Préambule : ceci est une transposition d’un article que j’ai écrit pour le numéro 25 (Avril 2002) de la revue Cosmopolis, la revue mensuelle du Projet VIE. Dans cet article, je relevais quelques-unes des très nombreuses différences entre la version « traditionnelle » de Planète Géante, et la « vraie » version d’origine publiée dans un magazine. Evidemment, toutes les citations étaient en anglais… Je remercie vivement mon cher ami Jacques Garin d’avoir fait le travail colossal de rechercher dans les deux éditions françaises tous ces passages que je citais. Il a même mis les numéros de page… Un travail de bénédictin !
A ce sujet, il y a de temps en temps un petit problème : certaines des différences que je signalais, certaines de ces interventions éditoriales, n’apparaissent pas quand on regarde les traductions françaises… C’est tout simplement que la traduction révisée parue chez Le Bélial n’a pas toujours « collé » exactement au texte… Toutes mes excuses à Pierre-Paul Durastanti, qui est un traducteur remarquable (cf. son Madouc chez Folio SF), si je signale ces écarts. Ce n’est pas une critique de ma part, juste un constat. Je sais que le travail de traducteur n’est pas toujours simple… — Patrick Dusoulier

PLANETE GEANTE ET GRANDS CISEAUX…  

            La plupart d’entre vous, chers Lecteurs, pensez sans doute avoir lu « Planète Géante », un roman écrit par Jack Vance et publié en 1957 dans l’édition ACE, puis traduit en français dans le Galaxie bis n°26 de novembre 1972. Eh bien, j’ai deux nouvelles à vous annoncer… D’abord une mauvaise : vous vous êtes fait avoir! Ce que vous avez lu aurait dû s’appeler « ‘Petite Planète’: roman inspiré d’un texte original* de Jack Vance, tel que publié dans le magazine Startling Stories en Septembre 1952. »

            La bonne nouvelle, maintenant : vous allez pouvoir lire « Planète Complète » dans l’édition VIE, en anglais, et en français dans l’édition Le Bélial parue en 2004 (contenant également l’autre roman de Jack Vance se déroulant sur Planète Géante, à savoir « Les Baladins de la Planète Géante ») Et là, vous en aurez l’intégralité, dans ses détails les plus vifs, les plus colorés, les plus saisissants. Les heureux possesseurs de l’édition américaine Underwood-Miller de 1978 comprendront ce que je veux dire, car c’est la seule édition intégrale jamais parue jusqu’à présent. Pour les autres, j’espère que mon petit article leur donnera une bonne idée de la nature et de l’ampleur du massacre perpétré par l’Editeur ACE.

            A part les interventions éditoriales habituelles concernant la ponctuation et le style, qui sont pratiquement la norme habituelle pour toute l’oeuvre de Vance, l’éditeur de chez ACE semble avoir eu deux préoccupations : réduire la longueur du texte d’origine, et édulcorer son contenu. En remplissant le premier objectif, l’Editeur a réussi à remplir une grande partie du second (et réciproquement), mais il y est également arrivé en réécrivant, en remplaçant, et en affadissant une partie du contenu. Je dois admettre que ce travail a souvent été fait de façon très habile, en faisant bien attention aux détails, et en particulier en conservant une certaine cohérence au texte. Mais dans certains cas, comme vous le verrez, ils ont un peu raté leur coup…

            Au cours de mon travail d’Intégrité Textuelle [restauration de texte avec annotations et commentaires] pour le Projet VIE, j’ai conservé des notes particulières sur ces activités de boucherie éditoriale, en essayant de les classer par catégories. Vous trouverez plusieurs exemples dans cet article…. Mais ATTENTION: ceci pourrait gâcher votre plaisir de découvrir ces remarquables différences par vous-mêmes quand vous aurez la version intégrale entre les mains. Continuez donc de lire, si vous le souhaitez, mais n’allez pas dire que je ne vous ai pas prévenus!

            Juste une explication des abréviations utilisées :

Ace SF double n°295 (1958) couverture de Emsh Illustrations du Startling Stories

ACE/GBIS : il s’agit de la traduction de Galaxie-bis 26 de Novembre 1972, basée sur l’édition en paperback faite par ACE (n°295) en 1957.
SSM/BELI : il s’agit de la traduction des éditions Le Bélial, 2004, basée sur le texte de la parution originale dans Startling Stories de Septembre 1952 (ou du texte qu’Underwood-Miller a publié en 1978 et qui reprenait la version magazine) et sur le texte restauré pour l’Edition VIE, lui-même s’appuyant sur l’édition magazine, mais avec quelques corrections et ajustements suite à des échanges avec la famille Vance.

carte de voeux 2005 (c) Caza

Pas de Sexe!

            C’est bien là le premier genre de censure qu’on pouvait attendre… Commençons par un petit détail : fin du Chapitre II, Nancy veut se joindre au groupe et tente de convaincre Glystra de l’accepter :

ACE/GBIS : Glystra se laissa retomber sur sa couchette en secouant la tête. « Vous ne pouvez pas venir avec nous, Nancy. »
Elle se pencha sur lui. « Dites-leur que je suis un guide. Ne puis-je vous accompagner au moins jusqu’à la forêt ? » (p.23)

SSM/BELI : Glystra se laissa retomber sur sa couchette en secouant la tête. « Vous ne pouvez pas venir avec nous, Nancy. »
Elle se pencha sur lui ; il sentit son souffle sur sa figure, chaud, moite. « Dites-leur que je suis un guide. Ne puis-je vous accompagner au moins jusqu’à la forêt ? » (p.26)

            => Trop « chaud », trop « moite », le souffle, pour ACE… Ce détail de séduction devait être enlevé.

            Dans le même esprit, ACE a supprimé une phrase que je considère comme une remarquable description du désir sexuel à l’état pur : chapitre XIX, Nancy fait son entrée dans le hall de la Fontaine de Myrtevue (Myrtlesee, dans Galaxie-bis), pour y rejoindre le Bajarnum :

ACE/GBIS : Elle s’arrêta un instant sur le seuil, puis traversa lentement la salle, seule femme parmi des centaines d’hommes, un paon parmi des corbeaux. Des yeux la suivirent. (p.179)

SSM/BELI : Elle s’arrêta un instant sur le seuil, puis traversa lentement la salle, seule femme parmi des centaines d’hommes, un paon parmi des corbeaux. Des yeux la suivirent ; des langues humectèrent des lèvres qui avaient prononcé des vœux de célibat.(p.177)

            => des langues qui humectent des lèvres de célibataires…Encore une fois, un peu trop « humide » pour ACE.

            Polygamie et polyandrie devaient sans doute évoquer un peu trop des orgies de groupe, j’imagine. Cette fois-ci, l’Editeur ne s’est pas servi de ses ciseaux, mais de son cerveau… et il a ajusté le texte : chapitre IV, Glystra explique ce qu’est l’expertise de Bishop, « l’étude des cultures »:

ACE/GBIS : Rien qu’en regardant une tête de flèche, il peut vous dire si l’homme qui l’a façonnée portait le nom de son père ou de sa mère. (p.35)

SSM/BELI : Rien qu’en regardant une tête de flèche, il peut vous dire si l’homme qui l’a façonnée avait six femmes ou partageait sa femme avec six hommes. (p.36)

            => ACE aurait pu faire un compromis, et mettre « portait les noms de ses pères ou de ses mères. »!

