Questions
pour Jack Vance par Patrick Dusoulier Patrick
est "Principal Editor" dans le projet VIE, et
un admirable DFV (Dévoué Fan Vancien) de longue date...Avec tous mes remerciements.
2e
partie
9) BONNES ILLUSTRATIONS DE COUVERTURE
Question posée par Agenerak : Quels sont les livres dont les illustrations épouvantables vous
donneraient envie de les confier à une meute de chiens incontinents
et bien nourris ? Quels sont ceux qui vous ont vraiment dégoûté
? Et aussi : quelles sont les couvertures qui vous ont fait penser
: « Ah, là, oui, c’est exactement ça ! », si jamais il y en a eu…
Réponse de Jack : Il y en avait une, dans une édition Underwood, une des histoires
de Cugel, qui était absolument épouvantable… J’avais construit l’histoire
en crescendo, avec une surprise, un moment culminant, mais l’artiste
a gâché la surprise ! Comme dans « Les Montagnes de Magnatz », par
exemple, où la surprise était que quand Cugel traverse le lac, il
accroche son ancre dans le nez de ce géant sous l’eau, et il le
hisse à la surface… mais c’était censé être une surprise, tu comprends…
Mais l’artiste, lui, il a fait un grand dessin qui montre le géant
hors de l’eau, se précipitant vers Cugel ! Pas de surprise ! Il
a fait la même chose pour plusieurs de ses dessins, j’en étais fou
de rage… Il y avait une illustratrice, j’ai oublié son nom, elle avait
copié un dessin tiré d’un livre de contes de fées russe, un plagiat
absolu et sans vergogne. Chaque trait, copié à partir de ce livre
russe. Et puis les gens dans leurs costumes, ces vêtements étaient
censés être du futur, mais elle les a tous habillés dans le style
Régence, 1803 ou 1804, des habits Régence… affreux, affreux, affreux…
(John Vance relance : Il y en a eu d’autres ? Des illustrations
avec des silhouettes de femmes voluptueuses ?)
Jack : non, non. Là maintenant, je ne me souviens pas d’autres.
D’un autre côté, les illustrations pour les Maîtres des Dragons
étaient si excellentes, si magnifiques, qu’elles m’ont valu une
récompense pour le livre. Je ne l’aurais pas eue si ce type, Jack
Gaughan, n’avait pas fait des illustrations aussi merveilleuses.
(John Vance : c’était dans la première édition ?)
Jack : c’est paru dans le magazine Galaxy… Simplement merveilleuses,
ces illustrations, sauf une, mais je n’en dirai pas plus.
10) CULTURES ET ANTHROPOLOGIE
Question posée par Attel : J’aimerais savoir si vous avez suivi des cours d’anthropologie,
et sinon, quelles sources avez-vous utilisées quand vous avez décrit
diverses cultures dans vos livres, comme les Sarkoy ou les Tadousko-Oi,
par exemple, dans la série des Princes Démons !
Réponse de Jack : Non, je n’ai eu aucune éducation formelle en anthropologie, j’ai
simplement beaucoup lu. Je lis tout ce que je peux… En fait, je
viens juste de terminer un ouvrage d’anthropologie. Je pense que toute personne intelligente devrait être fascinée
par l’anthropologie, ce qui nous entoure, l’environnement. Je ne
dirais pas que je m’intéresse à l’anthropologie spécialement, c’est
plutôt mon environnement qui m’intéresse. Je veux tout savoir de
ce qui m’entoure, ce qui inclue l’Histoire, notre monde…
(John Vance relance : Ton environnement social ? L’environnement
matériel ?)
Jack : juste l’environnement tout court. Tout ! Matériel, social,
tout. Je crois que j’ai une insatiable curiosité pour tout.
