d’effets dramatiques, sans trop de détails,
pas de détails sanglants, juste de façon simple. Autrement dit,
je ne cherchais pas à choquer trop de gens, j’expliquais seulement
ce que je considérais comme une situation fascinante, même si elle
était horrible. Et je trouve que l’histoire s’est avérée être pas
trop mauvaise, même si elle est vraiment répugnante.
Je crois que le roman a eu du succès. Quant au personnage, je
suis sans passion à son égard. Je reste distant de tous mes personnages.
Je m’en sers seulement comme d’un moyen pour parvenir à mes fins.
Je n’ai aucun sentiment de haine ou de passion vis-à-vis de Ronald
; naturellement, j’éprouve de la tristesse pour le sort des jeunes
filles, mais c’est pour ça qu’on appelle ça une histoire d’horreur.

15) BARSOOM ET TSCHAI
Question posée par Dan Gunter : Les
romans de Tschai me semblent avoir quelques similarités avec les
romans du Cycle de Mars écrits par Edgar Rice Burroughs (Une Princesse
de Mars, etc.) Aviez-vous lu ces romans, ou d’autres dans le même
genre « d’aventure interplanétaire », quand vous avez commencé à
écrire la série Tschai ? Si oui, que pensez-vous des romans du Cycle
de Mars, ou d’autres du même genre ? Si vous étiez effectivement
familier avec ces « aventures interplanétaires » : certains des
événements décrits dans les romans de Tschai sont considérablement
différents de la formule de base qu’on trouve pour Barsoom ou autres.
Par exemple, Burroughs n’aurait jamais permis que Dejah Thoris meure
; par contraste, Ylin Ylan, la Fleur de Cath, meurt assez prématurément
dans Le Wankh, et Reith n’a pas d’autre relation amoureuse avant
Le Pnume. Vous êtes-vous délibérément écarté de la formule, ou bien
avez-vous simplement écrit l’histoire comme vous le sentiez ?
Réponse de Jack : Ma mère
était accro de « fantasy » ; en 1915, quand Tarzan est apparu pour
la première fois dans le magazine « Blue
Book », la population de San Francisco, m’a-t-elle raconté,
toutes les dames se murmuraient les unes aux autres qu’il y avait
cette merveilleuse nouvelle histoire, et aussitôt tout le monde
s’est mis à lire Tarzan dans Blue Book1.
Même avant ça, ma mère avait beaucoup d’attirance pour les histoires
de fantasy. Elle avait les livres de Robert
Chambers2 : “Maker
of the Moons”, “Tracer
of Lost Persons”, “The
King in Yellow”, peut-être d’autres encore, et quand
nous avons déménagé de San Francisco pour aller à la campagne, j’avais
six ans, et elle a emporté tous ces livres avec elle… Elle n’avait
pas la série de Barsoom, seulement Tarzan, en fait seulement le
premier volume, « Tarzan l’Homme Singe », mais j’ai lu Tarzan et
j’étais complètement fasciné, je me suis procuré tous les autres
livres à la bibliothèque. Barsoom,
je trouvais ça merveilleux. Burroughs3
avait le chic pour créer cette atmosphère merveilleuse. L’atmosphère
« Barsoomienne
» qu’il a créée ne m’a jamais quitté. Burroughs, comment dirais-je,
on peut critiquer certaines de ses idées, il était… bon, je ne vais
pas en faire la critique, mais il y a une chose qu’il savait faire
remarquablement bien, c’était de créer une ambiance. Et l’ambiance
de Barsoom est entrée en moi quand j’avais 7 ou 8 ans, et ne m’a
jamais quitté. Je n’avais nullement l’intention d’imiter les
romans du Cycle de Mars dans Tschai ; je n’y pensais même pas quand
je les ai écrits. C’est complètement à part, complètement nouveau.
La mort de qui donc, déjà …? était juste une astuce de scénario.
Ca me permettait aussi de développer une vision de la culture de
Cath, ces situations bizarres… Du point de vue de l’histoire, je
ne voulais pas que Reith se retrouve encombré d’une petite amie
pendant tous les romans suivants… En fin de compte, je lui ai
refilé cette fille Pnume assez inattendue, dont déjà à l’époque
je trouvais qu’elle était un peu irréelle, et improbable, mais j’ai
décidé de m’y tenir quand même… Si les lecteurs pensent que c’est
un peu étrange qu’il s’attache à quelqu’un provenant d’un milieu
sociologique complètement étranger, hé bien… je suis d’accord !
[Jack éclate de rire] Mais j’ai décidé de tenter le coup. Ainsi
vont les choses.

16) LA THEORIE DU BIG BANG
Question posée par Kilo Volt : Pour
la plupart d’entre nous, il est clair que vous ne tenez pas la théorie
du Big Bang en grande estime, même si de récentes observations du
rayonnement cosmique, et du profil de ses infimes variations,
semblent plaider en sa faveur. Quelles sont les raisons de vos différences
d’opinion, et quel scénario plus plausible envisagez-vous ?
Réponse de Jack : Voici mes raisons pour ne pas avaler
cette théorie totalement, comme un saumon qui avalerait un morceau
d’insecte : autant que je puisse voir, la chose a été démarrée par
des gens qui essayaient d’expliquer le décalage vers le rouge, comme
indiquant la distance et le déplacement des galaxies éloignées ;
et je suis très sceptique sur l’utilisation de ce phénomène en tant
que preuve, car je pense qu’il y a d’autres explications possibles
au décalage vers le rouge, qui pourraient ne pas tenir à l’effet
Doppler. Je n’ai pas de proposition alternative… Le Big Bang
ne me paraît pas être automatiquement correct. Et j’ai l’impression
qu’en ce moment, c’est la convention, tous les scientifiques y adhèrent…
Ils utilisent le rayonnement cosmique comme une preuve.
Ces théories changent, évoluent, tous les 20 ou 30 ans. Dans
cent ans, qui sait quelles idées il y aura sur ce sujet… Il y a
quelqu’un qui découvre que les lois de Newton sur la gravité ne
fonctionnent pas partout de la même façon qu’ici ; elles fonctionnent
différemment dans des galaxies lointaines, pour des raisons inexplicables.
La matière noire, personne ne sait, il n’y a absolument aucun élément
de preuve pour ça… Les scientifiques, de façon un peu trop généreuse
à mon goût, veulent distribuer de la matière à travers l’univers,
juste pour que les galaxies puissent réagir de la façon qu’ils considèrent
comme correcte à l’attraction du champ de gravité. S’ils n’ajoutent
pas de la matière noire, les galaxies ne se comportent pas correctement,
alors ils sont forcés de postuler l’existence de la matière noire…
Je ne vois pas en quoi la théorie du Big Bang serait plus raisonnable
que n’importe quelle autre théorie. Shockley aimait la théorie
des Etats Stables ; il s’y est courageusement tenu, jusqu’à ce que
tout le monde lui tombe dessus, et le fasse changer d’idée… Sa théorie
des Etats Stables a subi quelques déboires de logique, quelques
obstacles, et ils lui ont dit : « ça ne marche pas, cette théorie
n’arrive pas à décoller, Shockley », tu vois le genre. « Bon, d’accord,
puisque vous le dites », et il a changé.
Pour ce qui me concerne, je suis simplement très sceptique. Je
ne nie pas l’existence du Big Bang, je considère simplement qu’il
ne paraît pas particulièrement plausible.

Accueil I Forum I Plan du Site I
Bibliographie
|