            ACE a été attentif au moindre détail, et a fait un travail approfondi. Au chapitre VI, le chef des soldats Beaujolains prisonniers exprime ses sentiments anti-Terre :

ACE/GBIS : « Nous préférerions mourir, nous autres du Beaujolais, plutôt que de vivre dans pareil état de dégradation ! » (p.51)

SSM/BELI : « Nous préférerions mourir, nous autres du Beaujolais, plutôt que de nous laisser émasculer ainsi ! » (p.53)

            => « Par les roupettes de mon grand-père! Châtrons plutôt le texte », s’est écrié l’Editeur!

            Nous en arrivons maintenant à la principale modification anti-sexe. Cela se passe dans Kirstendale. Glystra vient juste d’éliminer la fatigue du voyage au milieu de la mousse et des bulles, et il sort de la salle de bain de luxe :

ACE/GBIS : L’homme avait disparu. Une jeune femme présentant une serviette sur ses deux bras tendus lui souriait.
« Je suis votre chambrière. Toutefois, si vous le désirez, je m’en irai. »
Glystra saisit la serviette, s’entortilla dedans. « Donnez-moi mes vêtements. » (p.111)

SSM/BELI : L'homme avait disparu. Une jeune fille présentant une serviette sur ses deux bras tendus lui souriait. Elle portait une courte jupe noire, rien de plus. Elle avait le corps bronzé et bien modelé, les cheveux coiffés en une savante spirale qui lui laissait quelques mèches libres.
« Je suis votre chambrière. Toutefois, si vous me trouvez déplaisante ou indésirable, je m'en irai. »
Elle semblait juger les deux hypothèses fort improbables. Il resta figé durant un bref instant, puis il saisit la serviette, s'entortilla dedans.
« Chacun… heu… reçoit-il de la compagnie ? »
Elle se contenta de hocher la tête.
« Les femmes aussi ? »
Elle réitéra sa mimique. « Afin de vous accueillir avec un plaisir renouvelé lorsque vous repartirez.
- Hem » grommela Glystra. Il s'interrogea sur l'homme qui devait se tenir à l'instant même devant Nancy nue. « Hem. »
Puis, avec une brusquerie et une sévérité qu'il ne faisait guère que feindre, il dit : « Donnez-moi mes vêtements. »

            => Cette réduction radicale dans ACE, cette élimination d’une des « attractions » de Kirstendale, a des conséquences importantes : Glystra est en fait terriblement jaloux, et il pensera plus tard sans arrêt à Nancy et à son « serviteur personnel »; mais ACE a été obligé de supprimer toutes ces références ultérieures. Par exemple :

ACE/GBIS : Glystra se dépêcha de se rendre dans la grande salle, désireux de retrouver Nancy, mais elle n’y était pas encore. Pianza et Elton étaient installés seuls à la grande table, en train de manger du melon rose.
Glystra marmonna un bonjour et s’assit. Peu après, Nancy entra dans la pièce, fraîche, ses yeux bleus brillant, plus belle que Glystra ne l’avait jamais vue. Pendant le petit déjeuner, il essaya de sonder ses pensées. Elle se montra aimable, détachée, froide. (p.114)

SSM/BELI : Glystra se hâta de gagner la grande salle, désireux qu'il était de retrouver Nancy. Comment avait-elle passé la nuit ? La question cognait sous son crâne tel un caillot de sang. Mais la jeune femme n'était pas encore arrivée. Pianza et Corbus, installés seuls à la table, dégustaient du melon rosé en devisant.

«… et je crois que je vais leur échanger Motta contre cette blonde, disait ce dernier. Voilà une sacrée façon de parcourir une planète : une femme dans chaque port ! »
Glystra marmonna un bonjour et s'assit. Peu après, Nancy entra dans la pièce, fraîche, pimpante, ses yeux bleus brillant, plus belle qu'il ne l'avait jamais vue. Il se leva, croisa son regard. Elle le salua d'un signe de tête dégagé, se laissa choir dans le siège face à lui et s'attaqua à la chair rosée du melon.
Il reprit son propre repas. La Planète Géante n'était pas la Terre, il ne pouvait pas juger une de ses habitantes selon les critères terriens… Au cours du petit déjeuner, il s'efforça de sonder ses pensées. Elle se montra aimable, détachée, froide. (p.114)

            => Glystra est complètement obsédé : la question « cogne sous son crâne comme un caillot de sang » !!! Jalousie pathologique… On remarque que la version ACE n’a pas beaucoup de sens, car il n’y a pas vraiment de raison pour que Glystra soit « désireux de retrouver Nancy » (dans le texte anglais, il est plus que « désireux » : il est « anxious », c’est plus fort) dans ce contexte, ni qu’il essaie de « sonder ses pensées ». Quant à la résistance héroïque que Glystra oppose à sa préposée personnelle aux ablutions, on peut se permettre d’avoir quelques doutes : dans la version d’origine, le vin et l’alcool semblent affecter Glystra dans une large mesure (l’alcool est un autre dangereux pas vers le péché et la fornication…). La veille au soir, voici ce qui s’est réellement passé :

ACE/GBIS : La soirée s’acheva. Glystra, tout étourdi par le vin, fut conduit à sa chambre.
Le serviteur du lendemain matin était un jeune homme au visage maigre, qui habilla en silence Glystra après son bain matinal.(p.114)

SSM/BELI : La soirée s'acheva. Étourdi par l'alcool, il fut conduit à sa chambre où l'attendait, pour le dévêtir, la jeune fille qui l'avait aidé à s'habiller. Elle se déplaçait pieds nus, sans bruit, et parlait tout bas tandis qu'elle dégrafait les boucles et défaisait les mille et un lacets, rubans et boutons. Glystra s'assoupissait. Elle avait une voix capiteuse, comme du vin chaud.
Le serviteur du lendemain matin était un jeune homme au visage maigre qui l’habilla sans un mot après le bain matinal.(p.114)

=> Je soupçonne (mais c’est peut-être simplement mon mauvais esprit) que Glystra a été tranquillement violé pendant sa torpeur. Il a quand même dû coopérer, forcément… La version d’origine permet aussi de mieux comprendre pourquoi Glystra hérite d’un « jeune homme au visage maigre » le lendemain de la fête. Ses hôtes ne veulent sans doute pas qu’il se fatigue encore davantage… ou c’est sa chambrière qui est trop fatiguée elle-même… ? Quant au « bain matinal », c’est bien sûr la meilleure méthode quand on a la gueule de bois.

Notez aussi la remarque que fait Corbus à propos de « échanger Motta contre cette blonde »… Ceci nous conduit à un autre exemple de découpage anti-sexe. Au chapitre VIII, les Terriens rencontrent deux jeunes filles (seize ou dix-sept ans…), Motta et Wailie, qui souhaitent devenir esclaves, parce que ce serait une vie moins dure pour elles que leur existence actuelle :

ACE/GBIS : Glystra les regarda sans savoir que décider. S'il se mettait à redresser la situation de tous ceux qu'ils rencontraient, ils n'atteindraient jamais l'Enclave terrienne. Il tourna la tête.
Elton capta son regard. « Une bonne servante me serait utile, » déclara-t-il d'un ton dégagé. « Vous… quel est votre nom ? »
- « Je suis Motta. Elle, c'est Wailie. »
Glystra dit faiblement : « Quelqu'un d'autre ? »
Pianza secoua la tête. Roger Fayne renifla dédaigneusement, se détourna. (p.71)