11) HISTOIRES NON PUBLIEES
Question posée par Willem : Une question sur des histoires non publiées : est-ce qu’il y
en a, qui pourraient éventuellement être publiées ? Je pense à des histoires qui auraient eu besoin de retouches,
qui ont été rejetées par des éditeurs, des histoires que Jack lui-même
ne trouvait pas assez bonnes. Plus la réponse sera détaillée, mieux
ce sera… En plus, je propose qu’on ajoute des histoires non publiées dans
le dernier volume de VIE (je n’arrive pas à imaginer qu’il n y ait
pas d’histoires qui aient été mises de côté pour différentes raisons.
Certaines de ces histoires étaient peut-être en dessous du standard
minimum, mais quelques-unes sont peut-être assez bonnes du point
de vue de l’auteur pour qu’elles puissent être publiées à sa demande.)
Réponse de Jack : Non.
(John Vance relance : pas de brouillons qui auraient nécessité
un travail supplémentaire, des rejets d’éditeurs… ?)
Jack : Non..
Commentaires de P. Dusoulier : On voit bien ici que Jack ne voulait
pas répondre… C’est dans son style, surtout si son fils lui a lu
la remarque de Willem : «Plus la réponse sera détaillée, mieux ce
sera »… ! Rien de tel pour que Jack se referme comme une huître
! Ceci étant, il y aura bien dans le Volume 44 de VIE quelques
inédits qui ont été retrouvés, chez Jack ou à Boston (Mugar Library),
et qui sont des manuscrits inachevés… D’après les informations fournies
par Steve Sherman, un membre éminent du projet VIE, il y aura en
particulier un « policier » sans titre. Je cite une communication
de Steve sur ce sujet : « Le titre a été reconstitué en utilisant la première ligne,
qui est "The Telephone was Ringing in the Dark", c'est-à-dire
"Le Téléphone Sonnait Dans L’Obscurité"…) : il contient
quatre chapitres complets, le reste étant une ébauche, un synopsis.
L’intrigue n’est pas complètement développée (par exemple, il y
a deux armes du crime différentes pour le même meurtre), mais les
personnages sont très bien campés. Un régal en perspective pour
les lecteurs. " On y trouvera aussi un autre policier à l’état d’ébauche, avec
Joe Bain comme personnage principal, intitulé « The Genesse Slough
Murders ». Et quelques nouvelles également incomplètes. Par contre, il existe bien une nouvelle complète, définitive,
jamais publiée, retrouvée à Boston. C’est un texte que Jack a écrit
dans les années 30, alors qu’il était adolescent. Il s’intitule
“The End of the Moon Chase” (La fin de la poursuite lunaire). Jack
ne souhaite pas qu’on publie cette œuvre de jeunesse.
|
12) HISTOIRES ENCORE PIRES
Question posée par Charles : L’anthologie « Lost Moons » comportait une superbe préface, écrite
par Jack Vance, sans doute la meilleure partie du livre… Il y décrit
les nouvelles comme étant dépourvues de la distinction d’être les
pires qu’il ait pu écrire, et il dit que les éditeurs ont mis celles-là
de côté pour une autre anthologie, « Le Pire De Jack Vance ». Aucun livre n’a été publié sous ce titre, et je n’ai vu aucune
anthologie dont on pourrait dire qu’elle est la pire. A quelles
histoires Jack faisait-il allusion ?
Réponse de Jack : Oh, je ne sais pas, juste un tas de nouvelles écrites à mes débuts.