SSM/BELI : Glystra les toisa, perplexe. S'il jouait les redresseurs de tort pour tous ceux qu'ils rencontraient, jamais l'expédition n'atteindrait l'Enclave. Par contre - une idée furtive -, si les autres hommes de la colonne disposaient de femmes, il aurait le loisir de satisfaire ses propres désirs. Bien sûr, des filles à soldats les ralentiraient, et engendreraient des problèmes d'approvisionnement supplémentaires, sans parler des prises de bec toujours possibles pour des questions de jalousie… Il tourna la tête. Corbus capta son regard, comme s'il devinait ses pensées.
« Une bonne esclave me serait utile, déclara-t-il d'un air dégagé. Toi… comment t'appelles-tu ?
- Motta. Elle, c'est Wailie.
« Quelqu'un d'autre ? » dit Glystra d’une voix éteinte.
Pianza secoua la tête. « Je suis trop vieux. Bien trop vieux. »
Cloyville renifla dédaigneusement, se détourna. (p.73-74)

            => Ce Glystra est bien plus cynique que nous le pensions jusqu’ici : il est prêt à fournir des femmes à ses compagnons, pour « satisfaire ses propres désirs », c’est-à-dire se mettre au lit avec Nancy! Remarquez aussi que ces filles sont plutôt jeunes… A noter également l’euphémisme utilisé par ACE, qui remplace « esclave » par « servante ». De façon assez intéressante, Pianza décline l’offre à cause de son âge, et non pas pour des raisons de morale ou de situation conjugale. Voici un détail que les lecteurs de la version abrégée ignorent, mais Pianza est marié et il a des enfants. Pourquoi avoir supprimé ce détail, on peut se le demander, c’était plutôt sympathique, cette petite famille! Mais ça fait peut-être partie de la politique « Pas d’Enfants » (voir plus loin) ! En tout cas, au chapitre XIV, après la mort de Pianza :

ACE/GBIS : Glystra secoua la tête d'un air morne, regarda la tombe d'Eli Pianza. Un homme de valeur, généreux, modeste, pleine de bonne volonté… Il se retourna vers le groupe silencieux. (p.129)

SSM/BELI : Glystra secoua la tête d'un air morne, considéra la tombe. Plus de Pianza. La perte était d'importance. Un homme de valeur, généreux, modeste, plein de bonne volonté. Une femme et trois enfants attendaient son retour sur Terre, et voilà qu'ils ne le reverraient jamais. Le calcium terrien de ses os se mêlerait au sol de la Planète Géante… Il reporta son attention sur le groupe silencieux. (p.129)

Pour en revenir à Wailie et Motta, et Kirstendale : dans le magazine Startling Stories, version d’origine, rappelons-le, les deux jeunes filles sont ravies de leur séjour, et en particulier de leurs domestiques (mâles…) personnels, mais d’une façon trop subtile pour que ACE puisse réellement intervenir :

ACE/GBIS : « Bien sûr, il n'y a pas de viande, » observa Motta, « mais quelle importance ? Les tissus, l'eau parfumée et… » Elle jeta un coup d'oeil à Wailie et rit sous cape. Elles regardèrent Elton et Bishop et gloussèrent de nouveau.
Steve Bishop rougit, but à petites gorgées du jus de fruits vert. Elton
haussa les sourcils d'un air sardonique. (p.115)

SSM/BELI : - A part la viande, bien sûr, observa Motta, mais quelle importance ? Les tissus, l'eau parfumée et… Elle jeta un coup d'oeil à Wailie et rit sous cape. Elles regardèrent Bishop et Corbus, et gloussèrent de nouveau.
Le premier rougit, but à petites gorgées son jus de fruits vert. Le second haussa des sourcils sardoniques. Glystra gloussa, puis il songea à Nancy et se demanda quelle mouche le piquait de rire ainsi. (p.115)

=> les trois points de suspension qui suivent le « et », ainsi que la réaction de Bishop et Corbus/Elton n’ont aucun sens dans la version ACE. Les deux paragraphes n’ont en fait aucun sens… On comprend par contre très bien les allusions et les réactions dans la version restaurée. Remarquez aussi que ACE s’est débrouillé pour supprimer la réaction de Glystra, qui commence par rire bêtement, pour se rendre compte aussitôt que ce n’est pas drôle du tout…
En fin de compte, Wailie et Motta décideront de rester à Kirstendale, ce qui amène Corbus/Elton à tirer une conclusion avec la lucidité de l’ingénieur qui reconnaît ses limites… Là encore, ACE a dû intervenir :

ACE/GBIS : Glystra se tourna vers Elton. « Et Motta ? »
Asa Elton jeta un coup d'oeil à Bishop. « Regardons les choses en face. » Il sourit. « Nous ne sommes pas de taille à rivaliser avec Kirstendale. » (p.122)

SSM/BELI : Il se tourna vers Elton. « Et Motta ? »
L’autre regarda Bishop. « Voyons les choses en face. » Il sourit. « Sur certains plans, nous ne sommes pas de taille à rivaliser avec les hommes de la région… » (p.121)

Il y a encore bien d’autres exemples… Nancy n’est pas la « secrétaire » du Bajarnum, mais explicitement sa maîtresse. Et Nancy explique dans quelles conditions elle l’est devenue (pas dans les détails quand même !). Et le sort qui l’attend dans le monastère de Myrtevue est clair. Et bien d’autres choses encore. A vous de les dénicher, ces différences !

Pas de Nudité!

            L’éditeur de ACE a sans doute considéré que la nudité constituait une dangereuse étape sur le chemin du sexe, et a décidé de l’expurger également. Mieux vaut ne pas prendre de risques...

            Le premier exemple de cette obsession éditoriale se trouve au Chapitre III, quand Glystra explique à Nancy comment la Planète Géante a été colonisée :

ACE/GBIS : Les premiers colons, il y a près de six cents ans, étaient des primitivistes - des gens qui n'aiment pas les machines, sauf en ce qui concerne les choses simples comme les charrettes. Le primitivisme n'est pas interdit sur Terre, mais on les prenait pour des cinglés. (p.29)

SSM/BELI : Les premiers colons, il y a près de six cents ans, étaient des nudistes…des gens qui n’aiment pas porter de vêtements. Sur Terre, les conventions sociales interdisent la nudité. (p.32)

=> ACE a récupéré cette notion de « primitivistes » dans le texte de Jack un peu plus loin, partie qu’il a bien sûr fallu supprimer… on verra ça plus tard. Le fait que les premiers colons étaient des nudistes éclaire plus logiquement une remarque que Glystra fait plus tard, remarque conservée dans les deux versions :

ACE/GBIS : Les primitivistes trouvèrent la Planète Géante à leur goût. Elle était paradisiaque – ensoleillée, lumineuse, avec un climat doux ,(p.30)

SSM/BELI : Les nudistes ont trouvé la Planète Géante à leur goût. Elle était paradisiaque : ensoleillée, lumineuse, avec un climat doux ,(p.32)

            => bien sûr, ce climat idyllique est également réjouissant pour les « primitivistes », d’un point de vue agricole, mais c’est encore plus appréciable pour des nudistes !        

Au Chapitre IX, la description des Magiqueurs est impitoyablement expurgée, bien qu’on ait du mal à trouver une quelconque connotation sexuelle dans leur quasi-nudité :

ACE/GBIS : Glystra aperçut Ketch qui se précipitait avec un bout de corde, puis il se retourna pour affronter l’assaut d’une file de Magiqueurs – tous des hommes étiques.(p.79)

SSM/BELI : Glystra aperçut Ketch qui se précipitait avec un bout de corde, puis il se retourna pour affronter l’assaut d’une file de Magiqueurs – tous des hommes étiques, nus à l’exception de leur pagne.(p.80)

Voici un autre exemple d’anti-nudité au Chapitre XVI, quand Glystra découvre les effroyables enclos où il pense que Nancy est détenue :

ACE/GBIS : Glystra s'appuya contre la paroi de pierre, regarda par un trou irrégulier qui se trouvait à peu près à hauteur d'oeil. Une douzaine d'hommes et de femmes se tenaient debout au milieu de la pièce ou assis avec lassitude sur des bancs de pierre. (p.154)

SSM/BELI : Glystra s'appuya contre le mur de pierre, regarda par un trou irrégulier qui se trouvait à peu près à hauteur d'oeil. Une douzaine d'hommes et de femmes totalement nus se tenaient debout au milieu de la pièce ou assis avec lassitude sur des bancs de pierre. (p.153-154)

=> La description de Jack est bien plus frappante (cf. « Pas d’Odeurs »), mais ACE a continué de couper des petits bouts, comme par exemple :

ACE/GBIS : « Eh bien… laquelle est-ce ? » questionna Nymaster avec impatience. « Celle-là, là-bas au bout ? » - « Non, » dit Glystra. « Elle n'est pas là. » (p.154)

SSM/BELI : « Eh bien… laquelle est-ce ? » demanda Nymaster d’un ton sec. « Celle-là, là-bas au bout ? » Il parlait d’une créature à la tête chevaline, aux seins avachis et au ventre jauni tout ridé.
« Non. Elle n'est pas là. » (p.154)

=> « Aaargghh! « des seins avachis »?! « un ventre jauni tout ridé »?! Cachez ces seins que je ne saurais voir ! Apportez-moi mes ciseaux !! » hurla l’Editeur de chez ACE.

Quand le moment fut venu pour Glystra d’être lui-même enfermé dans ces lieux terribles, le toujours vigilant Editeur avait ses ciseaux à portée de main :

ACE/GBIS : Glystra restait planté au milieu de la salle dallée, trempé et misérable. Sa tête était rasée, il avait été plongé dans un liquide âcre qui sentait le vinaigre.(p.170)

SSM : Glystra stood in the middle of the stone floor, naked, damp, miserable. His clothes had been stripped from him, his head was shaved, he had been drenched in an acrid fluid smelling of vinegar.

=> Là, l’édition Bélial a omis de traduire la partie « His clothes had been stripped from him », qui signifie « on lui avait retiré tous ses vêtements ». La traduction Bélial est simplement :

BELI : Glystra restait planté au milieu de la salle dallée, nu, trempé jusqu’aux os, dans un inconfort extrême. On lui avait rasé la tête et on l’avait plongé dans un liquide âcre qui sentait le vinaigre.(p.168)

Et quand Glystra parvient à s’échapper de l’abattoir, l’Editeur à l’oeil de lynx coupe encore un petit morceau :

ACE/GBIS : Un homme se faufilait dans la nuit, traînant après lui l’odeur de la mort. (p.187)

SSM: A naked man stole through the night, trailing the odor of death.

=> J’indique le texte anglais de la version restaurée, car là non plus, Bélial n’a pas traduit le texte : les mots « A naked man » signifient « Un homme nu ». On trouve dans Bélial :

BELI : L’homme se faufilait dans la nuit, traînant derrière lui une odeur de boucherie ou d’abattoir. (p.182)

Je remarque aussi que la traduction Bélial comporte une invention qui n’est pas de Vance du tout, je veux dire cette « odeur de boucherie ou d’abattoir », alors que Jack a simplement écrit ce qu’on trouve dans la traduction précédente , « l’odeur de la mort »…

Voilà pour la campagne anti-nudité. Je suis persuadé que si Jack avait mentionné des « lames nues » dans Planète Géante, les grands ciseaux éditoriaux auraient fait « snip-snap » aussi!

Pas d’Enfants !

ACE a trouvé que certaines scènes étaient un peu trop fortes à son goût, et en particulier les violences faites à des enfants.

Voici l’épisode au Chapitre X, quand Clodleberg/Osrik repère une embuscade tendue par des « jeunes », prêts à attaquer les voyageurs du monoligne :

ACE/GBIS : Derrière un petit oranger, trois jeunes garçons étaient accroupis. L'arc prêt à tirer sa flèche, ils observaient le câble comme des chats devant un trou de souris.

- « C'est là qu'ils commencent leur apprentissage, » chuchota Osrik. « Quand ils sont plus âgés, ils vont piller les villes de la Marche et toute la vallée Galatudanienne. » Il ajusta un carreau dans son arbalète.(p.97)

SSM/BELI : Derrière un petit buisson orange, trois jeunes garçons d’une dizaine d’années se tenaient accroupis. L'arc bandé, ils observaient le câble comme des chats un trou de souris.

- « C'est là qu'ils commencent leur apprentissage, chuchota Clodleberg. Quand ils sont plus âgés, ils vont piller les villes de la Marche et toute la vallée de Galatudanie. » Sans bruit, il ajusta un carreau dans son arbalète.(p.97)

=> Ces enfants de dix ans ont un peu grandi dans ACE, et toute l’atmosphère à la fois sinistre et pathétique s’est complètement évaporée. Ce pathos est encore plus atténué par un coup de ciseaux supplémentaire :

ACE/GBIS : Glystra lui tapa sur le bras ; le carreau fracassa une branche au-dessus de la tête des aspirants assassins. Glystra vit leur visage blême se lever puis ils détalèrent comme des lapins, disparurent. (p.97)

SSM/BELI : Glystra lui tapa sur le bras ; le carreau fracassa une branche au-dessus de la tête des aspirants assassins. Il vit leurs visages blêmes, leurs bouches béantes sous l’effet de la terreur ; puis ils détalèrent comme des lapins. (p.97)

=> de pauvres gamins, avec des « bouches béantes sous l’effet de la terreur » (à noter que la traduction Bélial a omis un détail supplémentaire : « big dark eyes », de grands yeux noirs, qu’on imagine écarquillés…) Mais c’est vrai que Clodleberg a raison : ce sont aussi des assassins en puissance, au mieux, et probablement de véritables assassins, car d’autres voyageurs ont dû être leurs victimes….

            ACE a fait preuve de beaucoup de soin et de cohérence dans cet exercice de découpage, comme on peut le voir dans le passage suivant :

ACE/GBIS : « Pourquoi avez-vous fait ça ? » s'exclama Osrik. « Ces rôdeurs-là me tueront peut-être quand je reviendrai à la Cité du marais. »
Glystra ne sût que dire sur le moment. Puis il marmonna : « Pardon… je pense que vous avez raison. Mais s'ils étaient Terriens, ils seraient encore à l'école. » (p.97)

(Nota : cette traduction est inexacte, elle contient un faux-sens : on trouve le mot « college » dans le texte de ACE, qui est un faux ami. Ce n’est pas notre « collège » à nous, c’est l’université, la fac, quoi…

SSM/BELI : « Qu’est-ce qui vous a pris? s'exclama son guide. Ces rôdeurs-là me tueront peut-être quand je reviendrai à la Cité du marais. »
Glystra ne sût que dire sur le moment. Puis il marmonna : « Pardon… je pense que vous avez raison. Mais s'ils vivaient sur Terre ou sur n’importe quelle autre planète du Système, ils seraient encore à l'école. » (p.97-98)

(Là, le mot « école » est parfaitement approprié, correspondant au texte original « they’d be at their schooling »)

       => Qu’est-ce que les enfants ont grandi, en tout cas… Les voici maintenant à l’Université!