Il y a beaucoup de ces premières histoires que je n’aime pas, j’en
ai un peu honte. Elles étaient toutes drôlement naïves… Pendant
mes premières années, j’essayais de trouver quelque chose… je ne
sais pas… disons simplement que je ne suis pas fier de mes premières
histoires, non, je n’en suis pas fier…
L'anthologie "Lost Moons" (édité
par Underwood-Miller en 1982) contient les nouvelles
suivantes Assault on
a City Four Hundred Blackbirds I'll Build Your Dream
Castle Meet Miss Universe The Potters of Firsk Sabotage on Sulfur Planet Seven Exits from Bocz Winner Lose
All The World-Thinker avec préface de Jack Vance... Cette antho n'a pas été traduite en
Français ainsi que la préface, de maniére générale il n'existe aucune
préface de Jack à une traduction française . Les nouvelles citées
ci-dessus ont été traduites et se trouvent dispersées dans les antho faites
(ex-nihilo) par Presses Pocket : 1) " Assault on a city " in
Presses Pocket, 1980 (le Livre d'or de la Science-Fiction: Jack Vance, nº 5097) et
Papillon de lune. Presses Pocket, 1988 (le Grand temple de la
Science-Fiction, nº 5097 par Jacques Chambon 2) "The World-Thinker" in
Docteur Bizarre. Presses Pocket, 1992 (Science-Fiction, nº 5402) 3) "Four
Hundred Blackbirds", " Dream castle " in Châteaux en espace.
Presses Pocket,
1993 (Science-Fiction, nº 5403) 4) "The Potters of Firsk", " Winner lose all
" in Pagaille au loin. Pocket, 1994 (Science-Fiction, nº 5404) 5) "Meet
Miss Universe ", en français : " Miss Univers ". In numéro spécial
de la revue Graal hors série n° 4 : Jack Vance - 1990 Sabotage on Sulfur Planet
et Seven Exits from Bocz sont non encore traduites à ce jour. |
13) IMPACT COMMERCIAL DES RECOMPENSES
Question posée par Aldiboronti Le Dernier Château et Les Maîtres des Dragons sont de vrais joyaux.
Est-ce que le fait d’avoir obtenu le Nebula et le Hugo pour ces
romans a eu un impact significatif sur votre carrière, en termes
de ventes, négociations de contrats, etc. ?
Réponse de Jack : Non.
(John Vance relance : tu n’as jamais eu l’impression que ça avait
fait quelque chose ?)
Jack : Non.
(John Vance : ça ne t’a jamais rien rapporté ! ! !)
Jack : Rien, que dalle…
(John Vance : « Je suis très touché par l’honneur qui m’est fait…
»)
Jack : Non, ces types se fichent complètement de ces choses là,
tout ce qui les intéresse, c’est le scandaleux, le sensationnel…
Si on parlait de moi dans les journaux, alors je vendrais beaucoup
de livres… Regarde Phil Dick. Phil Dick, à part le fait que c’était un écrivain
remarquablement habile, a eu l’honneur d’être considéré comme complètement
fou… Il est devenu célèbre, il avait toute une clique autour de
lui. A mon goût, il était vraiment trop cinglé, trop sarcastique,
trop sardonique, négatif… et pourtant, certains de ses textes sont
fabuleusement drôles… mais c’était quelqu’un avec qui je n’avais
pas d’atomes crochus, aucun.
(John Vance : Tu l’as rencontré ?)
Jack : Oh oui, bien sûr..
(John Vance : Tu le connaissais bien ?)
Jack : pas de façon intime, mais assez bien.
(John Vance: Tu l’as rencontré dans des soirées ?)
Jack : à vrai dire, je ne me souviens plus très bien. La première
fois que je l’ai rencontré, il était plutôt effacé, tranquille.
Je ne pensais pas qu’il irait bien loin… Mais la dernière fois que
je l’ai vu, j’étais invité avec Poul à une soirée dans le comté
de Marin, par une bonne femme, elle ne nous a rien servi, même pas
un verre de vin ! Bon, toujours est-il que Phil Dick est arrivé
comme une trombe, complètement déjanté, il nous a ignorés, Poul
et moi, il a traversé la foule à grands pas, il est ressorti comme
il était venu, après avoir fait quelques trucs dont je ne me souviens
plus maintenant. C’est la dernière fois que je l’ai vu… portant
une cape, des grandes bottes, se pavanant à travers la foule. Quelle
différence avec ce type quand je l’ai rencontré la première fois…
c’était où, déjà, dans le bureau de Scott Meredith, ou bien chez
Anthony Boucher ? Ce petit gars bien calme, modeste, banal… Vraiment,
cette différence avec ce type arrivant dans cette soirée, tu vois,
comme un grand pirate, avec un grand manteau, ses grandes bottes,
sans son coutelas mais en se pavanant à travers la pièce. A cette
époque, il avait sa réputation, il prenait des drogues, complètement
fêlé. C’était un sacré type, drôlement intelligent. Il y avait un type qui s’appelait Avram Davidson, qui avait
épousé une femme qui s’appelait Grania*. Elle a divorcé, en fin de
compte, une femme très sympa, nous l’aimions bien. Elle a épousé
Dick, et ils se sont installés, c’est assez étrange, dans
une maison louée à l’est d’Oakland, qui appartenait, hasard ou coïncidence,
à Ali Szantho*.