            ACE a retiré un autre passage concernant des enfants. Il faut dire que c’est un passage qui met très mal à l’aise :

ACE/GBIS : : Bishop lui dit quelque chose que Glystra ne saisit pas ; il se retourna. Les Magiqueurs se rapprochaient furtivement. « Retournez ! Arrière ! » dit-il sèchement. « Ou je vous fauche les jambes ! » (p.79)

SSM/BELI : Bishop lui cria quelque chose que Glystra ne saisit pas ; la scène qui se déroulait dans la pièce située sous le toit sur lequel il se tenait, une pièce maintenant mise à jour par la chute du mur, l'avait distrait. Sa gorge se serra, un spasme lui crispa l'estomac… Vingt enfants y étaient pendus par les cheveux, les pieds lestés de pierres à cinquante centimètres du sol. Les yeux exorbités, ils regardaient par l'ouverture ; ils n'émirent aucun son ; on n'entendait que leur respiration saccadée.
« Drôle de manière de grandir, laissa tomber Corbus d'une voix glaciale.
- Regardez plus bas. Dans la pièce d'en dessous. »
Le mécanicien jeta un coup d'oeil vers les Magiqueurs qui se dandinaient, puis se pencha par-dessus le bord du toit. « Je n'y vois pas grand-chose… c'est très confus… oh… »
Glystra se retourna. Les Magiqueurs se rapprochaient à pas de loup. « En arrière ! Reculez ! dit-il sèchement. Ou je vous fauche les jambes ! » Il ajouta tout bas : « Je suppose que ça ne vous fera rien, si vous avez tous subi… ça. » (p.81)

            => ces enfants silencieux suspendus à cinquante centimètres du sol, juste une « respiration saccadée » (en fait, elle est plutôt « rauque », Jack a écrit « hoarse breathing » ) … Brrr… Ca donne le frisson… J’essaie encore de comprendre la raison de ce traitement qu’ils subissent. Quant à ce qui se passe dans la pièce en dessous, nous ne le saurons jamais, et c’est très Vancien de se contenter de suggérer. C’est bien plus efficace de faire travailler l’imagination du lecteur. Remarquez comme ACE arrive à faire son découpage assez proprement, en conservant un texte structuré, même si dans le cas présent le « il se retourna » dans ACE n’a plus aucun sens, car Glystra ne s’est pas déjà tourné… Un détail…

            Il y a un cas où ACE a été très subtil : au lieu de supprimer une allusion à des enfants, il a préféré la diluer. Au Chapitre XX, quand Glystra a enfin capturé Charley Lysidder :

ACE/GBIS : Glystra rit. « Allons, vous crachez des sottises comme un chat en colère. Les rétributions qui seront effectuées le seront pour les cent mille hommes, femmes et enfants que vous avez vendus dans la galaxie. » (p.194)

SSM/BELI : Glystra rit. « Vous débitez des sottises. Les rétributions qui seront effectuées le seront pour les cent mille enfants que vous avez vendus à travers la galaxie. » (p.194)

=> d’une certaine façon, les sordides activités de Charley Lysidder semblent plus « acceptables » dans la version ACE, parce que moins spécialisées… Mais il fait bel et bien strictement le trafic d’enfants.

Un cas où ACE a réussi un coup double, un « Pas d’Enfants » et « Pas de Sexe » en un seul coup de ciseau (ou en tout cas, une atténuation) : Chapitre XVI, quand Glystra et Nymaster essaient de pénétrer dans les bâtiments

ACE/GBIS : Zello se déploya comme un python paresseux, traversa en bâillant le jardin ensoleillé dans la direction du gamin, leva son fouet.
Nymaster tira Glystra par le bras. « Allons-y l… » (p.151)

([Nello est devenu Zello dans Galaxie-bis!])

SSM/BELI : : Nello se déploya comme un python paresseux, traversa en bâillant le jardin ensoleillé dans la direction de la file, leva son fouet et, avec application, sans hâte aucune, zébra les fesses du garçon. Un coup… deux coups… trois…
Nymaster tira Glystra par le bras. Allons-y, pendant qu'il s'adonne à son activité préférée… » (p.151)

(je ne comprends pas ce « en direction de la file », alors que le texte original est « to the quivering boy » beaucoup plus évocateur puisqu’il signifie « vers le gamin tremblant »

=> Jack est donc bien plus explicite dans sa description de ce pédophile sadique et pervers…

Pas de Cannibales !

L’Editeur de chez ACE n’approuvait pas le cannibalisme, mais semble avoir considéré que l’esclavagisme était une activité beaucoup plus honorable. Il a déployé beaucoup d’efforts pour transformer le texte de Jack.

On commence avec un léger coup de pouce, au Chapitre II, quand Vallusser décrit les dangers qui menacent le groupe de Terriens naufragés :

ACE/GBIS : : Il n’y a rien là-bas… » - il gesticula vers le bas de la pente d’un geste vague. « … à part des sauvages. Ils nous tueront. Certains d’entre eux sont des marchands d’esclaves. (p.19-20)

SSM/BELI : Il n’y a rien là-bas » - il gesticula vers le bas de la pente – « à part des sauvages. Ils nous tueront. Certains d’entre eux sont cannibales. (p.19-20)

            => ACE ne semble pas avoir réalisé que cette modification rend la phrase complètement illogique : les esclavagistes — ceux qui sont compétents, en tout cas — ne tuent pas leurs prisonniers, ils préfèrent les vendre !

            Un peu plus loin, au Chapitre VI, quand Morwatz décrit les bohémiens, ACE a dû faire un gros effort de créativité :

ACE/GBIS : Morwatz eut du mal à formuler ses pensées. « Il y a d'abord le Nomadland, avec les Bohémiens. S'ils nous capturent, ils nous attelleront à leurs chariots et nous traiteront comme des zipangotes. » Il eut un geste du menton vers les animaux de bât. « Ils appartiennent à une race différente de la nôtre et ils détestent les Beaujolains. » (p.52)

SSM/BELI : Morwatz eut du mal à formuler ses pensées. « Il y a d'abord le Pays des nomades, et ses bohémiens. S'ils nous capturent, ils nous rôtiront tout vifs et nous dévorerons. Les bohémiens appartiennent à une race différente de la nôtre et détestent les Beaujolains. » (p.52)

=> Je dois dire que c’est habilement fait. L’Editeur a trouvé une alternative intéressante au fait d’être rôti tout vif, et en profite pour introduire les zipangotes dans le texte de façon explicite, en cohérence avec ce qu’on trouve plus tard dans les deux versions :

<Glystra fit faire halte à la colonne et regroupa les soldats, les formant en carré autour des bêtes de somme – les zipangotes, comme Morwatz les avait appelées. (p.54)>

L’Editeur a vraiment fait les choses à fond. Au Chapitre VI, Morwatz fait un commentaire sur les nomades qui les menacent :

ACE/GBIS : Seuls les Politboros montent des zipangotes. Nous pouvons nous défendre contre les Cosaques – ils n’ont pas beaucoup de cran, aucune discipline, aucune méthode, aucune intelligence. Pour autant qu’ils aient quelques captifs à vendre ou à atteler à leurs chariots, ils sont satisfaits.(p.55)

SSM/BELI : Eux seuls montent des zipangotes. Nous pouvons nous défendre contre les Cosaques. Ils n’ont pas beaucoup de cran, aucune discipline, aucune méthode, aucune intelligence. Ils n’ont que la faim à l’esprit. Pour autant qu’ils récoltent quelques corps à dévorer, peu importe lesquels, ils sont satisfaits.(p.56)

=> « quelques corps à dévorer »… Voilà qui est net. Et c’est un détail très important pour la suite, comme vous le verrez plus tard …

Et Morwatz de conclure avec pessimisme :

ACE/GBIS : Morwatz dit avec irritation : « Pourquoi vous intéressez-vous tellement aux particularités de leur race? Ce soir, nous serons en train de tirer leurs chariots. »(p.56)

SSM/BELI : « Pourquoi vous intéressez-vous tellement aux particularités de leur race? répliqua Morwatz, irrité. Ils comptent nous dévorer ce soir… »(p.57)

            Il y a de nombreux autres exemples de ce genre de modification, mais il y en a un qui est particulièrement spectaculaire, car il concerne le sort qui attend Nancy quand elle est capturée par Heinzelman/Atman. Chapitre VII, quand Glystra marchande la libération de Nancy :

ACE/GBIS : Altman regarda négligemment par-dessus son épaule. « Une femme des pentes que nous avons trouvée prés de la forêt ce matin. Elle se vendra un bon prix. »
Glystra dit : « Amenez-la. Je veux vous l’acheter. »(p.59)

Mais ici, il y a encore un problème, car la traduction de Bélial est incorrecte : elle est strictement identique à la précédente. Or dans le texte anglais, on trouve, au lieu de «Elle se vendra un bon prix » (« She will fetch a handsome price »), l’effroyable phrase suivante, qui a dû échapper au traducteur (qui faisait une « révision » de traduction, c’est plus difficile en un sens qu’une traduction complète, car on risque de laisser des choses en l’état, alors que dans une traduction fraîche, on est bien obligé de tout traduire) :
« She will be spitted at this evening’s camp » = « On la rôtira à la broche au campement de ce soir »…

=> En faisant cette modification (transformer les cannibales en esclavagistes), ACE a fait pire que de simplement trahir le texte de Vance : il a aussi rendu incompréhensible ce qui se passe juste après, la décision que Glystra prend d’exécuter Abbigens avec son arme ionique. Glystra ne fait pas ça simplement pour démontrer la puissance de son arme, mais bien pour faire du troc ! Regardez :

ACE/GBIS : [Atman dit :] « Ah! Nous ne connaissons rien de pareil. Nous assumons nos tâches traditionnelles. Nous sommes des guerriers, des tueurs, des marchands d’esclaves. »
Glystra prit une décision pénible. Il tourna la tête. « Amenez Abbigens. » (p.59)

SSM/BELI : [Heinzelman dit : ] - Ah! Nous ne connaissons rien de tel. Nous assumons nos tâches traditionnelles. Nous sommes des guerriers, des tueurs, des mangeurs. Si je vous donnais la femme, ce soir nous aurions faim. »
Glystra prit une décision pénible. Il tourna la tête. « Amenez-moi Abbigens. » (p.61)

            => Et Glystra tire sur Abbigens, après avoir dit quelque chose du genre « Si vous tuer n’était pas nécessaire… » et nous avons :

ACE/GBIS : « Donnez-moi la femme, dit Glystra, sinon je vous inflige la même mort. »(p.59)

SSM/BELI : « Donnez-moi la femme, dit Glystra, sinon je vous inflige le même sort. Je vous donne ce cadavre à la place.»(p.61)

            => et voilà. Un bon troc. Un Abbigens mort contre une Nancy vivante. Ce soir, les nomades vont pouvoir déguster un « Abbigens à la bourguignonne » au lieu d’un « Rôti de Nancy »…!

Pas de Détails Horribles !

Le texte d’origine contient des détails assez écoeurants, et qui n’ont pas été du goût de l’Editeur ACE.
Par exemple, quand on tue des gens sur la vraie Planète Géante (je veux dire celle de Jack, pas celle d’ACE), ce n’est pas beau à voir. Pas beau du tout… Au Chapitre IV, l’épisode des Arboricoles :

ACE/GBIS : Le soldat regarda son camarade allongé par terre, marmonna quelque chose avec irritation, puis tira son épée du fourreau et frappa le gisant.
Derrière son arbre, Glystra avala péniblement sa salive.(p.39)

SSM/BELI : Le soldat regarda son camarade couché par terre, marmonna quelque chose d’une voix irritée, puis dégaina son épée et lui passa sa lame au travers de la poitrine, du cou, et enfin d’une des orbites.
Derrière son arbre, Glystra déglutit non sans mal. Au bout d’un certain temps, il parvint de nouveau à voir la clairière. (p.39)

            => Alors, c’est pas mal, non ? Voilà du travail bien fait ! Pas étonnant que Glystra ne se sente pas bien…

            Une autre scène de tuerie assez pénible, chapitre VII, la mort de Morwatz :

ACE/GBIS : Non loin de là, Morwatz gémissait sourdement. Le soldat qui l’avait fait tomber dégaina posément son épée et transperça Morwatz.(p.64)

SSM/BELI : Non loin de là, Morwatz gémissait sourdement. Le soldat qui l'avait poussé, un homme de haute taille, les joues concaves, le front grêlé, le nez fendu, s'avança vers lui pour le toiser. L'officier leva vers lui un regard noir, en poussant des gémissements de plus en plus aigus. Le soldat dégaina posément son épée et lui transperça le cou - une fois, deux fois, trois fois, comme s'il sondait les fissures d'un rocher. Morwatz émit quelques gargouillis et mourut. (p.65)

(je suis désolé, mais j’ai une remarque à faire sur la traduction du Bélial, car elle comporte une erreur qui change le contexte de la scène : Morwatz ne jette pas un « regard noir » du tout, ça n’a pas de sens… Il est en train de gémir, il n’a plus la force d’être en colère contre qui que ce soit ! Le texte en anglais est « regarded him with glazing eyes », c’est-à-dire avec des yeux vitreux. Il est déjà à moitié mort, voilà.)

            => La scène est diablement plus dramatique dans la version restaurée!

            C’étaient là deux meurtres simples. Il y a aussi les massacres ! Chapitre XV, Glystra et ce qui reste de sa troupe sont poursuivis par les Rebbirs. Glystra a réussi à attirer la troupe de Rebbirs en haut d’une pente :

ACE/GBIS : : Il le braqua sur le premier zipangote des Rebbirs, pressa sur le bouton. La tête semblable à un crâne blanc explosa en bouillie rouge. La bête releva ses pattes de devant comme une mante religieuse en prières, resta un bref instant en équilibre, puis retomba sur les animaux qui suivaient.

Glystra fit pivoter vivement son zipangote, s'élança le premier le long de l'arête. (p.138)

SSM/BELI : : Il le braqua sur le premier zipangote des Rebbirs, pressa sur le bouton. Le crâne blanc explosa en bouillie écarlate. La bête releva ses pattes de devant comme une mante religieuse, resta un bref instant en équilibre, puis tomba à la renverse sur les animaux qui la suivaient.

Masse confuse de chairs frémissantes. Têtes d'un blanc osseux, regards désespérés des hommes à face d'aigle, horrible entrelacs de membres broyés au bas de la pente - un talus de muscles torturés, corps rugueux des zipangotes et plus souples des hommes inextricablement mêlés, comme des abeilles dans la ruche.

Glystra fit pivoter vivement son zipangote, s'élança le premier le long de l'arête. (p.139)

     => Ah, on dirait un tableau de Goya, maintenant. En tout cas, cet entrelacs de membres broyés est une bonne recette pour les cannibales : « Pâté de Rebbirs aux zipangotes » !

Pas de Religion !

L’éditeur de chez ACE a certainement eu peur d’avoir des ennuis avec des organisations religieuses, et il a fait ce qu’il fallait pour éviter des procès, ou pire encore, que Planète Géante soit mis à l’Index !