Commentaires de P. Dusoulier : * Grania Davidson est restée en bons termes avec son ex-mari,
et a été identifiée comme co-auteur de certains de ses ouvrages.
Avram Davidson était un très bon auteur de SF. J’ai plusieurs de
ses livres, je ne l’ai pas relu depuis des années, mais j’en garde
un bon souvenir ! « Masters of the Maze », « The Enemy of my Enemy
», « Peregrine Primus »… Jacques Garin saura dire s’il a été abondamment
traduit en Français ou non ! Tout à fait, mon cher Patrick,
tous les oeuvres traduites de Davidson sont là sur Index SF: http://sf.marseille.mecreant.org/ouvaut.php3?000695 .
Merci Laurent. A
propos de Philip K. Dick, j'ai demandé au spécialiste
français Gilles Goulet de plus amples renseignements
sur la liaison entre Grania Davidson et Dick. D'aprés
la biographie de Dick par Ann
Sutin www.le-paradick.com/biosutin.html
(chapitre "le Visage du Mal") *** Dick demande le divorce (de
sa 3e épouse) en mars 1964, et retourne sur Berkeley puis Oakland, où il
rencontre des collègues, vit 6 mois avec Grania Davidson (fan et futur auteure
de SF). *** Autre chose : toujours tiré de la biographie d'Ann
Sutin "Un directeur de collection de chez Pyramid Books (éditeur de livres
de poche) avait résolu de commander deux romans ayant pour titre
deux expressions-concepts archétypiques (et très commerciales) de la S.-F.:
Space Opera et Zap Gun ["fusils à rayons"]. Jack Vance prit le premier,
impatient de s'attaquer à un nouveau projet pour profiter des retombées de
son récent prix Hugo, Dick s'appropria le second".
* Ali Szantho est un ami des Vance, voir l’article de Norma «
Une autre façon de voir Jack Vance ». Alidor Szantho a eu l’honneur
d’apparaître dans des textes de Jack à au moins cinq reprises, ce
qui est actuellement le record…
- dans "Le Tour de Freitzke", tandis qu’il joue aux échecs avec
Miro Hetzel, Faurence Dacre fait une remarque pour détourner l’attention
de Miro: "Voici le vieux Szantho qui va prendre son bain trempette hebdomadaire
dans le lac! Il a décidément une forte prédilection pour les maillots de
bain hideux!" trad.JP Pugi (p.338) - Livre d'or Jack Vance - Presses Pocket
n°5097
- dans "Le Palais de l’Amour", Ferencz Szantho est l’auteur d’un
livre intitulé "Introduction à notre mère la Terre", dont on cite un extrait
concernant cet étrange état psychologique de “Erdenfreude”.
- dans "Le Visage du Démon",
Jane Szantho est l’auteur d’un ouvrage
intitulé "Guide Touristique des Corannes", dans
lequel on trouve une description de Dar Sai.
- dans "Marune: Alastor 933", le baron Szantho est un des quatorze
eïodarques de Scharrode.
- dans "Maske: Thaery", Sune Mircea demande à Jubal Droad de se
présenter sous le nom de “Aladar Szantho” quand il l’appellera chez
elle.
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