Son attention s’est d’abord portée sur ce mystérieux personnage qu’on rencontre au début du roman, à bord du vaisseau spatial. Mais il se trouve que ces manipulations sont imperceptibles pour les lecteurs français, du fait des traductions…

Prenez par exemple ce passage :

ACE/GBIS : Pianza jeta un coup d'oeil alarmé dans le salon - vide, à l'exception d'une religieuse du Bon Secours qui était assise dans une immobilité de statue, la partie visible de son mince visage blême figé dans la méditation. (p.8)

(Bélial a une simple différence, «par la méditation »)

=> La vraie différence est que l’édition restaurée parle d’une « nun » (une nonne, une religieuse) alors que l’édition ACE l’avait transformée en « Sister of Succor », « Sœur du Bon Secours », qui fait moins « religieuse » que « nonne ». Seulement voilà : la traduction de Galaxie-bis a introduit explicitement le terme « religieuse ». Et la traduction du Bélial l’a conservé avec le terme « Bon Secours », ce qui n’est pas fidèle au texte restauré.

            ACE veut aussi montrer qu’il est du côté des bonnes actions et de la vie vertueuse, à tel point qu’il ajoute des inventions pures. Quand Pianza fait un commentaire sur cette « nonne », (<« Bizarre créature, » marmonna Pianza.>), Glystra répond :

ACE/GBIS : Glystra rit. « Il n'y a que des gens bizarres sur la Planète Géante ; c'est pourquoi ils y sont. Si elle veut les convertir ou simplement se consacrer à sa bizarrerie personnelle, libre à elle. Et, à part sa façon de s'habiller, je dirais que sa bizarrerie est un honneur pour n'importe quelle planète. » (p.9)

SSM/BELI : Glystra rit. « Il n'y a que des gens bizarres sur la Planète Géante ; c'est pourquoi ils y sont. Si elle veut les convertir à sa bizarrerie personnelle, libre à elle.» (p.13)

            Donc la « nonne » est devenue « Soeur du Bon Secours » dans les mains de ACE. Il y a eu un autre changement, mais le lecteur français ne peut s’en rendre compte en lisant la nouvelle traduction du Bélial, car la version restaurée n’a pas été respectée dans ce cas précis : il s’agit des « sages » de Myrtevue. Dans la version anglaise restaurée, ce sont des « priests », des prêtres, donc. Bélial a conservé le mot « sages », c’est dommage, car ce n’est pas le texte. On peut trouver que « sages » est mieux, mais ce n’est pas la question, puisque ce n’est pas Vance qui l’a écrit… Voici quand même un exemple, qui illustre une autre suppression des aspects sexuels que Jack avait mis dans son texte (et que Bélial a traduit, là) : chapitre XVI, quand l’armurier décrit les Dongmen (les « Dongues » dans l’édition Le Bélial) :

ACE/GBIS : Marquant sa surprise devant cette ignorance, le marchand secoua la tête. « Les sages sont célibataires. Plus vraisemblablement, elle a été emmenée dans les cachots des esclaves. » (p.149)

SSM/BELI : Marquant sa surprise devant cette ignorance, le marchand secoua la tête. « Les sages sont célibataires. Seuls les hiérarques s’autorisent à utiliser des femmes. On l’aura plutôt emmenée dans l’enclos des esclaves. » (p.149)

            => On voit que la hiérarchie de cette étrange congrégation ne s’ennuie pas… C’est un détail important dans la version restaurée, beaucoup plus « adulte » que la version censurée. Un détail en passant : cette histoire d’esclaves est une autre invention de ACE, dans le texte restauré il n’en est pas question (« More likely she has been taken to the pens. » et non pas la version ACE : «More likely she has been taken to the slave pens. ») Cet ajout de ACE n’a pas de sens, ces prisonniers ne sont pas des esclaves : ils sont là uniquement pour se faire couper la tête et faire don de leur cerveau pour qu’il soit bouilli « à la zygage » ! La traduction Bélial a conservé la version ACE, un détail mais c’est dommage.

            ACE a été très minutieux dans son travail d’expurge ecclésiastique, à un point incroyable. Voici un exemple, encore une fois non perceptible dans les traductions françaises. Voici les deux versions anglaises

ACE : Glystra bowed low. He saw the hem of robes, exceedingly rich.

SSM : Glystra bowed low. He saw the hem of priestly robes, exceedingly rich.

            => l’adjectif « priestly » affecté à « robes » (donc des robes « ecclésiastiques ») a été repéré et supprimé. La version française est la même dans les deux éditions :

GBIS/BELI : Glystra se courba très bas. Il aperçut le bas de tuniques excessivement riches.(p.155)

(on va dire que je pinaille, mais il ne s’agit PAS de « tuniques »… Ce sont des robes, des soutanes, c’est un vêtement beaucoup plus long qu’une tunique…)

Pas de Noms à Consonance Juive !

ACE a modifié le nom de quelques personnages, comme vous avez pu le remarquer. Dans un cas particulier, on en connaît la raison grâce à Norma Vance, l’épouse (et fidèle, indispensable, merveilleuse collaboratrice) de Jack. Le hetman des Bohémiens s’appelle « Heinzelman the Hellhorse » dans la version magazine, changé en « Atman the Scourge » dans ACE (En traduction française, cela a donné « Atman le Fléau », et Bélial a modifié seulement la moitié en restituant « Heinzelman le Fléau ». Ce « Fléau » est une pure invention de ACE, Jack avait écrit « Hellhorse », littéralement « Cheval des Enfers ». Je comprends tout à fait que Bélial ait gardé « Fléau », car « Heinzelman le Cheval des Enfers », par exemple, c’est ingérable ! )

Norma m’a donc expliqué pourquoi ce changement de nom a été effectué. Voici ce qu’elle m’a écrit :

« Jack se souvient simplement qu’il avait trouvé ce nom de « Heinzelman the Hellhorse » (indépendamment du fait que ce sont des zipangotes qu’on trouve sur cette planète, et non des chevaux…), mais qu’ensuite un éditeur a eu peur d’avoir des ennuis avec des gens d’origine juive qui pourraient se sentir insultés… L’éditeur a donc changé en « Atman le Fléau » (au risque d’offenser des Turcs cette fois-ci…) Jack a été absolument furieux, c’est pour ça qu’il s’en souvient encore, même si c’est la seule chose dont il se souvienne. »

Pas de Politique !

Voici une information qui est restée « Top Secret » pendant de nombreuses années, mais je peux maintenant vous la révéler : l’éditeur de chez ACE a sans doute sauvé notre planète grâce à sa paire de ciseaux : la 3ème Guerre Mondiale n’a pas eu lieu en 1957 quand le livre a été publié.

ACE/GBIS : Il y avait de la place pour d'autres minorités de la place en quantité illimitée. Tous ont donc émigré - les sociétés misanthropes, les cultes et aussi de simples particuliers. (p.30)

SSM/BELI : Il y avait de la place pour d'autres minorités… et de la place en quantité illimitée. Tous ont donc émigré : les sociétés misanthropes, les cultes, les primitivistes, les communistes, les monastères, voire de simples particuliers. (p.32)

            => Imaginez ce qui se serait passé si les « communistes » avaient été maintenus parmi les « minorités » et les « cultes »! Je suis sûr qu’il y aurait eu un incident diplomatique grave, les dirigeants du Soviet Suprême seraient devenus fous de rage, et auraient envoyé un déluge de missiles nucléaires sur l’immeuble de ACE en représailles, et notre bonne vieille Terre serait maintenant un enfer radioactif… Remarquez aussi que les « monastères » ont disparu sous les ciseaux, conformément à la stratégie de « Pas de Religion! ». ACE a également retiré les primitivistes ici, puisqu’il s’en est servi pour remplacer les nudistes… Ah, c’est un gros travail, ce genre de modification, il ne faut rien rater ! Evidemment, au bout, il ne reste plus grand-chose, c’est bien là le problème…

            Vous noterez aussi une autre manifestation de précaution vis-à-vis de la colère des Soviétiques : les nomades s’appellent « Politboros » dans la version ACE, alors que la version d’origine contient « Politburos »… On peut imaginer le clin d’œil de Jack… Ces cosaques sont sans doute les descendants directs d’émigrants venus en droite ligne du Kremlin !

 

Pas d’Odeurs !

            L’éditeur de ACE avait un nez sensible : il ne supportait pas les mauvaises odeurs…

            Appliquez donc un mouchoir parfumé sur votre appendice nasal, et venez avec moi visiter les « cachots » de la Fontaine de Myrtevue.

ACE/GBIS : Tels étaient donc les cachots de la Fontaine de Myrtlesee. L'air empestait le bouilli ; Glystra respirait par la bouche pour échapper à l'odeur. (p.170)

SSM/BELI : Tels étaient donc les cachots de la Fontaine de Myrtevue. L'air empestait la latrine et l’abattoir ; Glystra respirait par la bouche pour échapper aux relents. La puanteur était insoutenable… mais ce n’était pas le moment de jouer les effarouchés. (p.168)

Et la seule mention du mot « puanteur » suffit pour que l’éditeur de ACE plisse le nez. C’était dommage d’avoir supprimé ces détails, quand on sait que Jack a une affection particulière pour les odeurs fortes dans ses romans (je pense en particulier à Yiptown et son « chife »)

Voici un autre exemple qui, comme d’autres vus précédemment, ne peut être perçu par le lecteur français car non repris dans la traduction révisée :

ACE: Steam poured in from the processing room through chinks and cracks in the stone

SSM: Steam and stench poured in from the processing room through chinks and cracks in the stone

                   La traduction dans les deux versions est :

GBIS/BELI : De la vapeur jaillissait de la salle de conditionnement par des fentes et des crevasses dans la paroi de pierre (p.169)

En fait, la version restaurée mentionne « Steam and stench » : il y a non seulement de la vapeur, mais aussi une odeur pestilentielle qui s’échappe des fentes et crevasses.

Pas de Cervelle !

            Je ne fais pas allusion aux Editeurs en général, bien sûr … ACE a soigneusement extirpé les détails les plus horribles, et en particulier ceux relatifs au processus permettant de transformer les prisonniers en oracles de Myrtevue.

ACE/GBIS : Presque sous sa figure, un chaudron bouillonnait ; à gauche, un coffre contenait des fruits en forme de gland.(p.171)

SSM/BELI : Presque sous sa figure, un plateau portait quatre têtes disposées en bon ordre, la calotte crânienne sciée pour étaler leur contenu d’un gris taché de rouge.
Il détourna son regard en toute hâte. A droite, un chaudron bouillonnait ; à gauche, un coffre contenait des fruits en forme de gland.(p.169)

            CE genre d’intervention éditoriale risque toujours d’entraîner des incohérences si on n’y prend pas garde. ACE a été très soigneux de ce point de vue, globalement, mais pas à 100%. Ici, Corbus/Elton vient rendre visite à Glystra qui est dans la salle des prisonniers, et il s’écrie :

ACE/GBIS : Quel cul-de-basse-fosse ! Qu'est-ce qu'ils cuisinent ? »
- « Vous l'avez vu, » répliqua Glystra avec indifférence. « Ils distillent je ne sais quel extrait nerveux qu'ils mélangent avec du zygage et font ingérer aux oracles. (p.176)

SSM/BELI : quelle puanteur de basse-fosse ! Qu'est-ce qu'ils font cuirent ? »
- « Des cerveaux, » laissa tomber Glystra avec indifférence. « Ils distillent je ne sais quel extrait nerveux qu'ils mélangent avec du zygage et administrent aux oracles. (p.172)

=> Dans la version ACE, il n’est pas très logique que Glystra disent « vous l’avez vu » (si Corbus/Elton avait vu quelque chose, il ne poserait pas la question). En fait, Corbus/Elton n’a rien vu, seul Glystra a pu apercevoir ce plateau avec les quatre cervelles...

 

Pas d’Excréments !

            Désolé d’aborder ce sujet, mais il le faut bien pour une analyse complète…

            Chapitre V, les soldats du Beaujolais ont été capturés par Glystra et ses compagnons :

ACE/GBIS : Moss Ketch avança de deux pas vers le désintégrateur ; il appela du geste, marmonna quelques mots, s'enfonça à reculons dans le sous-bois. Les soldats réagirent par une petite ondulation dans leur groupe. Un ordre sec lancé par Darrot les immobilisa. (p.46)

SSM/BELI : Ketch avança de deux pas vers le désintégrateur ; il appela du geste, marmonna une phrase, s'enfonça à reculons dans le sous-bois. Glystra l’observa en catimini pendant qu’il se soulageait. Les soldats, qui avaient remarqué qu’un de leurs gardes était distrait, réagirent par une petite ondulation dans leur groupe. Un ordre monosyllabique lancé par Darrot les immobilisa. (p.47-48)

            On trouve un autre cas au chapitre XVII quand le seigneur Voïvode exprime son mécontentement devant la performance du pathétique prisonnier qui est censé énoncer des oracles pour lui :

ACE/GBIS : Le seigneur Voïvode rugit de mépris. « C'est ça la créature qui doit me conseiller ? Pouah ! Il semble incapable d'autre chose que de trembler de peur ! » (p.158)

SSM/BELI : Le seigneur Voïvode rugit de mépris. « C'est ça la créature qui doit me conseiller ? Pouah ! Il semble incapable d'autre chose que de vider ses entrailles de terreur ! » (p.158)

premiere page

En conclusion…

            Je pense que vous commencez à vous faire une bonne idée de l’étendue de la Bavure Editoriale qui a complètement transformé la Planète Géante telle que Jack l’avait réellement décrite. Vous trouverez bien d’autres exemples : je ne pouvais pas les recenser tous, faute de place, et j’aurais lassé le lecteur si je l’avais fait (déjà, comme ça…). Et surtout, je préfère vous laisser le plaisir de les découvrir par vous-mêmes.

            J’ai toujours bien aimé lire et relire Planète Géante dans son édition ACE, mais à chaque fois ça me laissait un peu sur ma faim : c’était un peu trop court, et surtout, cette Planète Géante n’était pas aussi terrifiante qu’elle était censée l’être. Je suis très satisfait maintenant : il y en a beaucoup plus dans cette version restaurée, et elle est beaucoup plus horrible… J’espère que tous les lecteurs amateurs de Vance s’en réjouiront comme moi !

— Patrick Dusoulier (Janvier 2005)

* En fait, pas tout à fait l’original… Nous avons perdu ce qui aurait pu s’appeler « Planète Gigantesque ». Voici l’histoire du Manuscrit de Planète Géante, telle que Norma me l’a racontée dans un mail :« La seule chose dont je me souvienne, c’est que le manuscrit d’origine était très long. Jack l’avait donné à lire à un éditeur très connu, Anthony Boucher. Après être resté sur des charbons ardents pendant deux mois, Jack a reçu le manuscrit en retour, avec comme appréciation qu’il était beaucoup trop long et que ça le rendait invendable. Jack fut très déçu. Il s’est remis au travail et a éliminé 200000 mots à peu près. Les pages qu’il a éliminées ont servi pour d’autres brouillons [Jack a très souvent utilisé le verso de manuscrits ou brouillons précédents, par souci d’économiser le papier… Note P. Dusoulier], qui ont été détruits une fois retranscrits. Le manuscrit est ensuite resté entre les mains de son agent de l’époque, Scott Meredith, jusqu’à ce qu’il soit vendu deux ou trois ans plus tard à Startling Stories. »


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